Amateurs et professionnels ont leur place en boxe aux JO
Il n'y avait pas que de la boxe aux Jeux de Paris.
Les Jeux de Paris ont connu un immense succès à tous les points de vue et on a peine à se sevrer de ce plaisir télévisuel abondant qu'on a vécu pendant deux semaines.
Évidemment je suis ici pour vous parler de boxe, mais j'en profite pour vous dire que j'ai été ébloui par la cérémonie d'ouverture dans les rues de Paris, sur la Seine et la performance de notre Céline Dion qui nous a touché au cœur.
De nombreuses performances canadiennes m'ont rendu fier incluant les 27 médailles olympiques. Summer McIntosh a été notre reine incontestée avec 4 médailles dont 3 en or, Melissa Humana-Parades et Brandie Wilkerson au volleyball de plage ont eu un parcours incroyable jusqu'à l'argent.
J'ai été conquis par l'allure débonnaire et sympathique du géant Ethan Katzberg, 22 ans, qui a catapulté son marteau dans la stratosphère à son tout premier essai pour obliger tous les autres à concourir pour l'argent seulement. Que dire de Camryn Rogers qui a aussi récolté l'or dans la même discipline.
J'ai découvert le rugby féminin à 7 par le dynamisme de nos Canadiennes qui se sont rendues jusqu'en finale. J'ai souri quand Alysha Newman a fait sa petite danse de twerk après s'être assurée du bronze au saut à la perche.
Maude Charron a démontré que sa médaille d'or à Tokyo n'était pas un coup de chance en récoltant l'argent en haltérophilie. J'ai admiré la candeur d'Eleanor Harvey qui croyait rêver après sa médaille de bronze au fleuret, une première pour le Canada dans cette discipline.
J'ai été puis emballé par les filles de soccer qui ont démontré tellement de caractère dans l'adversité.
Quand Andre De Grasse a reçu le témoin au 4 x 100 mètres il était au mieux 4e, mais il a amorcé une remonté spectaculaire. Par les exclamations et encouragements intenses de l'analyste Laurent Godbout, j'ai complètement embarqué dans la course pour fébrilement savourer la victoire du quatuor canadien. Ça m'a ramené directement à Atlanta en 1996 alors que j'étais dans le stade lors de la victoire du groupe de Bruni Surin et Donovan Bailey.
Évidemment la médaille tant attendue en boxe par Wyatt Sanford fut un moment fort, lui qui a mérité le bronze, mais tellement près de l'argent et l'or.
Il n'y a pas juste les Canadiens qui m'ont emballé. Comment ne pas admirer la grande Simone Biles en gymnastique surtout quand on connait son histoire. Je retiens la performance de Léon Marchand en natation que je ne connaissais pas, la domination de LeBron James au basketball, la grâce et l'excellence de Gabby Thomas sur la piste d'athlétisme, Scottie Scheffler au golf et j'en passe.
Paris et tout le public français ont été des hôtes formidables qui ont permis au mouvement olympique de jouer son rôle de rassembleur de l'humanité. La période des Jeux n'aura peut-être pas permis une trêve des hostilités et des guerres, durant son déroulement, comme c'était l'objectif dans l'antiquité, mais cette période a mis un peu de baume sur les maux de la terre et ravivé l'espoir de l'amitié sans frontière.
Bref retour sur le tournoi de boxe à Paris
Si vous avez lu mes chroniques précédentes, j'avais mentionné qu'on s'attendait à une domination de l'Ouzbékistan chez les hommes, mais je ne croyais pas que cette domination serait aussi écrasante.
Imaginez, il y avait 7 divisions de poids inscrites à Paris et l'équipe d'Ousbek a remporté 5 médailles d'or! Même dans les meilleures années de l'équipe cubaine on n'a jamais vu une telle supériorité. Les 2 autres médailles d'or ont été décernées à Cuba et à l'Ukraine.
Ouzbékistan 5 médailles d'or.
France 3 médailles : 1 ag et 2 br.
Cuba 2 médailles : 1 or et 1 br.
Irlande 2 médailles : 1 ag et 1 br.
République dominicaine 2 médailles : 2 br.
14 pays ont une seule médaille dont le Canada, les États-Unis la Grande-Bretagne et l'Allemagne.
Chez les femmes il y avait 6 divisions de poids et la Chine a aussi été très dominante en participant à 5 des 6 finales a récolté 3 or et 2 médailles d'argent. Les 3 autres médailles d'or ont été partagées entre Taiwan, l'Irlande et l'Algérie.
Chine 5 médailles; 3 or, 2 ag.
Taiwan 3 médailles; 1 or et 2 br.
Turquie 3 médailles; 2 ag et 1 br.
Philippines 2 médailles; 2 br.
11 pays ont récolté une médaille chaque
Les États-Unis comme la Grande-Bretagne ou la France ont été blanchis.
Il est difficile de dire si certains de ces champions olympiques deviendront de grandes vedettes chez les professionnels.
Quand les Cassius Clay, Sugar Ray Leonard, Oscar De La Hoya, Andre Ward, Wladimir Klitschko, Lennox Lewis, Vladimir Lomachenko ont été couronnés champions olympiques, on savait déjà qu'ils étaient pour être de grandes étoiles au firmament de la boxe payante.
Je n'ai vu qu'un seul boxeur se démarquer totalement des autres et c'est le poids lourd de l'Ouzbékistan Bakhodir Jalolov qui a remporté une 2e médaille d'or olympique à Paris. Ce dernier est un géant de 6'7'' de 250 livres avec une fiche parfaite de 14 victoires et autant de K.-O. chez les professionnels.
C'est certain que Jalolov va jouer un rôle majeur dans la division des lourds à très court terme par son association avec le promoteur américain Top Rank. Ce n'est qu'une question de temps et d'opportunité pour que ce gaucher de 30 ans devienne champion du monde.
Je ne suis toutefois pas certain qu'il devienne une étoile de l'envergure des Tyson Fury et Anthony Joshua par son style un peu terne et surtout par un manque de mobilisation populaire derrière lui.
Les boxeurs professionnels et les Jeux olympiques
On sait que depuis les Jeux de Rio 2016 les boxeurs professionnels peuvent être admis aux Jeux-Olympiques. Leur présence était plutôt marginale à Rio et à Tokyo 2020 également. Pour Paris, il y en a eu davantage, mais seulement 7 des 26 finalistes, 6 hommes et une femme, avaient de l'expérience professionnelle.
En voici la liste :
63.5 KG
Erislandy Alvarez CUB OR (3-0, 1 K.-O.)
Sofiane Oumiha FR AG (5-0, 3 K.-O.)
51 KG
Hasanboy Dusmatov UZB OR (6-0, 5 K.-O.)
92 KG
Lazizbek Mullojonov UZB OR (4-0, 4 K.-O.)
66 KG
Imane Khelif ALG OR (1-0, 1 K.-O.)
57 KG
Abdumalik Khalokov UZB (1-0, 1 K.-O.)
Lourds
Bakhodir Jalolov UZB OR (14-0, 14 K.-O.)
Comme on peut le constater, seul Jalolov avait une expérience certaine en boxe professionnelle, les autres c'était plutôt mineur. Tout de même 4 des 5 médaillés d'or de l'Ouzbékistan avaient une expérience professionnelle.
Nombreux sont ceux qui dénigrent la présence des boxeurs professionnels au tournoi olympique et le plus vocal est le président de la WBC Mauricio Sulaiman.
Leur logique est la disparité de l'expérience et de la maturité des professionnels qui mettrait en danger la santé voire la vie des petits boxeurs amateurs. On prend souvent l'exemple de Canelo Alvarez, champion incontesté des supers moyens, contre un jeune boxeur amateur de 20 ans.
Cette prétention résulte de leur ignorance des spécificités de la boxe amateur, de ses règles, ses participants et des critères de sélection.
Tout d'abord, tous les pays qui ont des équipes nationales ont des équipes de professionnels qui dirigent les boxeurs amateurs qui eux s'entrainent à temps plein pour performer. Ils sont subventionnés par l'état, certains plus que d'autres, et ils reçoivent des bourses ainsi que des commandites. Ce ne sont pas de jeunes amateurs démunis comme on veut laisser entendre. Ils s'entrainent professionnellement à la boxe amateur.
Les membres d'une équipe nationale d'un pays reçoivent plus d'argent, annuellement, pour exercer ce sport que 90% des boxeurs professionnels reçoivent en bourse durant la même période.
Ils ne sont pas de pauvres petits amateurs sans défense. Ils sont de grands athlètes extrêmement bien préparés pour performer en vertu des règles de la boxe olympique.
Justement ces règles de boxe olympique sont tellement différentes de celles de la boxe professionnelle que c'est dans les faits un sport très différent qui exige des stratégies des habiletés et des qualités athlétiques divergentes.
En championnat de boxe professionnel, c'est 12 rounds et si on fait chuter un adversaire on gagne automatiquement le round. Alors l'emphase est mise sur la puissance des coups et leurs pertinences. Comme le combat peut durer 36 minutes on doit davantage calculer et répartir ses énergies.
En boxe olympique, c'est un maximum de 3 rounds et une chute au plancher n'a pas plus de signification qu'un autre coup de poing. On favorise la vitesse et le volume des coups et comme on a juste 9 minutes pour s'exécuter on y va à fond de train du début à la fin.
Autre facteur, et possiblement le plus important, est le processus de qualification pour participer à des Jeux. Ce dernier est réparti sur une période de plus d'un an.
Chaque participant doit obtenir sa qualification en participant à diverses étapes. Au Canada, il faut d'abord passer par les championnats provinciaux puis les championnats canadiens. Ensuite il y a les qualifications olympiques canadiennes, les qualifications continentales et enfin les qualifications internationales.
Alors, on ne verra jamais un Canelo Alvarez, mettre sa carrière professionnelle en veilleuse pendant plus d'un an, mettre une croix sur les millions qu'il remporte par combat pour tenter de se qualifier pour des Jeux olympiques.
Oui même s'il est un grand champion professionnel, il n'aurait pas de laissez-passer automatique à des JO et il devrait se soumettre à toutes les étapes de qualification. Ce n'est pas lui qui choisirait la date de ses combats, il devrait se soumettre à un calendrier pré-établi.
Et si jamais il s'y soumettait, ce n'est pas un jeune novice de 20 ans qu'il rencontrerait, mais des boxeurs aguerris, spécialistes des 3 rounds et familiers avec les exigences spécifiques de la discipline. Croyez-moi il en aurait plein les bras et ce n'est pas certain qu'il réussirait, mais ce qui est certain c'est qu'il combattrait à armes égales et que la santé et la vie de personne ne seraient en danger.
Un bel exemple est justement Bakhodir Jalolov. Ce dernier a passé le K.-O. à tous ses 14 adversaires chez les professionnels, dont 10 en moins de 3 rounds.
Aux Jeux de Paris, l'Ousbek a remporté ses 3 combats par décision, en fait à ses 14 derniers combats amateurs, seulement 3 se sont terminés avant la limite. Qui étaient les plus en danger, ses 14 adversaires pros ou ses 14 derniers adversaires amateurs?
De plus, avec son statut, qu'est-ce que Canelo Alvarez pourrait gagner de plus en participant à des JO?
Alors les boxeurs professionnels qu'on retrouve aux Jeux olympiques sont ceux qui ne sont pas encore réellement établis et qui rêvent d'une médaille olympique afin d'améliorer leur pouvoir de négociation et leur statut dans leur carrière professionnelle.
Souhaitons maintenant qu'en 2028 à Los Angeles que la boxe soit encore à l'affiche et que quiconque en a envie, amateurs comme professionnels, puissent avoir le privilège de participer.
Bonne semaine!