Ichiro Suzuki élu au Temple à l'unanimité?
Si Ichiro Suzuki devrait devenir le deuxième joueur de l'histoire après Mariano Rivera à être admis de façon unanime au Temple de la renommée du baseball, on peut penser que le releveur Billy Wagner, à qui il ne manquait que cinq voix l'an dernier, pourrait être admis à sa 10e et dernière année d'éligibilité.
Le journaliste de La Presse Canadienne Frédéric Daigle est membre de l'Association des chroniqueurs de baseball d'Amérique (BBWAA), mais n'a pas encore le droit de vote, octroyé après avoir été membre en règle pendant 10 années d'affilée seulement.
Voici à quoi aurait ressemblé son bulletin en 2025.
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Quel exercice à la fois excitant et stressant! Les quelque 400 membres votant de la BBWAA doivent s'y soumettre chaque hiver, et peser le pour et le contre de plusieurs de ces candidatures demande un temps fou! Pour commencer, allons voir de quoi avait l'air notre bulletin de 2024:
Carlos Beltran, Adrian Beltre, Todd Helton, Andruw Jones, Joe Mauer, Andy Pettitte, Manny Ramirez, Alex Rodriguez, Gary Sheffield et Billy Wagner.
Du lot, Beltre, Helton et Mauer ont été élus. Sheffield a mordu la poussière, complétant ses 10 années sur les bulletins de vote avec une récolte de 246 votes sur 385 bulletins, pour 63,9 %, alors qu'il devait obtenir 75% pour réserver ses vacances à 'Coop'.
Il nous reste potentiellement quatre places sur notre bulletin de vote, mais plusieurs gros noms font leur entrée sur les bulletins de vote remis aux membres votant de la BBWAA en vue de la cérémonie d'intronisation de 2025: Ichiro Suzuki, C.C. Sabathia, Felix Hernandez et Dustin Pedroia, entre autres, mais également le Québécois Russell Martin. Nous allons manquer de place...
Premièrement: garde-t-on nos six noms de l'an dernier? Et puis, quels nouveaux prétendants méritent notre vote? Commençons avec cette catégorie.
Ichiro et C.C.
Deux noms nous apparaissent des incontournables: Ichiro et Sabathia. Le premier est une évidence: Ichiro est arrivé à Seattle à 27 ans, a remporté les titres de recrue et de joueur par excellence cette saison-là, au cours de laquelle il a lancé une séquence de 10 saisons de plus de 200 coups sûrs et de 12 de plus de 175. Au cours de ses 10 premières saisons, il a dominé les Majeures sept fois pour les coups sûrs.
Il a terminé sa carrière avec 3089 coups sûrs et on peut présumer que s'il avait lancé sa carrière aux États-Unis cinq années plus tôt à 22 ans, comme Pete Rose, ce serait lui le meneur de tous les temps.
Il y aura une «chasse aux sorcières» pour trouver les noms de ceux qui ne voteront pas pour lui, comme on avait cherché à savoir quel était le seul électeur à ne pas avoir mis le nom de Derek Jeter sur sa liste en 2019.
Sabathia ne vient qu'au 48e rang de l'histoire avec 251 victoires, ce qui est toute même 48 de plus de Roy Halladay, intronisé il y a quelques années. Ses 3093 retraits sur des prises le placent au 18e rang de tous les temps. De tous les lanceurs devant lui à ce chapitre, seuls trois ne sont pas au Temple: Curt Schilling et deux autres encore actifs, Justin Verlander et Max Scherzer.
Sa sélection ne sera pas unanime, mais il y sera.
Russell Martin
Quand on regarde la carrière de Martin, on ne peut pas ne pas être biaisé: il nous est presque contemporain et comment ne pas en pincer pour le meilleur joueur de position que le Québec a formé? Mais il ne faut pas l'être.
Si on regarde froidement ses statistiques, ses 1416 coups sûrs et 191 circuits ne représentent pas des chiffres suffisants pour ouvrir les portes du Temple, comme ses moyennes de ,248/,349/,397. Même en ajoutant les statistiques avancées, il demeure un receveur offensif moyen, comme le montre son OPS+ de 101, alors qu'un joueur moyen obtient la note de 100.
Pour que la candidature de Martin prenne du coffre, il faut regarder ce que nous traduirons par le cadrage des tirs (pitch-framing data), une statistique encore incomprise par un grand nombre de journalistes et de partisans, mais qui commence à faire sa niche parmi les férus de statistiques. En gros, c'est la capacité d'un receveur à aller chercher des prises pour ses lanceurs en ramenant les tirs un peu à l'extérieur de la zone dans celle-ci. Un peu comme le WAR, le WAR7 ou le JAWS à leurs débuts, cette statistique gagne peu à peu du terrain.
Quand on additionne le cadrage de tirs aux statistiques de Martin, c'est là qu'il devient un receveur défensif au-dessus de la norme. Ce n'est pas un hasard s'il a participé aux séries dans 10 de ses 14 saisons dans les Majeures.
Il faut donc être constant: nous sommes montés dans le train des statistiques avancées pour justifier la candidature de Tim Raines dans le passé, nous allons donc ajouter le nom de Martin à notre bulletin. Nous doutons cependant que le cadrage de tirs ait suffisamment d'adeptes parmi les électeurs pour que Martin reçoive les 5% requis pour que son nom demeure sur les bulletins. Mais nous sommes ouverts aux belles surprises.
Kinsler et Pedroia
Ian Kinsler et Dustin Pedroia ont immédiatement attiré notre oeil quand nous avons vu la liste des candidats. Voilà deux joueurs de deuxième but qui ont été parmi les meilleurs de leur profession au cours de leur carrière.
Pedroia a peut-être bénéficié de meilleures équipes avec lui, ce qui lui a valu de remporter un titre de joueur par excellence en plus de terminer une fois dans le top-5 et trois fois dans le top-10 au scrutin, ce que Kinsler n'a pas réussi. Kinsler a un meilleur WAR (54,1 contre 51,9) que Pedroia, mais son WAR7 (le WAR de ses sept meilleures saisons) est inférieur, 38,1 contre 41,0. Kinsler compte près de 200 coups sûrs de plus (1999 contre 1805), idem pour les points produits (909 contre 725).
Si l'on vote pour un, il faut presque voter pour l'autre. Si l'on vote pour ces deux deuxièmes-buts, et que nous gardons nos six votes de 2024 toujours en lice, nous avons un candidat de trop. Et tout au long de notre recherche, un autre candidat nous a chatouillés: Chase Utley.
À sa deuxième année d'éligibilité, Utley n'a pas reçu notre vote l'an dernier, victime de la congestion. Mais Utley — également un deuxième-but — a de bien meilleures statistiques avancées que Kinsler et Pedroia (WAR, WAR7, JAWS, OPS+), en plus de s'être retrouvé trois fois dans le top-10 au scrutin du joueur par excellence. Des trois, il est le seul à avoir franchi le cap des 1000 points produits.
Ce sera donc Utley qui prendra le 10e vote sur notre bulletin. Il restera encore du temps à Kinsler et Pedroia de s'y faire une place.
Officieusement, nos votes: Carlos Beltran, Andruw Jones, Russell Martin, Andy Pettitte, Manny Ramirez, Alex Rodriguez, C.C. Sabathia, Ichiro Suzuki, Chase Utley et Billy Wagner.
Réponse officielle le mardi 21 janvier. Dave Parker et Dick Allen ont été élus par le comité de l'ère classique et seront honorés lors de la cérémonie du 27 juillet prochain.