Tout d'abord, je tiens à féliciter Éric Gagné pour sa conquête du trophée Cy Young. Si Gagné ne l'avait pas emporté, j'aurais été le partisan le plus déçu au monde. Ça aurait été rien de moins qu'une injustice flagrante.

En 2003, Gagné a été parfait, rien de moins. Réussir 55 sauvetages en 55 tentatives, ce n'est pas rien. Regardez également le nombre de retraits au bâton qu'il a récolté par rapport au nombre de but sur balles. Jamais dans l'histoire du baseball, un artilleur a réussi ce qu'a réussi Éric en 2003.

Il s'agit également d'une excellente nouvelle pour le baseball québécois. Nous sommes bien placés pour savoir à quel point le baseball a été matraqué au Québec au cours des dix dernières années en raison des problèmes qui gravitent autour de l'avenir des Expos et du baseball majeur à Montréal. Je crois que l'exploit de Gagné incitera bon nombre de jeunes Québécois à se mettre à jouer au baseball dans les prochaines années. Éric est vraiment tout un ambassadeur pour le baseball.

Pourquoi toujours un partant?

Certains pourraient en quelque sorte dénigrer le Cy Young de Gagné en disant qu'il n'est qu'un releveur et que le Cy Young doit aller à un partant. À ces gens, je répondrais que le partant n'est appelé au monticule qu'une fois sur cinq alors que le gérant peut faire appel au releveur à tous les matchs (et il ne fera pas appel à un releveur à tous les matchs, mais le releveur doit se préparer comme s'il avait à se présenter à chaque match). Règle générale, un releveur doit s'attendre à effectuer au moins 70 sorties par saison. En 2003, le Canadien Paul Quantrill a dominé la Ligue nationale avec 89 sorties. De son côté, Gagné a lancé 77 fois (il vient au 9e rang à ce chapitre).

C'est donc dire que Gagné a lancé deux fois plus souvent qu'un lanceur partant (les partants effectuent entre 30 et 35 départs par campagne). Et il ne faut pas oublier que les releveurs numéro un comme Gagné n'ont pas vraiment de marge de manoeuvre. Si Gagné ne fait pas son travail, il y a de fortes chances que les Dodgers perdent. Toutefois, si Kevin Brown flanche en début de match, les Dodgers auront plusieurs manches pour revenir dans le match. Dans cette optique, l'exploit de Gagné est doublement méritoire... Gagné se devait d'être constant et il l'a été tout au cours de l'année. Je le répète, il a été parfait. Difficile de faire mieux. Il mérite largement cet honneur.

Les records de Gagné

Dans sa croisade vers le Cy Young, Éric a brisé quelques marques du baseball majeur. Il est devenu le premier releveur à réussir deux saisons de 50 sauvetages, il a conservé une moyenne de .964 à ses 100 premiers sauvetages en carrière, il revendique maintenant 63 sauvetages consécutifs et il a retiré 14.98 frappeurs au bâton à chaque neuf manches. En voilà de belles statistiques.

La constance étant le chose la plus importante pour un lanceur -- et la plus difficile --, je crois que le fait d'avoir récolté 50 sauvetages lors de deux saisons consécutives est l'exploit le plus méritoire de Gagné. Maintenant, il doit continuer sur la même voie. Éric a, selon moi, connu la meilleure saison de l'histoire pour un releveur (je répète qu'il a été parfait), mais il ne peut évidemment être considéré comme le meilleur releveur de l'histoire du sport. Mais il a le potentiel pour y arriver. Éric a tous les outils pour répéter ses exploits pendant encore plusieurs années. S'il récolte dix saisons de plus de 40 sauvetages, on pourrait commencer à le considérer comme le meilleur de sa profession.

Le trophée remis au joueur par excellence soulève une certaine controverse depuis quelques années. Certains considèrent que le trophée doit être remis au meilleur joueur alors que d'autres croient qu'il faut remettre ce prix au joueur le plus utile à son équipe. Aucune controverse de ce genre n'entoure le Cy Young; il est remis au meilleur lanceur, point à la ligne. Et cette année, le meilleur a été Gagné.

En 2003, Gagné a touché près de 500 000 dollars en salaire. Je ne serais pas surpris s'il gagnait 10 millions la saison prochaine.

À la bonne place au bon moment

Le déclic dans la carrière de Gagné est survenu au début de la saison 2002 quand Jim Tracy et son personnel d'entraîneurs ont décidé de le muter au sein de l'enclos de relève et de lui donner une chance comme numéro un. Pendant le camp 2002, Gagné se battait pour le poste de cinquième partant avec Andy Ashby. On n'avait tout simplement pas de place pour Gagné. Du côté des Dodgers, on ne voulait pas s'en débarrasser car on savait pertinemment qu'une autre équipe allait en profiter. C'est un concours de circonstances qui a fait en sorte que Gagné a remporté le Cy Young. Il a saisi sa chance et il a donné raison aux entraîneurs des Dodgers. Il est arrivé à la bonne place au bon moment.

Chapeau Éric.