MONTRÉAL – Jeff Reardon observe la réponse des amateurs de baseball montréalais à la quatrième visite printanière des Blue Jays de Toronto et se dit qu’un rassemblement d’une telle envergure ne pourrait qu’arriver dans une ville qui mérite son équipe des majeures.

Mais il n’y a pas seulement ce que Reardon voit. Il y a aussi ce qu’il entend.

L’ancien releveur étoile, qui a joué pour les Expos pendant cinq saisons et demie lors des années dorées de la concession au début des années 1980, s’est peut-être échappé vendredi soir lorsque les journalistes l’ont questionné sur les signaux positifs qui émanent depuis quelques jours du dossier de possible retour des Expos.

« Steve Rogers est ici. Vous savez, il est impliqué dans l’Association des joueurs et il m’a parlé de la possibilité [que le Baseball majeur] ajoute une équipe bientôt. Qui sait? Ça ne peut venir d’une personne mieux informée, il est plutôt bien placé là-bas... »

« Mais je n’aurais probablement dû vous dire ça, hein? En tout cas, vous ne l’avez pas entendu de moi », a ensuite ajouté le sympathique barbu.

Rogers, qui a signé 158 victoires en 13 saisons avec les Expos, occupe effectivement le poste d’assistant spécial du service aux joueurs à l’Association des joueurs du Baseball majeur.

En plus de jeter un regard optimiste vers l’avenir, Reardon s’est laissé emporter par la nostalgie en voyant 43 180 spectateurs couvrir les gradins jaunes et bleus du vieux Stade vendredi.

« J’ai quitté les Mets, une équipe de dernière place qui avait de la misère à attirer 12 000 personnes, s’est souvenu celui pour qui les Expos avaient sacrifié Ellis Valentine. Le premier week-end que j’ai passé ici, on a joué devant 43 000 personnes le samedi et le dimanche. Je pensais que c’était circonstanciel, mais ça n’a pas arrêté jusqu’à ce que la grève frappe en 1994. La suite de l’histoire, je ne l’avais pas vu venir. Je pensais que cette équipe serait ici pour toujours. »

Al Oliver, lui, n’a joué que pendant deux saisons à Montréal, mais son court séjour fut assez long pour le convaincre que le cœur de son sport battait la chamade au Québec.

« J’étais ici il y a deux ans quand les Jays ont affronté les Reds, a raconté le célèbre numéro 0 du Bleu-blanc-rouge. Je ne suis pas allé sur le terrain, je suis resté en haut pour signer des autographes. Ma dernière saison ici remontait à 1983, mais les gens me reconnaissaient encore dans la rue! L’accueil que j’ai reçu ici, même si je n’ai joué que deux saisons avec les Expos, m’a jeté par terre. »

Oliver a comparé Montréal à Pittsburgh, une ville qui possède une grande tradition sportive et où il a passé les dix premières années de sa carrière.

« Ici comme là-bas, les gens n’oublient pas leurs joueurs et même si on ne veut pas toujours l’admettre, ce sont des détails qui sont importants pour nous. Ça vient nous chercher en-dedans et pour moi, il fait bon revenir à Montréal. »

Pour bien faire comprendre son affection envers les partisans montréalais, Oliver a dévoilé les détails de ses premiers pas avec les Expos, qui l’avaient obtenu dans une transaction avec les Rangers du Texas en 1982. L’ancien joueur de premier but prétend qu’il s’était amené à Montréal en cachant une blessure à une épaule qui affectait la qualité de son jeu.

« On ne me surnommait pas Scoop pour rien. Je récupérais les mauvais relais dans la terre battue comme pas un. Mais j’avais averti Tim Raines, qui jouait au champ gauche, de se tenir prêt à recevoir mes relais sur les balles à double-jeu parce que je ne pouvais pas lancer », a confié l’homme aujourd’hui âgé de 70 ans.

« J’ai fait beaucoup d’erreurs à mes débuts avec les Expos, mais une chose que je n’oublierai jamais, c’est que malgré mes difficultés en défensive, jamais je ne me suis fait huer. Pas une seule fois! Ça m’a permis de rester sain d’esprit et de ne pas transporter mes problèmes en attaque, où j’ai connu la meilleure saison de ma carrière. Si les partisans m’avaient mis de la pression, jamais ça n’aurait été possible et je leur en suis encore reconnaissant. »

Oliver s’émerveillait de se retrouver au cœur de la parfaite tempête cette fin de semaine. Sous ses yeux s’affrontaient la première et la dernière équipe pour lesquelles il a joué dans le stade où il a connu sa meilleure saison.

« Chaque fois que j’ai la chance de revenir à Montréal, j’en profite à fond et je souhaite aux gens d’ici de retrouver leur équipe le plus vite possible pour que je puisse revenir encore plus souvent. Je sais que l’enthousiasme n’est jamais disparu. Les gens veulent du baseball et à mon avis, ils le méritent. Ils ont besoin d’une deuxième chance. »