La facture élevée des combats annulés
Pendant que la plupart des Québécois profitaient d'un temps d'arrêt en compagnie de leurs proches le 25 décembre dernier, Leïla Beaudoin rongeait son frein, seule avec ses pensées, dans l'appartement lavallois qu'elle occupe lorsqu'elle se prépare en vue de ses combats.
Plus tôt dans la journée, elle s'était rendue à deux reprises au gymnase où elle s'entraîne pour peaufiner les derniers préparatifs de l'affrontement qu'elle s'apprêterait à livrer devant son monde au Centre Vidéotron. Originaire du Témiscouata, Beaudoin est établie depuis plusieurs années dans la région de Québec, où elle a acheté une maison avec son conjoint.
Enfermée entre quatre murs, la jeune femme âgée de 28 ans revoyait sans cesse tous ces moments avec ses parents et ses frères manqués, toutes ces invitations à passer du temps entre amis déclinés et ces kilomètres interminables entre la métropole et la Veille Capitale avalés au nom de la poursuite d'un rêve qui lui paraissait tellement loin en ce soir de Noël.
À quoi bon s'imposer tous ces sacrifices, alors que la vie pourrait être si commode à titre d'infirmière, profession qu'elle entend pratiquer après sa carrière. Parce qu'entendre une foule scander son nom pendant qu'on se démène pour sa survie, cela n'a juste pas de prix.
Mais quand il n'y a finalement pas de combat au bout d'un camp d'entraînement de huit semaines, même les plus doux souvenirs associés à la pratique du sport parviennent très difficilement à faire oublier une implacable réalité : pas de combat, pas de salaire. Pour la deuxième fois depuis le début de l'année, Beaudoin a en effet vu l'un de ses duels annulés.
La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a déterminé que Claudia Andrea Lopez n'avait pas d'affaire dans le même ring que la Québécoise. Une décision que cette dernière accepte et respecte, même si elle reconnaît avoir subi un choc quand elle l'a su lundi matin.
« Je suis quand même assez bonne pour tourner la page, j'ai développé de bons mécanismes avec le temps, mais j'ai pleuré un bon trois heures en apprenant la nouvelle, a confié Beaudoin en entrevue téléphonique avec RDS.ca. Je n'étais même plus capable de décoller du divan. J'ai fini par me convaincre qu'il faudrait bien que je finisse par me lever... »
Ce n'est pas la première fois que la championne internationale des poids super-plumes de la WBO aborde la question avec l'auteur de ces lignes, mais il est toujours bon de rappeler qu'au-delà de l'immense déception de voir un duel annulé, il y a des contraintes financières qui y sont associées. Beaudoin a investi beaucoup d'argent en amont de cet affrontement.
Hébergement, nutritionniste, massothérapeute, épicerie, suppléments alimentaires, la liste de créances est aussi longue que variée. Sans oublier le voyage au Mexique planifié depuis longtemps pour se récompenser après 18 mois intenses consacrés à la boxe et aux études.
« C'est certain que la dernière annulation m'a donné envie d'absolument tout abandonner, admet Beaudoin. Je suis rendue à un point où j'ai vraiment besoin d'aide. J'attends les résultats de mon examen de l'ordre pour savoir si je peux me trouver un job à temps partiel. »
Une situation qui est loin d'être idéale pour celle classée 12e au WBC, 5e à l'IBF et 8e à la WBO. À ce niveau, les récupérations mentale et physique sont aussi importantes que l'entraînement et un emploi du temps trop chargé ne permet pas réellement de se reposer.
« En ce moment, c'est la première fois de ma vie que je peux me concentrer uniquement sur mon entraînement et je sens que je me suis vraiment améliorée. Je me sens beaucoup plus forte, ma qualité de boxe est meilleure, énumère-t-elle. Si j'avais continué d'être aux études comme c'était le cas au cours des dernières années, je ne me serais pas améliorée autant.
« Mais je tiens à préciser que j'adore mon sport et les sacrifices que je fais, je les fais parce que j'adore cela. Je les fais parce que je veux devenir championne du monde du monde. »
Deux poids, deux mesures?
L'annonce du refus de la RAJC est l'un des nombreux sujets qui sont parvenus à enflammer l'autoroute de l'information cette semaine, plusieurs soulevant l'apparente contradiction entre la décision d'empêcher Beaudoin d'affronter Lopez et de permettre à Kim Clavel de se mesurer à Mayela Perez la semaine prochaine en finale d'une soirée de Groupe Yvon Michel.
Âgée de 45 ans, Lopez (26-17, 6 K.-O.) est une ex-championne des plumes qui a cependant perdu ses six derniers combats ainsi que dix de ses douze derniers, tandis que Perez (20-27, 10 K.-O.), qui a 39 ans, a échappé ses cinq précédentes sorties et sept de ses huit dernières.
« En tant que promoteur, je devais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour la faire boxer, a expliqué Camille Estephan. Mais je ne peux pas blâmer la Régie, parce qu'elle veut des combats équilibrés à ce niveau et pense que cela pouvait être très dangereux pour [Lopez].
« Et je ne suis pas en désaccord. À partir du moment où j'ai entendu le raisonnement, je me suis dit que la Régie avait raison. C'était la quatrième adversaire que nous avions trouvée, il y en a deux autres qui s'étaient précédemment blessées. Ce sont des choses qui arrivent...
« Dans le cas de l'adversaire de Clavel, ce n'est pas de mes oignons. Mais je déplore que des champions du clavier s'en prennent à elle. Ce n'est pas elle qui choisit ses adversaires, elle est là pour se battre. La Régie est entre bonnes mains et prend les bonnes décisions. »
Reste que la recherche d'adversaire pour les pugilistes québécois semble très compliquée depuis que le Gouvernement du Canada a modifié les exigences d'autorisation de voyage électronique (AVE) et de visa de visiteur pour les citoyens le 29 février dernier. Mais à vrai dire, c'est toute la machine qui paraît brisée, puisque les délais pour l'obtention de visas sont de plus en plus longs, peu importe le pays d'où est originaire chaque rival pressenti.