MONTRÉAL – Les répercussions du succès bœuf engendré par le passage des Blue Jays de Toronto au Stade olympique le printemps dernier ne furent pas éphémères.

Lui-même soufflé par la réponse des amateurs montréalais pour la série de deux matchs hors-concours qui a opposé son équipe aux Mets de New York en mars dernier, Paul Beeston en témoigne aujourd’hui sans hésiter. Le président et chef de la direction de l’unique équipe canadienne du baseball majeur a noté un changement dans l’attitude des dirigeants du baseball majeur à l’endroit d’un marché délaissé il y a dix ans.

« Sans aucun doute, assure-t-il avec conviction. Je me souviens qu’immédiatement après ces deux parties, mon téléphone ne dérougissait pas. On me demandait si les chiffres avaient été truqués, s’il y avait bel et bien autant de monde dans le stade. Ils croyaient tous que c’était trop beau pour être vrai! »

« Personne ne l’a oublié. Vous savez, le baseball est déjà revenu sur ses pas auparavant. Il est retourné à Milwaukee, à Seattle, à Washington, au Texas... Bien des choses devront se produire afin qu’il revienne ici, mais ce qui s’est passé n’est pas passé inaperçu. »

Pour l’instant, Montréal peut se consoler en sachant qu’elle profitera d’un autre échantillon. Mardi, les Blue Jays ont confirmé leur retour dans la métropole québécoise pour deux matchs préparatoires qui auront lieu les 3 et 4 avril. Les Reds de Cincinnati succéderont aux Mets de New York, qui avaient été les visiteurs pour le programme double disputé devant plus de 96 000 spectateurs il y a sept mois.

Denis CoderreEt si l’an dernier Bud Selig avait préféré envoyer son messager pour le représenter, Beeston s’attend à ce que son successeur, Rob Manfred, vienne constater de visu l’engouement suscité par l’événement.

« En tout cas, il a certainement reçu une invitation. J’ignore ce qui sera à son agenda cette journée-là, mais je vous assure qu’il comprend la réalité montréalaise. Je ne peux pas parler pour lui, mais je serais surpris qu’il ne soit pas ici. »

Pour le maire de Montréal, Denis Coderre, l’occasion sera idéale pour prouver que la réussite du premier événement n’était pas une histoire d’un soir... ou deux.

« Si nous avons eu du succès la première fois, ce n’est pas parce que c’était la fin de semaine de la nostalgie. Ça fait partie de notre ADN. Montréal est une ville de baseball », a clamé M. Coderre.

« Il faut envoyer un message très clair, a insisté le premier magistrat de la ville. Les gens d’affaires doivent faire leur travail et la population doit continuer à démontrer son support. »

Encore cette année, le week-end sera l’occasion de rendre un hommage à d’anciens joueurs des Expos. Les détails seront toutefois dévoilés ultérieurement. L’ancien porte-couleur des Reds et des Expos Tony Perez ainsi que deux membres importants de l’histoire des Blue Jays, Cito Gaston et Roberto Alomar, seront honorés.

Des rencontres de courtoisie

L’enthousiasme du maire Coderre pour l’ambitieux projet du retour du baseball à Montréal n’est un secret pour personne. Au cours des derniers mois, il s’est assuré d’animer la conversation à travers ses nombreux déplacements d’affaires.

Parce que le plus important, dit-il, c’est de « garder le flambeau bien haut. »

« J’ai une stratégie de jumelage sur le plan politique pour amener des investisseurs à Montréal. Chaque fois que je visite une ville où il y a un club de baseball, c’est sûr que je vais parler de baseball », explique M. Coderre.

À Milwaukee, une ville qui a perdu les Braves au profit d’Atlanta en 1965 avant d’accueillir les Brewers cinq ans plus tard, il a pris des notes pendant une longue discussion avec le maire. À Los Angeles, il a rencontré le nouveau président des Dodgers Stan Kasten, qui a vécu l’arrivée des Nationals à Washington.

« Ce sont des rencontres de courtoisie, juste pour jaser, précise M. Coderre. Il ne faut pas partir en peur, mais simplement démontrer notre sensibilité envers le sport et prouver qu’on est sérieux. »

« À Montréal, l'intérêt est là »

« Il faut préconiser une approche progressive, a-t-il insisté. J’ai demandé à mon équipe de mettre en place une politique du baseball à Montréal. Il y aura ces deux autres matchs au printemps. L’étude de faisabilité sera actualisée et la communauté des affaires continue de faire ses devoirs. Mais c’est aussi important d’envoyer un message. »

Mardi, le quotidien La Presse, sous la plume de Vincent Brousseau-Pouliot, rapportait que des représentants du milieu des affaires montréalais avaient eu deux rencontres avec la direction des Rays de Tampa Bay, équipe à l’avenir incertain dont le propriétaire, Stuart Sternberg,

Mais Sternberg ne s’est jamais retrouvé sur le chemin du pèlerinage du maire de Montréal, avance ce dernier.

« Je n’ai pas parlé aux Rays. Je connais le maire de St. Petersburg. Il est venu à l’hôtel de ville pour d’autres raisons, mais c’est sûr qu’on a parlé de baseball. C’était l’éléphant dans l’appartement, comme on dit. Mais je ne veux pas faire de maraudage, ce n’est pas mon travail », a développé le politicien, soucieux que sa ville ne devienne pas un « outil pour la surenchère » dans le dossier de la survie du baseball sur la côte ouest de la Floride.

Des matchs de saison régulière?

Une étape à la fois, prêche donc le maire Coderre. La prochaine, en apparence logique, pourrait-elle être de pousser l’expérience un peu plus loin et d’amener des matchs de saison régulière au Stade olympique?

La démarche a été étudiée, mais elle ne serait pas si simple à concrétiser, explique Paul Beeston.

« Il y a plusieurs années, on nous avait fait ce genre de demande pour le marché de Vancouver. Mais les matchs qu’il faudrait tenir ailleurs, ceux contre New York, Boston ou encore Detroit, sont aussi ceux que les partisans de Toronto veulent voir. Il faut aussi penser à ceux qui nous supportent à la maison. Et vous ne voulez pas non plus insulter personne en apportant une équipe de dernière place. Je crois que ça pourrait causer un problème », entrevoit le président des Jays.

Mais le baseball majeur a pris l’habitude, au cours des dernières années, d’exporter son produit. En 2012, les A’s d’Oakland et les Mariners de Seattle ont amorcé leur saison au Japon. L’an dernier, les Diamondbacks de l’Arizona et les Dodgers de Los Angeles ont fait la même chose en Australie.

Montréal, qui a déjà fait ses preuves, pourrait-elle être une terre d’accueil potentielle pour ce genre d’événement?

« À partir du 20 juin, peut-être. N’est-ce pas vers cette date que la saison de hockey prend fin de nos jours? », lance Beeston à la blague.

« Si d’autres équipes étaient tentées par l’expérience, je ne m’y opposerais pas, ajoute-t-il plus sérieusement. Je crois vraiment au baseball à Montréal et si deux autres équipes voulaient participer à la relance du sport ici, nous supporterions l’idée à 100%. »

Des rencontres intéressantes