Retour sur Mike Tyson c. Jake Paul; décès de Donald Paduano
COLLABORATION SPÉCIALE
J'ai vraiment apprécié ma soirée de vendredi dernier lors du spectacle grandiose sur Netflix avec comme clou de la soirée les 8 rounds d'exhibition entre Mike Tyson et Jake Paul.
Je sais, la Commission athlétique du Texas a sanctionné et nombreux sont ceux qui sont offusqués. Les juges ont rendu une décision officielle et Tyson (50-7, 44 K.-O.) a enregistré officiellement une 7e défaite.
Quand je dis que c'était une exhibition, je n'implique aucunement qu'il y ait eu de la malversation de la régie américaine, même si le fait de donner la bénédiction au combat est questionnable. Ce que j'implique, c'est que Jake Paul (11-1, 7 K.-O.) avait promis à Iron Mike ne pas lui faire mal et qu'il ne l'humilierait pas. Il a tenu parole. Les juges ont tout simplement noté ce qu'ils ont vu sur le ring et sans trop forcer, Paul a remporté les 6 derniers rounds.
Le succès sportif de la soirée est indéniable. Le match nul du champion WBC des mi-moyens Mario Barios (29-2-1, 18 K.-O.) et Abel Ramos (28-6-3, 22 K.-O.) où les deux belligérants ont visité le plancher tour à tour fut intéressant.
Que dire des 10 rounds formidables que ces 2 grandes dames, Katie Taylor (24-1, 6 K.-O.) et Amanda Serrano (47-3-1, 31 K.-O.), se sont livrées où les deux sont véritablement sorti gagnantes même si on a dû départager, 3 pointages de 95-94 pour l'Irlandaise, qui a conservé ses ceintures des super-légères en obtenant une deuxième victoire sur la Portoricaine.
Test brillamment réussi pour Netflix
Pour Netflix, ce gala était un test et la réussite a été bien au-delà des espérances du géant de la distribution numérique, malgré les quelques ratées de la bande passante. Il est fort à parier que cette situation sera corrigée rapidement.
Le combat Taylor-Serrano a été la diffusion d'un événement sportif professionnel la plus regardé de toute l'histoire, tous sports confondus, chez les femmes avec 74 millions d'auditeurs.
Pour le choc principal, il y aurait eu 75 millions de comptes d'abonnés pour un auditoire mondial estimé de 125 millions d'auditeurs. Par comparaison, ESPN va chercher un public de moins de 1 million en moyenne pour la boxe, entre 2 et 3 millions pour un excellent combat et jusqu'à 5 millions pour un grand combat.
Faut dire que quand un affrontement est en grande demande, les amateurs doivent débourser des sommes comprises entre 20 et 100 $ pour l'acheter à la carte, ce qui en limite énormément la portée.
C'est le duel de Muhammad Ali contre Leon Spinks au Superdome de La Nouvelle-Orléans, le 15 septembre 1978, qui a établi le record mondial pour le plus grand nombre personnes qui l'a regardé en direct. Sur ABC, il y avait 90 millions de foyers les yeux rivés sur la petite boite carrée. On prétend même qu'il y en avait 2 milliards à travers le monde. Ali devait l'emporter et conquérir le titre mondial des lourds pour la 3e fois.
En effectuant un calcul rapide, c'est une facture de plus de 60 millions que Netflix a dû couvrir afin de présenter ce grand spectacle, ce qui représente un peu plus de la moitié de tout le budget d'ESPN et ESPN+ qui présentent une centaine de galas de boxe par année.
Netflix a les capacité et les moyens de révolutionner la boxe, tout comme HBO l'a fait à compter de 1973, une expérience qui a duré jusqu'en 2018. HBO s'est lancé en présentant le combat qui a vu George Foreman détrôner Joe Frazier pour les titres WBC et WBA des lourds à Kingston en Jamaïque. Comme Netflix, HBO était un canal dédié aux films et aux séries et ils ont amené une façon différente de présentation et un prestige inégalé.
Pourquoi Netflix investirait autant d'argent en boxe et dans le sport en général, lui qui est déjà au sommet de sa catégorie en nombre d'abonnés, 282 millions contre 230 pour le plus proche rival Amazon Prime Video? Tout simplement pour rester au sommet. Il y a tellement de compétitions qu'il faut constamment se renouveler et faire preuve de créativité.
C'est la raison pour laquelle Netflix va présenter ses premiers matchs de football de la NFL le jour de Noël, les Chiefs contre les Steelers suivi des Ravens contre les Texans avec Beyonce pour le spectacle de la mi-temps. Ne me cherchez pas ce jour-là, je serai devant mon écran plat avec mon chandail rouge numéro 15!
Je me souviens d'une étude qui disait que HBO, à l'époque, n'augmentait pas beaucoup d'abonnés avec la boxe mais que c'était la raison première pour laquelle les clients restaient abonnés à HBO.
L'équation peut facilement s'appliquer à Netflix.
Dans ce gala, Netflix a amené des innovations qui vont faire boulle de neige. Les panneaux électroniques dans les coins et autour du ring en remplacement des imprimés pour bien identifier les participants et, au moment opportun, présenter de la publicité, c'était génial.
Comme HBO le faisait dans le temps en avec ses grandes vedettes, on a vu Optimus Prime se balader dans la salle tous comme de nombreuses vedettes de leurs films ou séries ce qui représente un placement de produit unique.
Un génie du marketing
Je reste sur mes positions, Paul ne sera jamais un boxeur de calibre à un véritable champion du monde ou même un aspirant légitime, mais son implication en boxe et son impact ont été supérieurs à la majorité des grands champions et il faut lui en reconnaitre le crédit, n'en déplaise aux puristes.
C'est lui qui a convaincu Tyson et Netflix d'embarquer dans cette aventure. Avec son organisation de promotion MVP, il est à mettre sous contrat des boxeurs et leur organiser des galas. Depuis qu'il a pris Amanda Serrano sous son aile, il lui a fait atteindre des sommets impensables il n'y a pas longtemps.
C'est lui qui a eu l'idée de louer le Madison Square Garden pour le premier combat entre sa protégée et Taylor et c'est grâce à sa promotion qu'on a fait salle comble.
À mon avis, sa plus grande réussite est d'avoir attiré l'attention et l'intérêt de boxeurs légitimes et en recevoir des défis officiels par la voix des réseaux sociaux. Sincèrement, je n'aurais jamais cru ça possible.
Avant vendredi dernier, c'est lui qui lançait des défis pour faire parler de lui. Depui, on a vu Daniel Dubois, champion IBF des lourds, l'inviter à l'affronter. Artur Beterbiev, le champion unifié des mi-lourds, a fait la même cose tout comme Andre Ward, Carl Froch et Tony Bellew qui sont prêts à sortir de leur retraite.
Je peux également vous assurer qu'aucun d'entre eux ne va recevoir d'appel, mais ces invitations sont extrêmement flatteuses pour l'acteur et va contribuer à faire grandir sa notoriété, sa légende.
Avec ce succès, il faut bien s'attendre à ce qu'on renouvelle l'entente d'association entre Netflix et Paul et les plans pour la prochaine étape sont déjà en marche.
C'est la grande vedette de l'UFC, l'Irlandais Connor McGregor, qui serait ciblé pour être le prochain antagoniste de Paul sur le ring au printemps prochain. On y trame en même temps de compléter la trilogie entre les deux championnes Katie Taylor et Amanda Serrano. Leurs styles tout offensifs et leur capacité d'encaisser se marient à merveille pour des combats aux décharges nucléaires, comme ceux de Gatti contre Ward.
On rêve d'amener la promotion en Irlande pour remplir un stade avec 90 000 spectateurs, mais je crois plus probable que ce soit la Sphère de Las Vegas qui en serait l'hôte. On y a présenté l'UFC 306 avec grand succès en récoltant des revenus de 22 millions aux guichets. Au AT&T Stadium, les 72 000 spectateurs ont généré une recette de 18 millions vendredi dernier.
Enfin, je sais que ça ne plaira pas à de nombreux inconditionnels de la boxe traditionnelle comme mes bons amis Russ Anber et Bernard Barré, pour qui j'ai le plus grand des respects, mais ces événements aident la boxe en général à une grande exposition devant une clientèle différente et nombreuse, une démographie plus jeune qui contribue en favoriser l'intérêt et la popularité.
Il faut voir derrière le cosmétique qu'apporte l'influenceur les impacts réels sur l'industrie et ses participants. Et si au travers de ça Paul veut s'amuser avec des grands-pères, il faut juste ne pas le prendre pour une offense personnelle.
L'Ange du ring n'est plus
On a appris le décès de Donato Paduano (43-10-2, 15 K.-O.) cette semaine, mais la nouvelle est passée presque inaperçue. Pourtant il a été une très très grande vedette de son temps et de nombreuses pages frontispices des journaux de l'époque le confirment.
Il n'y a peu de boxeurs d'ici qui ont été aussi adulé que lui. Ceux qui n'ont pas connu cette époque ne peuvent même pas imaginer. L'Ange du ring était l'un des athlètes les plus populaires de sa génération, derrière les Maurice Richard, Jean Béliveau et Yvon Robert, certes, mais devant la grande majorité des joueurs du Canadien qui récoltait des coupes Stanley en quantité industrielle.
À chacune de ses sorties, tout le gratin artistique ou de personnalités publiques de chez nous souhaitait y participer. Si vous n'étiez pas invité, vous n'étiez pas tendance. Le fait qu'il soit marié à Linda Ouimet, la cousine de la célèbre actrice Danielle Ouimet, l'une de ses plus grandes admiratrices, ajoutait à l'aura de notoriété du pugiliste.
Sa carrière professionnelle s'est échelonnée de 1968 à 1980, mais sa période la plus prolifique a débuté avec sa victoire au Madison Square Garden de New York contre Marcel Cerdan fils le 11 mai 1970, jusqu'à sa défaite au Forum de Montréal contre l'ex-champion du monde des moyens Emile Griffith le 10 décembre 1974.
Après sa victoire contre Cerdan, tous les espoirs qu'ils devienne le troisième champion du monde de l'histoire de la boxe au Québec, le premier depuis Lou Brouillard 37 ans plus tôt en 1933, étaient permis. Après la défaite contre Griffith tous les rêves et les illusions s'étaient dissipés.
Avant son entrée dans la boxe payante, il a connu une excellente carrière amateure avec une médaille d'or aux Golden Gloves de New York chez les 160 livres, en 1968. Il a représenté le Canada aux Jeux du Commonwealth en 1966, remporté une médaille de bronze aux Jeux Panaméricains de Winnipeg en 1967. Il a obtenu une victoire à son premier combat aux Jeux olympiques de Mexico avant de céder contre un Argentin.
Quand il est passé chez les professionnels, il avait un bagage bien garni et était prêt pour sa nouvelle carrière, par ce cheminement idéal, encore aujourd'hui, mais extrêmement rarissime à l'époque.
Il y avait beaucoup de bons boxeurs au Québec à cette période que Donato a vraiment dominé tout en remplissant le Centre Paul-Sauvé ou le Forum de Montréal. Ses principaux adversaires locaux ont été les Joey Durelle (2-0), Fernand Marcotte (1-0-1), Reynal Cantin (1-1) et Jean-Claude LeClair (1-0) pour une fiche cumulée de (5-1-1). Il a vengé sa défaite et son verdict nul.
Mais ses ambitions n'étaient pas de dominer le Québec, comme les boxeurs d'aujourd'hui il espérait une grande carrière internationale c'est pourquoi on l'a amené à New York à 9 reprises durant les 2 premières années de sa carrière. Le téléphone cessera de sonner après sa 2e défaite consécutive au MSG contre Danny McAloon en juillet 1971.
Paduano était en grand technicien aux mains vives et une excellente intelligence du ring. Sa défensive était fiable et son menton solide. Une seule fois en 10 défaites il a perdu avant la limite. Il lui manquait sans doute l'explosion dans ses coups de poings qui l'aurait propulsé dans l'élite internationale.
Je l'ai vu boxer à de nombreuses reprises et j'ai eu le privilège de le rencontrer quelques fois. Il était un homme timide, humble et attachant. Après sa carrière, il a refusé la grande majorité des invitations et on ne l'a pratiquement plus vu publiquement.
Il a été intronisé au Temple de la renommée du Panthéon des sports du Québec en 2000.
Il est décédé mardi dernier le 19 novembre à 75 ans. Mes plus cordiales sympathies à ses amis, à sa famille et plus particulièrement à ses 3 fils Danny, Yannick et Patrick.
Bonne boxe et à la semaine prochaine!