J'ai été témoin de deux matchs sans point ni coup sûr dans ma carrière de joueur. Le premier à mes débuts dans le baseball professionnel, au niveau A, et l'autre à Orlando dans le AA.

Malheureusement, j'ai vécu l'autre côté de la médaille cette semaine dans mon rôle d'entraîneur des frappeurs des Capitales alors que Mike Ness, des Bears de Newark, a réussi l'exploit à nos dépens.

À sa dernière sortie contre nous, je crois que Ness avait accordé onze points et 13 coups sûrs. On ne l'avait pas manqué, mais quand il a eu la chance de se reprendre, il a apporté les bons ajustements. Même si je ne crois pas qu'il a démontré l'étoffe pour réussir un match sans point ni coup sûr, il a su museler nos frappeurs et, surtout, profiter de notre incapacité à saisir nos occasions.

Je ne veux rien enlever à Ness, mais ce n'est pas le plus beau match sans point ni coup sûr qu'il m'ait été donné de voir. Il n'a donné qu'un but sur balles, mais sa défensive a été créditée de six erreurs (avec l'aide de la générosité du marqueur officiel). Il a aussi profité de deux gros jeux de son joueur de deuxième but, qui a volé Bobby Wagner et Jeff Helps de coups sûrs presque certains.

Pour une équipe de baseball, il n'y a pas pire affront. C'est très frustrant - surtout quand il s'agit de votre cinquième défaite de suite! - mais il faut se dire que ce n'est qu'une mauvaise journée qu'il faut laisser derrière nous.

L'expérience a été difficile à vivre pour moi. J'aurais voulu participer, faire mon entrée dans le match, aider les gars. Surtout qu'à partir du banc, ça a toujours l'air plus facile! Le jeu n'a pas l'air aussi vite et on croit déceler des faiblesses chez le lanceur qui sont en fait bien plus difficiles à détecter une fois qu'on a les deux pieds ancrés dans le rectangle des frappeurs.

Le travail d'entraîneur, c'est encore tout nouveau pour moi et je dois apprendre à me contrôler dans le feu de l'action. J'ai toujours été un athlète agressif, émotif et je trouve parfois difficile de contrôler mes émotions.

En tant qu'ancien receveur, vous pouvez vous imaginer que j'ai toujours rêvé de prendre part à un match sans point ni coup sûr. Quelqu'un qui regarde un match de baseball pour la première fois pourrait penser que le rôle du gars avec le masque derrière le frappeur n'est que de renvoyer la balle au lanceur une centaine de fois dans le match, mais un receveur a évidemment beaucoup plus de responsabilités!

Le receveur a pour mission de bien diriger ses lanceurs et d'entretenir une bonne relation avec chacun d'eux. Les lanceurs qui sont dans la Ligue Can-Am depuis quelques années commencent à connaître les frappeurs et peuvent monter leur propre plan de match, mais ultimement, tu veux un receveur qui fait toutes les recherches qu'il a besoin de faire pour que son lanceur n'ait pas besoin de penser. Il faut que l'artilleur ait une confiance aveugle en son receveur, qu'il sache qu'il va prendre les décisions qui vont l'avantager.

Quand vous voyez un lanceur qui refuse constamment les propositions de son receveur, ce n'est jamais bon signe. Ça brise le tempo, ça trahit un manque de confiance entre les deux joueurs et c'est rare que ça donne de bons résultats. Au baseball, quand il y a un doute, il n'y a généralement pas de succès. C'est pourquoi la relation entre le lanceur et le receveur est si importante.

Quand un lanceur réussit un match sans point ni coup sûr, son receveur ressent un immense sentiment de fierté. Ça veut dire qu'il est parvenu à établir un bon rythme, à faire les bons appels, à créer une chimie parfaite. Il est parvenu à devenir « un » avec le lanceur, à partager le même cerveau. Il n'y a pas de meilleur feeling pour un receveur que de penser à l'avance aux trois ou quatre prochains lancers que tu veux appeler et que tout se passe comme tu l'avais imaginé une fois qu'ils ont été exécutés.

C'est ce que je préfère de la position de receveur. Même quand tu es 0-en-4 au bâton, tu as toujours la chance de participer à un petit bijou avec ton lanceur. Je crois que les meilleurs receveurs sont ceux qui ont à cœur le rendement de leurs lanceurs, ceux qui croient qu'ILS ont accordé sept points quand leur lanceur accorde sept points.

J'envie Dan Coury d'avoir vécu ça avec Mike Ness cette semaine. De ma position, ce fut l'une des choses les plus plates que j'aie eu à vivre dans ma carrière.

Ça se passe entre les deux oreilles

Comme je le mentionnais plus tôt, notre contre-performance contre Ness mettait un point d'exclamation sur une semaine assez difficile pour nous. Et j'irais même jusqu'à dire que c'est une bonne chose que ça nous soit arrivé à ce moment-ci de la saison, au beau milieu d'une série de défaites.

Au baseball, les léthargies sont inévitables. Aucune équipe n'y échappe et je crois qu'elles sont presque nécessaires pour garder les pieds sur terre et rester conscients qu'il faut se battre pour gagner sur une base régulière.

L'important, c'est d'être assez fort mentalement pour oublier les mauvaises passes, en tirer une leçon et s'améliorer. Il y a une chose que j'ai remarquée depuis que je gravite dans le monde du baseball : les meilleurs joueurs sont souvent ceux qui savent s'adapter le plus rapidement aux aléas d'une longue saison. Es-tu capable d'apporter les ajustements nécessaires de présence en présence? Ça te prend plutôt une journée? Ou une semaine complète? Elle est là, la différence entre les bons et les excellents joueurs.

Le baseball est un jeu de déception, un sport dans lequel tu te fais battre sept fois sur dix et tu es encore assez bon pour entrer au Temple de la renommée. Il faut être capable d'accepter la défaite. Pas l'accepter dans le sens de se baisser les épaules et d'abandonner devant l'adversité, mais plutôt d'avoir une mémoire courte et de ne pas se laisser abattre. Au lieu de passer trop de temps à s'acharner sur le négatif, il faut être capable de se faire une base et bâtir sur le positif.

Il est toujours possible d'apporter des ajustements techniques avec les frappeurs ou les lanceurs, mais ultimement, ceux qui se rendent loin, ce sont vraiment des machines mentales. Ils ne se laissent pas abattre. Ils ont un plan et ils le suivent. C'est de ça dont j'essaie de parler présentement avec nos gars. Je les conseille sur la façon d'approcher certaines apparitions au bâton, sur leur routine d'avant-match, etc.

C'est le genre de petites choses que tu ne peux pas savoir tant que quelqu'un ne te le dit pas, des trucs que j'ai pris ici et là pendant ma longue ascension vers le baseball majeur. Parmi mes mentors, je me souviens d'entraîneurs comme Charlie Montoya et Bill Evers, qui ont eu une grosse influence sur l'aspect mental de mon jeu dans l'organisation des Devil Rays de Tampa Bay. J'ai aussi eu beaucoup d'aide de la part de joueurs comme Eduardo Perez et Toby Hall.

Présentement, chez les Capitales, on compte sur plusieurs vétérans qui sont très solides entre les deux oreilles. Notre esprit d'équipe est incomparable, on forme véritablement une famille et même si on traverse une période difficile, je sais qu'on va s'en sortir bientôt. Quand la saison sera terminée, on va repenser à tout ça en riant.

Newark la magnifique

Je vous offre cette chronique au moment où je viens tout juste d'arriver au stade de Newark, un environnement qui, disons-le poliment, ne se compare en rien à celui dans lequel nous avons la chance d'évoluer à Québec.

À Newark, le stade est situé dans un coin pas très charmant à environ cinq minutes du centre-ville, où se trouve le domicile des Devils du New Jersey. Ce n'est pas un quartier où tu veux prendre une marche santé en fin de soirée. Une bière sur une terrasse après le match? Quelle terrasse!?!? Si tu sors des clôtures du stade après 21h30, j'espère que tu as de bonnes espadrilles!

Les foules ici sont les pires de la Ligue Can-Am. Je vous le dis, ce n'est pas rare de jouer devant 50 personnes. Cent spectateurs, c'est une excellente soirée aux guichets pour les Bears.

Comment l'équipe fait-elle pour survivre, alors? Le truc, c'est que le propriétaire loue ses loges à des marchands et des commerçants - je sais qu'il y a un barbier, notamment - plutôt qu'à des commanditaires. Il vit donc avec le loyer des entreprises qui élisent domicile chez lui et n'a donc pas besoin de remplir les gradins pour prospérer. C'est assurément particulier, mais c'est la façon qu'il a trouvé pour payer ses factures!

Ça a toujours été comme ça ici. À une certaine époque, alors que les Bears évoluaient dans la Ligue atlantique, l'équipe offrait un poste chaque année à une douzaine d'anciens joueurs des majeures qui espéraient toujours retourner dans le gros show. Armando Benitez, Carl Everett, Shawn Chacon, Jacque Jones, Marlon Anderson et Keith Foulke, pour ne nommer que ceux-là, sont tous passer par là, mais leur présence n'a jamais incité les amateurs de sports du coin à se déplacer.

Ça doit être difficile de jouer dans un tel contexte. Au baseball, la foule est vraiment ton dixième joueur, elle joue un gros rôle dans le niveau d'énergie d'une équipe. Jouer à Québec la fin de semaine et venir ici ensuite, c'est deux mondes complètement différents. À Québec, on est gâtés de ce côté-là. On 2500 à 3000 partisans par match, mais on dirait qu'ils sont 6000 tellement ils sont bruyants dans l'intimité du Stade municipal. C'est vraiment spécial.

Si vous n'y êtes jamais allé, j'espère vous y voir bientôt!

*Propos recueillis par Nicolas Landry.