Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Miser 1 million sur Canelo Alvarez pour remporter 100 000 $ est-ce un bon placement?

Canelo Alvarez Canelo Alvarez - Getty
Publié
Mise à jour

COLLABORATION SPÉCIALE

Samedi, au T-Mobile Arena de Las Vegas, la vedette par excellence Saul « Canelo » Alvarez (61-2-2, 39 K.-O.) défend ses titres WBC, WBA et WBO des super-moyens contre le Brooklynite d'origine portoricaine Edgar Berlanga (22-0, 17 K.-O.), dans le cadre d'un événement de Premier Boxing Champions présenté à la carte sur Amazon Prime Video aux États-Unis et sur DAZN et PPV.com pour 89 $.

Le Mexicain est favori à -2000 selon USA Today et l'aspirant négligé à +950. 

Ces chiffres démontrent que les probabilités d'une surprise quant au résultat sont presque nulles et qu'en principe, le rouquin devrait voir l'arbitre lever son bras victorieux au terme de ce duel qui, sur papier, est tout à fait inégal.

Quand on analyse les forces en opposition, on ne peut qu'aquiescer aux propositions des preneurs aux livres tellement l'écart est important dans tous les départements : expérience, qualité d'adversaires, intelligence du ring, technique, défense, valeur de la mâchoire, aptitudes athlétiques, encadrement.

Certains feront un cas du côté de la force de frappe. Alvarez à été obligé de compléter les 12 rounds à ses 4 derniers combats, contre des aspirants mondiaux légitimes. Sa dernière victoire écourtée par T.K.-O. fut contre Caleb Plant, au 11e, il y a près de 3 ans en novembre 2021.

Berlanga a obtenu une notoriété majeure en remportant ses 16 premiers combats professionnels par K.-O dès le premier round. Cependant, cette série a été suivie par 5 victoires aux points contre des adversaires de calibre questionnable.  

Alors, quand veut concéder des chances à Berlanga de l'emporter par K.-O., il faut considérer que Canelo n'a jamais visité le plancher ni été ébranlé en carrière malgré 3 combats chaudement disputés contre l'un des plus puissants cogneurs de sa génération, Gennadiy Golovkin (42-2-1, 37 K.-O.).

Le Newyorkais, lui, a paru fragile en visitant le tapis au 9e contre le modeste Marcelo Coceres (32-7-1, 18 K.-O.).

Un sondage auprès des personnalités de la boxe, experts, journalistes, boxeurs ou entraineurs prédisent unanimement une victoire du champion et la très grande majorité prédit un K.-O. En fait, les seules personnes qui croient aux chances de Berlanga sont lui-même, sa mère et son promoteur Eddie Hearn qui disons y vont plus avec leur cœur que leur tête. 

Alors pourquoi ce combat? La principale réponse est parce que c'est vendeur, c'est peu risqué et ce n'est pas dispendieux. 

Vendeur, parce qu'il y a une historique des confrontations épiques Mexico/Porto-Rico. Parce qu'on a pris bien soin de monter le battage publicitaire de la série de K.-O. au premier round. Parce que Berlanga a une belle gueule de dur charismatique, au langage incisif et outrancier, prêt en en découdre avec la star. 

Peu risqué, parce que Canelo avait besoin d'une sortie facile après 5 combats consécutifs éreintants.

Peu dispendieux, parce que Berlanga n'avait pas beaucoup de levier de négociation et a accepté un montant fixe laissant au champion la majorité des revenus engendrés par la promotion.

Alors, est-ce qu'il serait opportun de profiter de la situation et vider son compte de banque sur la victoire du futur membre du Panthéon international de la boxe?

Dans les faits, un placement de 1 million sur la victoire de Canelo rapportera 100 000$ au parieur. En principe de l'argent vite fait!
  
Mais voilà, il y a un facteur majeur à prendre en considération qu'on appelle l'impondérable, c'est-à-dire de un élément imprévisible qui influe sur la détermination des événements. 

On entre dans cette catégorie les disqualifications, les blessures avant ou pendant les combats et divers facteurs externes qui peuvent exercer une influence sur la préparation d'un combattant. Il faut aussi considérer les K.-O. qui sont de grands égalisateurs et qui peuvent survenir au moment où on s'en attend le moins.

En voici quelques exemples

Roy Jones Jr. contre Montell Griffin, Trump Taj Mahal Atlantic City, 21 mars 1997

Jones est invaincu et au sommet de son art. Il défend son titre WBC des mi-lourds et il est largement favori. 

S'acheminant vers une victoire convaincante après avoir fait chuter Griffin au 7e, il récidive au 9e, mais alors que son adversaire a un genou au sol, Jones Jr. laisse partir un crochet de gauche qui touche partiellement Griffin qui s'affaisse et le champion est disqualifié.

Cinq mois plus tard, on remet ça et Jones l'emporte par K.-O. dès le premier engagement.

Une disqualification peut arriver n'importe quand, personne n'est à l'abri d'une faute involontaire qui change drastiquement l'histoire d'une confrontation.

Terry Norris contre Luis Santana pour le titre WBC des super mi-moyens, 12 novembre 1994

Luis Santana a perdu sept de ses 10 combats avant d'obtenir une faveur et l'opportunité de combattre en championnat du monde contre Terry Norris à Mexico City, le 12 novembre 1994.

Norris vient de reprendre son titre mondial par décision dans un dur combat en mai 1994 contre Simon Brown qui lui avait arraché par K.-O. en 4 rounds en décembre de l'année précédente.

On voulait une défense aisée pour le champion en choisissant le Dominicain qui n'avait jamais battu un boxeur de qualité. 

Le combat est plus difficile que prévu. Norris visite même le tapis au troisième. Au cinquième, l'Américain cerne son adversaire dans les câbles qui, débordé, tourne le dos et reçoit un dur coup derrière la tête. Il tombe au sol, incapable de continuer, Norris est disqualifié.

Le WBC ordonne un combat revanche qui est mis sur pied à Las Vegas, cinq mois plus tard le 9 avril 1995.

Norris est motivé et bien préparé pour reconquérir son titre. Cette fois-ci, sa domination ne fait plus de doute. Santana croule au tapis au deuxième, au troisième également et la fin approche. La cloche retentit pour marquer la fin du troisième round et une fraction de seconde après, une droite foudroyante de Norris atterri sur la mâchoire du nouveau champion et il s'écroule.

Norris est de nouveau disqualifié et Santana conserve sa ceinture WBC.

Le WBC exige un troisième affrontement qui aura lieu quatre mois plus tard, le 19 août 1995 à Las Vegas à nouveau.

Cette fois-ci, Norris est déchainé et martyrise littéralement Santana qui est compté pour le compte après 3 chutes au deuxième round. Norris redevient champion.

Mais, qui aurait parié que Norris pouvait perdre 2 fois d'affilées par disqualification contre un adversaire de la trempe de Santana?

Éric Lucas contre Danny Green au Centre Bell de Montréal le 20 décembre 2003

Le titre WBC intérimaire des super moyens est à l'enjeu. 

Samedi le 13 décembre, une semaine avant le combat, pour un entrainement public, j'arrive à l'Hippodrome de Montréal en compagnie d'Éric Lucas. Il a neigé la veille et c'est glissant dans le stationnement. 

En débarquant de la voiture du côté passager, Éric fait un faux pas et tombe assis sur la glace.

Rien de majeur, il se relève immédiatement et on poursuit notre chemin. Il y a foule à l'intérieur, Éric est très populaire. Il s'habille pour une séance de combat d'entrainement, tout va bien. 

Après un seul round, Stéphane Larouche vient me voir et me dit : « On arrête le sparring, Éric a une douleur aux côtes et on va se contenter des pads ». Après ce round, la douleur empire et on doit tout arrêter. Éric va rencontrer les fans, signe des autographes et pose pour des photos.

En urgence, on rencontre le Dr. Francis Fontaine, médecin de l'équipe. Il n'y a pas de côtes de brisées, la douleur est musculaire et il propose un traitement par injections.

La semaine passe, Éric participe à toutes les activités promotionnelles et ne se plaint jamais. Il dit qu'il se sent bien et que s'il ressent encore quelque chose, il ne croit pas que ça va l'importuner.

Lors du combat, dès la fin du deuxième, Éric nous dit que la blessure est revenue et il se tord de douleur. Stéphane veut arrêter le combat, mais Éric insiste pour poursuivre. Au sixième, c'est devenu insupportable et Stéphane arrête les hostilités. 

Éric était meilleur de Green et il était le favori. Un malencontreuse blessure est venue contrecarrer les plans.

Des blessures, les boxeurs doivent toujours composer avec. Il s'agit bien plus d'évaluer le niveau de déshabilitation, mais parfois le risque est mal estimé et les performances affectées. 

Lennox Lewis contre Hasim Rahman Carnival City Afrique du Sud 22 avril 2001

Lennox Lewis est champion unifié des lourds et il défend sa couronne WBC pour la 8e fois dans cet événement qui est intitulé « Thunder in Africa » organisé par le promoteur Cedric Kushner.

Le champion est favori à -2000, exactement la même proposition que Canelo contre Berlanga ce week-end.

Personne ne croit aux chances de l'Américain. Lennox Lewis est au sommet de sa carrière revendiquant des victoires sur les Evander Holyfield, Ray Mercer, Tommy Morrison, Andrew Golota, entre autres.

Rahman en est à son premier combat de championnat du monde et a déjà subi deux défaites par K.-O. contre Oleg Maskaev et David Tua.

Carnaval City est à 5200 pieds d'altitude, mais Lewis n'est arrivé que le 10 avril ayant tenu son camp à Las Vegas, qui est à 2000 pieds d'altitude parce qu'il voulait participer au film « Ocean Eleven » où il combattait Vladimir Klitschko dans un caméo du film.

L'organisateur Cedric Kushner est le promoteur de Rahman et ce combat est le dernier de son contrat avec son boxeur. Il y a toutefois une clause que pour la somme de 150 000 $, il peut obtenir une extension. 

Comme Lewis a exigé une clause de combat revanche, il veut s'assurer que Kushner puisse remplir ses engagements et obtienne cette extension de contrat avec Rahman. 

Le promoteur lui dit que l'argent doit être payé avant le combat, mais que malheureusement il n'a pas les liquidités nécessaires. Lewis transfert alors la somme requise à Kushner pour qu'il puisse la remettre à son boxeur.

Kushner prépare un chèque pour Rahman, mais en réfléchissant il se dit que comme les chances de Rahman de renverser le grand champion sont pratiquement nulles, il décide de garder l'argent pour lui et ne déclenche pas sa clause de renouvellement.

Le combat se déroule bien pour le champion qui est en contrôle ayant remporté 3 des 4 premiers rounds du combat quand soudainement à 2 minutes 32 secondes du cinquième engagement, la foudre s'abat sur le champion olympique de Séoul en 1988. Il s'affaisse de tout son long après une percutante droite et Rahman devient le nouveau champion du monde des lourds.

Le combat revanche a eu lieu 5 mois plus tard, le 17 novembre à Las Vegas, organisé par les promoteurs Don King et Kathy Duva. Rahman va recevoir une bourse de 10 millions contre 11 pour Lewis qui reprend ses ceintures par K.-O. au quatrième.

Le grand perdant aura été Cedric Kushner qui a en quelque sorte parié contre son propre boxeur en conservant le 150 000 $, mais en perdant les droits sur Rahman qui résulte à un manque à gagner de plusieurs millions de dollars. Ce dernier ne se remettra jamais de cette déconfiture. 

Ainsi, un K.-O. peut arriver n'importe quand en boxe, personne n'est à l'abri. De plus, quand un boxeur est trop confiant, il coupe les coins un peu rond et en négligeant une préparation optimale, il se met davantage à risque.
 
Alors, en fin de semaine, il y aura véritablement des mises extravagantes sur Saul Alvarez. Il y a des gens pour qui perdre 1 million ou d'avantage n'affecte en rien leur train de vie, mais pour qui la grisaille d'un billet gagnant est supérieure à la crainte qu'un impondérable vienne jouer les troubles fêtes.  

Enfin, j'ai de l'intérêt pour ce gala de boxe qui va présenter 10 combats. Voir à l'œuvre l'un des meilleurs au monde, toute division confondue est certainement un incitatif important et si jamais il y avait un impondérable je ne veux pas manquer ça!

Bonne semaine!