Bucarest - La Sala Polivalenta était surchauffée ; plus de 30 degrés Celsius. Elle s'est remplie graduellement, comme le Centre Molson chez nous les soirs de Super-Gala. Les Roumains sont amateurs de boxe. A leurs réactions, pendant les combats préliminaires on comprend qu'ils sont aussi connaisseurs. Ils savent reconnaître le talent mais aussi l'effort. Les gradins étaient plutôt clairsemés lorsque Vassily Dragomir a boxé en lever de rideau, mais on aurait dit qu'il y avait deux fois plus de monde. Dragomir est roumain, on lui a fait sentir qu'il était chez lui. Le public a bien apprécié les combats de Dale Brown et Jean-Francois Bergeron, mais on sentait bien que pour eux ce n'était que des apéritifs. Les plats de choix étaient encore a venir.

Vers 21h00 une premiere vague de passion a frappé La Sala Polivalenta. Adrian Diaconu a fait son entrée. La foule a scandé son nom. " Diaconu, Diaconu, Diaconu ". Le Shark était bien déterminé à donner un bon spectacle. Ce qu'il a fait en soulevant l'enthousiasmes de ses supporteurs. Ils ont aimé son style bagarreur et disons-le, un peu baveux. (J'ai oublié de demander comment on dit baveux en Roumain.) Son adversaire Davidovas a bien voulu collaborer au spectacle. Il était venu pour se battre. En plein le type de boxeur que le Shark aime affronter. L'excellent combat Ndou - Martinet a ensuite été suivi avec application, Ndou a mis la foule de son coté en se présentant sur le ring portant le chandail de l'équipe nationale de soccer de la Roumanie. Mais la fébrilité était palpable. La tension montait avec l'intensité de la chaleur.

Peu après 23 heures, l'aspirant est entré sous les sifflets. Raul Balbi n'avait pas un seul ami dans la salle. Soudainement un grondement monte dans les gradins. Et puis c'est l'explosion : " Doroftei ! Doroftei ! Doroftei ! " C'est assourdissant. Leonard marche vers le ring entouré de ses entraîneurs, de tous les boxeurs d'Interbox et d'une dizaine de gardes du corps. J'ai revêtu mon veston Equipe Dorin et je marche a coté du cutman Bob Miller. Malgré la sueur qui me pisse dans le dos et sur le visage, j'en ai la chair de poule. Le moment est intense.

Le combat commence enfin et toute suite il est évident que Leonard boxera différemment. Cette fois il va piéger Balbi. L'Argentin est surpris par la force, la vitesse et la précision du champion. Il sait déjà que sa soirée de travail sera plus pénible que ce qu'il avait imaginé. Apres trois rounds, la foule ne se peut plus. " Moshu ! Moshu ! Moshu ! " (mose - le vieux) scande-t-elle. Dorin semble transporté par la foule. Contrairement à ce que certains craignaient, toute cette énergie qu'il reçoit semble l'aider à rester concentré sur son plan de combat. J'ai soudainement l'impression que la terre tremble ; pouvez-vous imaginer l'impact d'une foule de 10,000 personnes qui tapent frénétiquement du pied en même temps ? Impressionnant.

A mesure que passent les rounds il devient de plus en plus évident que ce n'est pas à la répétition du combat du 5 janvier à laquelle nous assistons. Ce n'est pas une bagarre dans une cabine téléphonique. C'est une magistrale leçon de boxe que le Lion est en train de servir à Pepe. Lorsqu'il veut boxer rapproché, Leonard le martèle au corps et lui fait mal à plusieurs reprises. S'il prend de la distance, il reçoit la droite de Leonard en pleine poire. Au moins deux fois dans le combat Balbi a du se mettre en mode survie.

Alors qu'il ne reste plus qu'une minute au 12e round. C'est l'explosion : " Campionul! Campionul! Ole, Ole, Ole, Ole,Campionul…" c'est le délire. Cette fois le verdict sera clair. Dorin a largement dominé le combat. A mon avis il a moins remporté 10 rounds sur 12. Quand le verdict tombe, le bruit est infernal. Apres Campionul la foule scande " Rom-nia, Rom-nia, Rom-nia ".

Malheureusement lorsqu'il a retraité au vestiaire, Leoanrd s'est senti malade, il a beaucoup vomi. En raison de la chaleur intense et des 12 rounds le pied dans le tapis, le champion était déshydraté. Par mesure préventive, le Docteur Daoust a demandé un transport ambulancier pour l'amener à l'hôpital ou il a passé la nuit. Ce matin il était de retour a l'hôtel et toute l'équipe a déjeuné avec lui sur le bord de la piscine. Le champion va bien. Il est heureux. Apres la conférence de presse, il est parti avec Monica, vers sa ville natale de Ploesti ou il va retrouver ses fils, Adrian et Alexandre. Leonard Dorin Doroftei a fait rêver tout un peuple les deux dernières semaines. Hier soir il leur a mis du bonheur et de la fierté plein le cœur. Ca mérite bien un mois de vacances.

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Voilà, c'est déjà la fin. Même si après 18 jours, j'ai bien hâte de retrouver ma blonde et mes chats, je quitte la Roumanie avec un pincement au cœur. Ce fut une expérience exaltante de vivre un moment si important dans l'histoire sportive d'un peuple. Je suis tombé amoureux de ce pays et de ses gens. Du monde chaleureux avec qui nous avons noué des liens d'amitié. J'ai eu l'impression d'être adopté par eux. Je part la tête et le cœur remplis de belles images. Les Roumains méritent de voir leur situation s'améliorer. Souhaitons que ce peuple passionné qui a connu de grands tourments trouvent la force de solutionner les immenses problèmes économiques et sociaux qui l'affligent. Ils ont du courage, je mettrait bien quelques millions de Lei sur leur réussite.

La revedere Romania.