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RÉSULTATS

Du « pugilisme pur » : post-mortem du combat Beterbiev c. Bivol

Publié
Mise à jour

RDS présentera de nouveau le combat entre Dmitry Bivol et Artur Beterbiev, le mercredi 23 octobre à compter de 20 h.

COLLABORATION SPÉCIALE

Déjà une semaine s'est écoulée depuis le grand affrontement qui a consacré Artur Beterbiev (21-0, 20 K.-O.) comme le premier champion incontesté des mi-lourds depuis Roy Jones Jr. (66-10, 47 K.-O.) en 2002 et j'en ressens encore beaucoup de fierté.

Même les récriminations du promoteur du vaincu Dmitry Bivol (23-1, 12 K.-O.), Eddie Hearn, qui souhaite que les juges soient bannis. Ou de son gérant, Vadim Kornilov, qui prétend que le juge polonais Pawel Kardyni (116-112) a été acheté par le président de la Tchétchénie Ramzan Kadyrov ne diminuent en rien l'exploit du Québécois d'adoption.

J'avais un pointage de 115-113 et ça aurait pu facilement être 116-112.

Certains prétendent que le combat n'a pas été au niveau des attentes, ce que je réfute totalement, à moins que les attentes étaient d'assister à un Gatti/Ward IV. Si c'est le cas c'est qu'on avait mal évalué les forces en présence.

Nous avons été témoins, samedi dernier, de pugilisme pur entre deux grandes intelligences du ring aux habiletés diamétralement opposées. Durant toute leur carrière respective, Beterbiev et Bivol ont facilement imposé leur volonté à tous leurs rivaux, mais cette fois, ils ont dû s'adapter et tenir compte des forces de l'autre.

Artur ne s'est pas lancé dans une entreprise de démolition à sens unique, principalement parce que la contre-attaque de Bivol était rapide, précise et explosive.

Bivol ne s'est pas payé un pique-nique parce qu'il devait prioriser sa défense avant tout. Il a avoué qu'il pouvait mesurer toute l'étendue de la puissance de son rival en absorbant les coups sur ses bras et qu'il ne pouvait se permettre d'en laisser passer. D'ailleurs, son œil gauche tuméfié a été causé par ses propres gants sous l'impact des coups du nouveau champion.

Selon moi, après la conclusion du douzième round, c'est « King » Artur qui avait le plus, globalement, imposé sa volonté et les juges l'ont bien noté.

Avec cette victoire, le champion unifié WBC, WBA, IBF et WBO des mi-lourds vient de se faufiler dans une position de choix parmi les meilleurs boxeurs au monde, livre pour livre. Il se retrouve certainement dans le top-4 avec son adversaire des JO de Londres 2012, le champion unifié des lourds Oleksandr Usyk (20-0, 14 K.-O.), avec l'ex-champion unifié des super-légers et des mi-moyens Terence Crawford (41-0, 31 K.-O.), ainsi que le champion unifié des supers coqs et des coqs Naoya Inoue (28-0, 25 K.-O.)

Sa place dans l'histoire est assurée également. Il sera intronisé au Temple de la Renommée de la Boxe Internationale dès sa première année d'éligibilité, après les trois ans d'attente obligatoire.

Il faut remonter jusqu'à Roy Jones Jr. pour trouver un comparable à Beterbiev dans l'histoire de la division des mi-lourds. Son dossier surpasse ceux des champions Adonis Stevenson (29-2-1, 24 K.-O.), Sergei Kovalev (35-5-1, 29 K.-O.) ou Andre Ward (32-0, 16 K.-O.), qui lui aura certes une place à Canastota en passant par les super moyens.

Pour Bivol, la défaite est amère, mais à 33 ans il est jeune et aura le temps de se reprendre et faire sa marque.

Il faut souligner l'humilité de Beterbiev dans la victoire qui, sarcastiquement, prétend qu'il n'est pas encore un bon boxeur et que Bivol a plus d'habiletés que lui. Pour sa part, le champion déchu n'est pas embarqué dans les accusations agressives de son équipe. Il n'a pas cherché d'excuses, il a été courtois et respectueux.

Depuis l'annonce des pointages par le fameux Michael Buffer au Kingdom Arena de Riyad, on parle de combat revanche le plus rapidement possible et tout le monde semble s'entendre que c'est la suite logique.

Il est évident qu'à l'heure actuelle, ces deux géants n'ont pas leur égal dans la division en ce moment.

D'ailleurs, le célèbre avocat Pat English de New York a déjà déposé des demandes auprès des quatre associations pour qu'ils ordonnent immédiatement un combat revanche.

Sauf si Canelo Alvarez décidait d'affronter Beterbiev, ce qui est fort improbable, le combat le plus payant pour l'un et l'autre serait d'organiser une revanche.

Cependant, être champion d'une association exige également des responsabilités envers les autres aspirants. Artur Beterbiev a quatre aspirants obligatoires qui attendent leur tour. Alors qu'un combat d'unification a préséance sur une défense obligatoire, un combat revanche n'est pas un combat d'unification et bien souvent les associations privilégient le combat obligatoire.

Pour satisfaire les exigences de quatre aspirants obligatoires, les associations se sont entendues pour qu'il y ait une rotation afin qu'éventuellement ils aient tous leur chance.

Beterbiev a affronté son aspirant obligatoire WBC Callum Smith à Québec à son dernier combat. Il s'était acquitté de celui de la WBO, Anthony Yarde, en Angleterre l'année précédente. Dmitrii Bivol a lui satisfait aux exigences de l'obligatoire WBA en prenant la mesure de Gilberto Ramirez à Abu Dhabi en novembre 2022.

Les 4 aspirants obligatoires sont dans l'ordre : IBF Michael Eifert (13-1, 5 K.-O.), WBA le cubain David Morrell (11-0, 9 K.-O), WBO l'anglais Joshua Buatsi (19-0, 13 K.-O) et le dernier l'Américain David Benavidez (29-0, 24 K.-O.)

C'est donc au tour de l'aspirant obligatoire IBF d'obtenir sa chance. On le connaît très bien celui-là, il s'agit de l'allemand Michael Eifert, le tombeur de Jean Pascal à Laval l'an dernier.

Benavidez et Morrell auraient rendez-vous pour unifier leurs deux positions d'aspirant obligatoire en janvier. Un combat très intéressant en perspective qui permettrait au gagnant d'accélérer le processus.

Hier, l'IBF a officiellement ordonné le début des négociations entre les clans du champion unifié et celui de Eifert en s'assurant de mentionner qu'elle pourrait considérer une demande potentielle d'exemption de Beterbiev pour la revanche.

Questionné à ce sujet, Bob Arum, le promoteur de Beterbiev, n'était pas totalement vendu au combat revanche immédiat. Il a suggéré qu'il serait peut-être sage, dans le temps, que tous les deux, Beterbiev comme Bivol, livrent un combat intérimaire.

Arum est un fin renard. C'est peut-être juste une tactique de négociation afin de faire monter les enchères et s'assurer d'obtenir la plus grande part des ressources financières disponibles pour la reprise.

Artur aura 40 ans le 21 janvier prochain et en mon sens, ce serait préférable que son prochain combat soit une revanche contre Bivol qui pourrait avoir lieu à la fin du printemps prochain.

Non pas que je crois que le Tchétchène d'origine est à ses dernières sorties, mais je n'imagine rien de plus excitant que de discerner lequel des deux aura le plus appris de leur première confrontation et saura effectuer les ajustements requis.

Avec son style et le peu d'usures de combat, je m'attends à ce que le champion nous donne encore plusieurs bonnes années. Si Bernard Hopkins est redevenu champion du monde à 46 ans, Beterbiev peut facilement se rendre à 43 ou 44 et être encore champion.

Enfin pour ceux qui ont raté la présentation en direct de l'affrontement de samedi dernier, je vous invite à regarder la reprise à RDS le mercredi 23 octobre à compter de 20 h.

Bonne boxe et à la semaine prochaine.