BOUCHERVILLE – Pendant un bref instant, on s’est inquiété pour les Blue Jays de Toronto. Quand l’arrivée de Mark Shapiro à la présidence du club a convaincu le directeur général Alex Anthopoulos de quitter le navire au terme d’un inspirant parcours en séries éliminatoires, tout le courant positif généré par ce succès semblait s’être estompé.

Mais la vie a tranquillement repris son cours normal sur le perchoir des Jays. Sans viser le coup de circuit, la nouvelle administration a commencé la mise au point de la formation en tentant de compenser pour le départ de l’as partant David Price pour Boston. Rien pour que le niveau de popularité de Ross Atkins, le nouveau DG, n’atteigne celui de son prédécesseur, mais la tempête a quand même été essuyée sans que l’embarcation n’encaisse trop de dommage.

« Il y a peut-être eu une incertitude au niveau médiatique? Parce que moi je ne le sens pas! Je me sens bien, je trouve que notre club va revenir en force.  En terme de talent, presque rien n’a changé », fait calmement remarquer Russell Martin, l’une des pierres d’assise des succès de l’équipe canadienne en 2015.

« Je sais qu’à Toronto, on aime vendre des histoires. On savait que [l’ancien président] Paul Beaston en était sa dernière année. On savait aussi qu’Alex et lui étaient deux grands chums et qu’ils travaillaient bien ensemble. C’est sûr qu’après un succès, habituellement les gars restent avec le club. Alex a choisi autrement, mais il n’y a pas vraiment de gros drame », expose Martin, rencontré Boucherville lors de l’annonce de sa participation à la deuxième édition de la « Classique hivernale », une compétition amicale de balle-molle dans le cadre de laquelle son équipe affrontera celle des « 4 chevaliers ».

L’arrivée de Martin a été l’un des nombreux coups d’éclats réalisés par Anthopoulos pendant ses sept années aux commandes des Jays. Le receveur québécois avait été charmé par une offre de contrat de cinq ans d’une valeur de 82 M$ à l’hiver 2014.

« Alex, c’est juste un bon gars, retiendra Martin. Tu jasais avec lui et si tu ne savais pas que c’était le DG des Jays, tu ne l’aurais jamais su. C’est juste un bon Montréalais! On s’est parlé un peu. Il m’a expliqué sa décision et je la trouvais compréhensible. Il n’est pas parti pour l’argent, mais plus pour une question de principe et je respecte ça. »

Mais malgré le départ de son compatriote, Martin demeure convaincu que son équipe est sur la bonne voie.

« Je n’ai aucune inquiétude. C’est sûr que chaque équipe essaie de s’améliorer, mais j’aime encore vraiment nos chances. J’aime notre club. Ce qu’on a présentement, c’est plus fort que ce qu’on avait en début de saison l’année passée. »

De sa position derrière le marbre, Martin dirigera un personnel de lanceurs légèrement modifié. Sans Price, le sommet de la rotation devrait être confié au tout aussi charismatique Marcus Stroman.

« C’est un as, tranche Martin sans équivoque. À la fin de l’année, c’était lui notre meilleur lanceur. C’est un gars exceptionnel. Il a quatre lancers dominants et une énergie indescriptible. Quand il est sur le terrain, il dégage quelque chose dont tout le monde se nourrit. C’est exactement ce que tu veux de ton as. Quand il lance, tout le monde est confiant. »

Rétabli d’une blessure à un genou subi au camp d’entraînement juste à temps pour le dernier droit de la saison, Stroman a remporté ses quatre départs au mois de septembre en plus de monter sur la butte à trois reprises en séries. Martin croit dur comme fer que le droitier de 24 ans pourra multiplier ce genre de performance sous la pression d’un nouveau rôle et du début à la fin d’un long calendrier.

« C’est un gars qui est super fort mentalement. Il n’y a rien qui va me surprendre de lui. Il a une bonne tête sur les épaules et c’est là que tout commence. »

Martin se réjouit aussi du retour de Marco Estrada, un ancien releveur converti en partant qui s’est avéré être l’une des plus belles surprises de la saison magique des Jays. Admissible à l’arbitrage salarial, l’artilleur a conclu une entente de deux ans en novembre.

« J’adore le fait qu’on garde ce gars-là, dit Martin. Je pense que silencieusement, en passant sous le radar, il a été l’un des meilleurs lanceurs de la Ligue. Ce n’est pas un gars qui va avoir beaucoup de retraits au bâton, mais la moyenne des adversaires contre lui approchait ,200. C’est ridicule! Il y a seulement les meilleurs qui font ça. »

Dioner Navarro était devenu le receveur attitré d’Estrada la saison dernière. Avec le départ du vétéran sur le marché des joueurs autonomes, Martin et le Mexicain auront la chance de travailler plus souvent ensemble la saison prochaine.

« C’est l’un des gars les plus faciles à catcher parce qu’il est tellement en contrôle. Quand tu ajoutes un gars comme ça dans la rotation, ça ne peut que me faire plaisir parce que je suis presque en vacances quand il est sur le monticule! »

Sur la majorité des tribunes, les Jays font toujours figure d’équipe favorite dans la section Est de la Ligue américaine en vue de la prochaine saison. L’acquisition de Price et des releveurs Craig Kimbrel et Carson Smith par les Red Sox de Boston ne semblent pour l’instant pas avoir fait pencher la balance du pouvoir aux yeux des experts.

« Dans le fond, on ne sait pas qui va gagner n’importe quelle division. On ne sait jamais. Toutes les équipes essaient de s’améliorer », considère Martin.

« Mais pour que Kimbrel ait un impact, il faudra qu’il ait l’avance en fin de match! Le closer ne peut pas marquer des points pour son équipe et j’aime toujours notre offensive. Je pense qu’on va encore avoir une des meilleures attaques dans la Ligue », se permet de prédire celui qui a claqué 23 circuits, un sommet personnel, en 2015.