La plus grande : Émilie ou Sylvie?
Amateurs vendredi, 24 juil. 2009. 11:21 vendredi, 13 déc. 2024. 20:21
J'étais à Chicoutimi à casser la croûte avec Marc Gagnon quand j'ai appris qu'Émilie Heymans venait de décrocher la médaille d'argent au 3 mètres lors des championnats du monde. J'ai failli m'étouffer.
Pas parce qu'Émilie n'a pas le talent pour réussir pareil exploit. J'ai failli m'étouffer parce qu'Émilie ne s'entraîne sérieusement à cette épreuve que depuis janvier dernier. Six mois plus tard, elle devient vice-championne du monde. Ça devait arriver un jour mais pas maintenant. Elle est la première à le reconnaître.
« J'trouve que ça va vite », lance en riant Émilie lorsque rejoint à Rome trois jours après sa médaille. « Faut croire que c'est mon expérience de compétition qui a fait la différence. Des compétitions de ce genre, j'en ai vécu plusieurs. Il y a moins de stress.»
Même son entraîneuse Yihua Li croyait que c'était une blague quand un dirigeant de Plongeon Canada l'a appelé pour lui dire que sa protégée avait terminé deuxième. Li était demeuré à Montréal pour cette compétition en raison d'un horaire chargé.
Il n'y a pas que des coïncidences dans la vie. Depuis qu'Émilie a changé d'entraîneur pour se retrouver sous les ordres de Yihua Li, on semble voir la « vraie » Émilie. Les résultats parlent d'eux-mêmes. Médaille d'argent aux Jeux Olympiques de Pékin. Quand je l'ai rencontrée après sa médaille dans la zone d'entrevue à Pékin, elle semblait transformée. Comme si le poids du monde entier venait de quitter ses épaules.
« D'avoir vécu autant de stress et d'avoir été en mesure de bien performer m'a amené beaucoup de confiance. », précise-t-elle.
Depuis ce temps, Émilie s'amuse. Elle n'a plus la pression d'être la meilleure au 10 mètres puisqu'elle a choisi de se concentrer uniquement sur le 3 mètres. Un nouveau défi vers les Jeux de Londres en 2012. Mais là, elle est déjà deuxième au monde. C'est un exploit digne de mention.
« Je n'avais pas la liste de plongeons la plus difficile mais c'est ma constance qui m'a permis de monter sur le podium. Il y a encore trois ans avant les Jeux de 2012. Disons que ça s'annonce bien pour le reste », lance Émilie tout sourire.
Qui est la meilleure?
Je ne suis pas un fan de comparer des athlètes qui ont évolué à des époques différentes mais je me suis quand même posé la question. Si on sait qu'Alexandre Despatie est le plus grand plongeur de l'histoire canadienne, qui serait au sommet chez les dames?
Personnellement, Sylvie Bernier et Émilie Heymans viennent sur un pied d'égalité.
Allons-y d'abord au niveau statistique. À ce chapitre c'est avantage Heymans. La plongeuse de Greenfield Park a remporté trois médailles olympiques dont une dans une épreuve individuelle (l'argent au 10 mètres à Pékin). Heymans a également décroché le titre de championne du monde en 2003 à Barcelone au 10 mètres et ce qu'elle vient de faire à Rome relève de l'exploit.
De l'autre côté, Sylvie Bernier n'a peut-être pas le palmarès d'Émilie mais elle aura été la première. La première canadienne, la première québécoise à remporter une médaille d'or en plongeon aux Jeux olympiques. Elle a pavé la voie. Depuis Bernier, cinq athlètes canadiens sont montés sur le podium aux olympiques. Quatre d'entre eux sont des québécois (Annie Pelletier, Anne Montminy, Émilie Heymans et Alexandre Despatie). Blythe Hartley est l'autre plongeuse.
Encore aujourd'hui, le nom de Sylvie Bernier ne laisse personne indifférent. Au Québec, elle fait partie du groupe sélect d'athlètes qui sont demeurés dans la mémoire collective. Sa personnalité attachante, son franc-parler et son humanisme en ont fait un modèle pour plusieurs plongeurs. Sa place dans l'histoire ne se quantifie pas seulement par le nombre de médailles mais bien par l'impact qu'elle a pu avoir.
Au bout du fil, je fais part de cette analyse à Émilie. Elle trouve flatteur d'être comparée à Sylvie mais apporte quand même un argument sur le fait qu'il est difficile d'établir une comparaison.
« À l'époque de Sylvie, les carrières des athlètes étaient beaucoup plus courtes pour la simple et bonne raison qu'il était difficile de vivre de son sport. De mon côté, ma carrière s'étire sur beaucoup plus d'années car les structures en place sont meilleures et je peux vivre de mon sport », explique Heymans.
Émilie Heymans et Phil Mickelson = même combat
Ce que vient d'accomplir Émilie à Rome, tient presque du miracle. J'ai toujours cru qu'Émilie n'obtenait pas toute la reconnaissance qui lui revenait. Par le passé, ceux et celles qui regardaient le plongeon de l'extérieur court-circuitait la réalité pour en venir à la conclusion qu'Émilie chokait plus souvent qu'à son tour. Les épisodes des Jeux olympiques d'Athènes en 2004 et des Mondiaux FINA à Montréal en 2005 ont alimenté cette impression. Pourtant en 2003, Émilie avait remporté le championnat du monde sous une pression immense.
Émilie a le « malheur » d'évoluer au cours de la même époque qu'Alexandre Despatie. Un peu comme Phil Mickelson avec Tiger Woods. Mickelson a remporté 43 tournois professionnels et trois tournois majeurs. Combien de golfeurs peuvent se targuer d'avoir autant de succès actuellement? Un seul : Tiger Woods. Pourtant, Phil Mickelson est un sapré bon golfeur mais toute l'attention est sur Woods. C'est normal : il domine son sport. C'est un prodige. C'est la même chose avec Despatie.
N'allez pas croire que Heymans se plaint de la situation. C'est une athlète réservée qui ne court pas après les caméras. Elle se prête volontiers au jeu mais sans plus. Comme on dit, elle aime la jouer discrètement.
« Depuis 2003 où je suis devenu championne du monde, je suis beaucoup moins à l'aise avec l'attention que l'on me porte que ce soit les médias ou le public. Tu sais, je ne suis pas quelqu'un qui a besoin de la reconnaissance du public. Si je suis satisfaite de moi, c'est amplement suffisant. Encore aujourd'hui, quand les gens me reconnaissent dans la rue, je suis mal à l'aise. Pas que ça ne me fait pas plaisir, au contraire, mais je ne sais pas trop quoi dire. C'est dans ma nature, je suis timide. »
Qu'en pense le grand Alex?
Alexandre Despatie connaît bien Heymans. Il l'a côtoie quotidiennement depuis plusieurs années. Il a été surpris de voir sa coéquipière sur le podium. « Je dois t'avouer, on ne l'a pas vu venir celle-là », de dire Despatie quelques heures après avoir terminé troisième au tremplin de 3 mètres. « Sauf qu'Émilie a cet instinct de compétitrice en elle. Elle s'entraîne tellement fort. Je pense que cette médaille aura l'effet d'un gros boost sur elle. », ajoute Despatie.
Est-elle la meilleure plongeuse de l'histoire au Canada? Là, Despatie enfile sa plus belle paire de patins. Faut le comprendre, il est très près de Sylvie Bernier et d'Émilie Heymans. « Heu Il y a eu beaucoup d'autres plongeuses avant notre époque. En tout cas, elle travaille fort en ce sens.» Merci Alex tu t'en es bien sorti! Il éclate de rire!
La reconnaissance
Quand vient le temps de faire la nomenclature des grands athlètes québécois, les noms de Sylvie Bernier, Gaétan Boucher, Pierre Harvey, Myriam Bédard, Jean-Luc Brassard, Bruny Surin, Marc Gagnon et Alexandre Despatie, surgissent rapidement.
Il faudra dorénavant ajouter le nom d'Émilie Heymans à cette liste. Sans l'ombre d'un doute, Heymans ne reçoit pas tout le mérite qui lui revient et sa carrière n'est pas encore terminée loin de là!
Pas parce qu'Émilie n'a pas le talent pour réussir pareil exploit. J'ai failli m'étouffer parce qu'Émilie ne s'entraîne sérieusement à cette épreuve que depuis janvier dernier. Six mois plus tard, elle devient vice-championne du monde. Ça devait arriver un jour mais pas maintenant. Elle est la première à le reconnaître.
« J'trouve que ça va vite », lance en riant Émilie lorsque rejoint à Rome trois jours après sa médaille. « Faut croire que c'est mon expérience de compétition qui a fait la différence. Des compétitions de ce genre, j'en ai vécu plusieurs. Il y a moins de stress.»
Même son entraîneuse Yihua Li croyait que c'était une blague quand un dirigeant de Plongeon Canada l'a appelé pour lui dire que sa protégée avait terminé deuxième. Li était demeuré à Montréal pour cette compétition en raison d'un horaire chargé.
Il n'y a pas que des coïncidences dans la vie. Depuis qu'Émilie a changé d'entraîneur pour se retrouver sous les ordres de Yihua Li, on semble voir la « vraie » Émilie. Les résultats parlent d'eux-mêmes. Médaille d'argent aux Jeux Olympiques de Pékin. Quand je l'ai rencontrée après sa médaille dans la zone d'entrevue à Pékin, elle semblait transformée. Comme si le poids du monde entier venait de quitter ses épaules.
« D'avoir vécu autant de stress et d'avoir été en mesure de bien performer m'a amené beaucoup de confiance. », précise-t-elle.
Depuis ce temps, Émilie s'amuse. Elle n'a plus la pression d'être la meilleure au 10 mètres puisqu'elle a choisi de se concentrer uniquement sur le 3 mètres. Un nouveau défi vers les Jeux de Londres en 2012. Mais là, elle est déjà deuxième au monde. C'est un exploit digne de mention.
« Je n'avais pas la liste de plongeons la plus difficile mais c'est ma constance qui m'a permis de monter sur le podium. Il y a encore trois ans avant les Jeux de 2012. Disons que ça s'annonce bien pour le reste », lance Émilie tout sourire.
Qui est la meilleure?
Je ne suis pas un fan de comparer des athlètes qui ont évolué à des époques différentes mais je me suis quand même posé la question. Si on sait qu'Alexandre Despatie est le plus grand plongeur de l'histoire canadienne, qui serait au sommet chez les dames?
Personnellement, Sylvie Bernier et Émilie Heymans viennent sur un pied d'égalité.
Allons-y d'abord au niveau statistique. À ce chapitre c'est avantage Heymans. La plongeuse de Greenfield Park a remporté trois médailles olympiques dont une dans une épreuve individuelle (l'argent au 10 mètres à Pékin). Heymans a également décroché le titre de championne du monde en 2003 à Barcelone au 10 mètres et ce qu'elle vient de faire à Rome relève de l'exploit.
De l'autre côté, Sylvie Bernier n'a peut-être pas le palmarès d'Émilie mais elle aura été la première. La première canadienne, la première québécoise à remporter une médaille d'or en plongeon aux Jeux olympiques. Elle a pavé la voie. Depuis Bernier, cinq athlètes canadiens sont montés sur le podium aux olympiques. Quatre d'entre eux sont des québécois (Annie Pelletier, Anne Montminy, Émilie Heymans et Alexandre Despatie). Blythe Hartley est l'autre plongeuse.
Encore aujourd'hui, le nom de Sylvie Bernier ne laisse personne indifférent. Au Québec, elle fait partie du groupe sélect d'athlètes qui sont demeurés dans la mémoire collective. Sa personnalité attachante, son franc-parler et son humanisme en ont fait un modèle pour plusieurs plongeurs. Sa place dans l'histoire ne se quantifie pas seulement par le nombre de médailles mais bien par l'impact qu'elle a pu avoir.
Au bout du fil, je fais part de cette analyse à Émilie. Elle trouve flatteur d'être comparée à Sylvie mais apporte quand même un argument sur le fait qu'il est difficile d'établir une comparaison.
« À l'époque de Sylvie, les carrières des athlètes étaient beaucoup plus courtes pour la simple et bonne raison qu'il était difficile de vivre de son sport. De mon côté, ma carrière s'étire sur beaucoup plus d'années car les structures en place sont meilleures et je peux vivre de mon sport », explique Heymans.
Émilie Heymans et Phil Mickelson = même combat
Ce que vient d'accomplir Émilie à Rome, tient presque du miracle. J'ai toujours cru qu'Émilie n'obtenait pas toute la reconnaissance qui lui revenait. Par le passé, ceux et celles qui regardaient le plongeon de l'extérieur court-circuitait la réalité pour en venir à la conclusion qu'Émilie chokait plus souvent qu'à son tour. Les épisodes des Jeux olympiques d'Athènes en 2004 et des Mondiaux FINA à Montréal en 2005 ont alimenté cette impression. Pourtant en 2003, Émilie avait remporté le championnat du monde sous une pression immense.
Émilie a le « malheur » d'évoluer au cours de la même époque qu'Alexandre Despatie. Un peu comme Phil Mickelson avec Tiger Woods. Mickelson a remporté 43 tournois professionnels et trois tournois majeurs. Combien de golfeurs peuvent se targuer d'avoir autant de succès actuellement? Un seul : Tiger Woods. Pourtant, Phil Mickelson est un sapré bon golfeur mais toute l'attention est sur Woods. C'est normal : il domine son sport. C'est un prodige. C'est la même chose avec Despatie.
N'allez pas croire que Heymans se plaint de la situation. C'est une athlète réservée qui ne court pas après les caméras. Elle se prête volontiers au jeu mais sans plus. Comme on dit, elle aime la jouer discrètement.
« Depuis 2003 où je suis devenu championne du monde, je suis beaucoup moins à l'aise avec l'attention que l'on me porte que ce soit les médias ou le public. Tu sais, je ne suis pas quelqu'un qui a besoin de la reconnaissance du public. Si je suis satisfaite de moi, c'est amplement suffisant. Encore aujourd'hui, quand les gens me reconnaissent dans la rue, je suis mal à l'aise. Pas que ça ne me fait pas plaisir, au contraire, mais je ne sais pas trop quoi dire. C'est dans ma nature, je suis timide. »
Qu'en pense le grand Alex?
Alexandre Despatie connaît bien Heymans. Il l'a côtoie quotidiennement depuis plusieurs années. Il a été surpris de voir sa coéquipière sur le podium. « Je dois t'avouer, on ne l'a pas vu venir celle-là », de dire Despatie quelques heures après avoir terminé troisième au tremplin de 3 mètres. « Sauf qu'Émilie a cet instinct de compétitrice en elle. Elle s'entraîne tellement fort. Je pense que cette médaille aura l'effet d'un gros boost sur elle. », ajoute Despatie.
Est-elle la meilleure plongeuse de l'histoire au Canada? Là, Despatie enfile sa plus belle paire de patins. Faut le comprendre, il est très près de Sylvie Bernier et d'Émilie Heymans. « Heu Il y a eu beaucoup d'autres plongeuses avant notre époque. En tout cas, elle travaille fort en ce sens.» Merci Alex tu t'en es bien sorti! Il éclate de rire!
La reconnaissance
Quand vient le temps de faire la nomenclature des grands athlètes québécois, les noms de Sylvie Bernier, Gaétan Boucher, Pierre Harvey, Myriam Bédard, Jean-Luc Brassard, Bruny Surin, Marc Gagnon et Alexandre Despatie, surgissent rapidement.
Il faudra dorénavant ajouter le nom d'Émilie Heymans à cette liste. Sans l'ombre d'un doute, Heymans ne reçoit pas tout le mérite qui lui revient et sa carrière n'est pas encore terminée loin de là!