Passer au contenu principal

RÉSULTATS

Shakur Stevenson agent libre!

Shakur Stevenson Shakur Stevenson - Getty
Publié
Mise à jour

COLLABORATION SPÉCIALE

Shakur Stevenson (21-0, 10 K.-O.) va défendre sa ceinture WBC des légers près de chez lui au Prudential Center de Newark ce samedi 6 juillet contre son aspirant no 7 Artem Harutyunyan (12-1, 7 K.-O.) d'Arménie, via Hambourg en Allemagne, sur ESPN.

Le seul combat significatif de l'Arménien en carrière, c'est sa défaite à son dernier combat, en juillet 2023, contre Frank Martin (18-1, 12 K.O.). On se souvient que Martin a perdu par K.-O. au 8e contre Gervonta Davis (30-0, 28 K.-O.) le mois dernier.

Harutyunyan n'est pas un mauvais boxeur, mais ne fait pas non plus partie des étoiles de la division comme Stevenson, médaillé d'argent des JO de Rio en 2016, qu'il aurait souhaité affronter.

C'est le dernier combat de son contrat avec Top Rank lui qui est associé avec ce promoteur américain depuis ses débuts professionnels il y a 7 ans en 2017. Durant cette période il a remporté des titres mondiaux dans 3 divisions de poids différentes. 

Bob Arum a déclaré que la vente des billets, pour samedi, était autour de 700 000$ et que c'est ESPN qui finançait le gala puisque Shakur n'est pas un boxeur de PPV. 

En comparaison, « Tank » Davis, champion WBA des légers, son combat contre Ryan Garcia a généré une billetterie de 23 millions $ et des ventes de télé à la carte de plus de 100 millions $.

Alors pourquoi le jeune champion de 27 ans, au sourire charmant, médaillé olympique, 3 fois champion du monde n'est pas vendeur?

Selon Stevenson son promoteur l'a mal dirigé et ne lui a pas permis d'affronter l'élite de la division comme Vasyl Lomachenko, Teofimo Lopez ou Devin Haney. Bob Arum, lui, se défend en disant que sa vedette ne cogne pas et n'offre pas de grands spectacles sur le ring.

À sa dernière sortie en novembre 2023 contre Edwin De Los Santos (16-2, 14 K.-0.), ce fut effectivement pénible à regarder. Une victoire par décision serrée en 12 rounds, pour le titre vacant WBC des légers. L'absence d'échanges significatifs de part et d'autre a agacé la foule qui conspué les pugilistes à compter du 6e round, déçue du peu d'action sur le ring.

À la suite de ce combat, irrité et indigné, Stevenson a annoncé sa retraite. Il s'est ravisé quelques mois plus tard en disant qu'il ne lui restait plus qu'un seul combat avec Top Rank et que par la suite il devenait agent libre.

C'est comme ça qu'on retrouve Stevenson/Harutyunyan en fin de semaine. Arum n'avait pas l'intention d'investir dans un combat sans suite pour son organisation et il a déclaré : « Shakur sera agent libre et lui autant que nous avons respecté nos engagements ». On ne décèle pas beaucoup d'enthousiasme dans ces paroles!

L'intérêt de ce combat se trouve donc sur ce plan, c'est-à-dire que l'Américain voudra se servir de cette opportunité, sur ESPN, pour augmenter sa valeur et intéresser les autres organisations. 

Eddie Hearn de Matchroom a déjà démontré de l'intérêt, Top Rank n'est pas nécessairement sorti de la course.

Dans le passé nombreux étaient les boxeurs qui étaient indépendants et n'avaient pas l'obligation de s'associer à un promoteur pour faire avancer leur carrière. C'était à l'époque où les réseaux de télévision HBO et Showtime signaient des ententes exclusives avec des boxeurs.

Ce fut le cas, entre autres, avec Roy Jones Jr., le meilleur boxeur livre pour livre de sa génération. Il n'a jamais eu à s'associer avec un promoteur majeur étant sous contrat avec HBO dès son entrée chez les professionnels.  

Ce fut la même chose au Québec avec Lucian Bute et Jean Pascal. Ces deux boxeurs associés à InterBox et GYM n'avaient pas besoin d'un promoteur majeur de l'extérieur. Showtime comme HBO adoraient venir au Québec pour télédiffuser leurs combats. 

Les choses ont bien changé depuis et il est presque impossible aujourd'hui de faire carrière en boxe professionnelle en étant agent libre. Même le plus populaire, le plus vendeur des boxeurs actuels, Canelo Alvarez, doit s'associer à un promoteur majeur pour ses combats. Après Golden Boy, il a signé pour quelques combats avec Matchroom et maintenant il termine un pacte de 3 combats avec Premier Boxing Champions (PBC).

Le dernier boxeur à avoir détenu un contrat avec un réseau de télévision, directement, a été Jaron Ennis (31-0, 28 K.-O.) de Philadelphie, le champion IBF intérimaire des mi-moyens. Ce dernier avait une entente directement avec Showtime qui a mis fin à son aventure de 37 ans en télédiffusion de boxe professionnelle en décembre 2023.

Ennis, qui n'est pas monté sur le ring depuis juillet 2023, va combattre pour le titre IBF des mi-moyens contre David Avanesyan (30-4-1, 18 K.0.), chez lui en Pennsylvanie, le 13 juillet prochain, sous l'égide de Matchroom, son nouveau promoteur à long terme. 

Maintenant les réseaux de télévision ou de distribution numériques donnent des exclusivités à des promoteurs, mais pas à des boxeurs. Donc si un boxeur veut boxer sur ESPN, il doit obligatoirement s'entendre avec Top Rank ou pour DAZN, c'est Matchroom ou Golden Boy. 

C'est pourquoi EOTTM a dû s'entendre avec Top Rank pour Christian MBilli et Arslanbek Makhmudov, afin qu'ils puissent obtenir la visibilité et les revenus associés à ESPN. C'est la réalité actuelle.

Alors Shakur Stevenson va vouloir en mettre plein la vue et offrir une performance éblouissante contre son adversaire, une comme celle de Davis contre Martin s'il veut gonfler l'intérêt à son sujet.

La boxe, ce n'est pas juste une question de technique, de réflexes et de précision. C'est avant tout une business qui vit en offrant un produit qui doit trouver acheteur.

Cependant, il est très difficile de dénaturer un athlète qui a connu autant de succès, sur le ring, avec sa méthode, son style et ses outils. Je m'attends donc à une victoire sans conteste de Stevenson, mais j'ai hâte de voir s'il va accepter de sortir de sa zone de confort et donner du plaisir, de l'excitation et de la frénésie dans l'auditorium. 

William Zepeda, aspirant obligatoire unifié!

Il y a un autre boxeur de la division des légers qui va retenir mon attention en fin de semaine. Le Mexicain gaucher de 28 ans William Zepeda (30-0, 26 K.O.) affronte Giovanni Cabrera (22-1, 7 K.O.) de Chicago au Toyota Arena à Ontario en Californie, présenté sur DAZN.

Zepeda, un boxeur agressif et spectaculaire, a réussi l'exploit peu commun de détenir la position d'aspirant numéro 1 aux 4 champions du monde de la division simultanément. En effet il est l'aspirant le plus haut gradé à la fois à Shakur Stevenson (WBC), Gervonta Davis (WBA), Vasyl Lomachenko (IBF) et Denis Berinchyk (WBO).

Si toutes les associations l'ont en aussi haute estime, c'est parce qu'il fait l'unanimité auprès des experts comme étant le plus susceptible de détrôner éventuellement l'un des champions dans une division extrêmement talentueuse. 

Son adversaire de 29 ans Cabrera n'est pas une proie facile, on peut en parler à l'actuel champion WBA des super légers Isaac Cruz (26-2-1, 18 K.-O.) qui s'est sauvé avec la victoire dans leur combat par décision partagée des juges, l'an dernier. 

Si Zepeda devait obtenir un 4e K.-O. consécutif, il enverrait un autre message sérieux aux champions.

Pourquoi les champions d'une association ne sont pas classés par les autres?

Chaque association classe ses boxeurs indépendamment l'une de l'autre, mais jamais un champion d'une association est classé par une rivale.

Ça peut sembler aberrant pour les fans qui les consultent, mais la logique est très simple. On classe un aspirant au champion d'une division, dans un rang, en fonction de son mérite. L'un des critères considérés, c'est la disponibilité de l'aspirant à affronter le monarque.

Si tu es champion, tu as des obligations, comme défendre ta ceinture contre l'aspirant obligatoire au moins une fois par année, donc ta disponibilité est limitée. Si tu étais classé par une autre association tu prendrais alors la place d'un autre boxeur qui serait alors brimé.

Quand deux champions s'affrontent, ce n'est pas par obligation, mais par un intérêt mutuel de toutes les parties, boxeurs, gérants, promoteurs et le public. Les négociations sont libres et non obligatoires contrairement à un champion quand il doit affronter son aspirant obligatoire. À ce moment-là, il y a des règles établies qui peuvent mener à un appel d'offre afin de dénouer une impasse dans les négociations.

L'un des critères importants de classement par une association est l'obtention, par un boxeur, d'un titre régional associé. Si un boxeur devient champion IBF intercontinental, il devient automatiquement un aspirant top-15 par la IBF.

Ce dernier critère a toutefois été changé par le WBC depuis quelques années. En fait depuis l'arrivée de Dean Lohuis à la tête du comité de classement de ce groupe, les titres régionaux ne sont plus considérés. Chaque combat est évalué en fonction de la qualité des adversaires un point c'est tout.

Lohuis, un homme intègre et idéaliste, très respecté par l'exécutif de la WBC, voudrait faire changer la règle pour lui permettre d'insérer les champions des autres associations dans ses classements WBC.

Je ne sais pas s'il s'en souvient, mais c'est déjà arrivé que le WBC classe un champion adverse comme aspirant obligatoire. C'est arrivé à son congrès de décembre 2014 qui avait lieu à Las Vegas.

La convention se déroulait du 14 au 19 décembre, mais je ne pouvais être présent, Adonis défendait son titre WBC des mi-lourds pour la 4e fois au Colisée Pepsi de Québec sur Showtime contre Dmitry Sukhotskiy. Artur Beterbiev y livrait son 7e combat contre Jeff Page Jr.

Je me suis toujours fait un devoir de participer aux congrès du WBC afin de protéger les intérêts de nos boxeurs et depuis 1991 j'ai dû n'en manquer que 3 ou 4, dont cette année-là.

Durant la session des classements, arrivée à la division des mi-lourds Kathy Duva demande et obtient, par vote unanime des 36 membres du bureau de direction, que Sergei Kovalev, champion IBF, WBA et WBO, soit nommé aspirant obligatoire à Adonis Stevenson champion WBC. Une première, ça n'avait jamais été accordé ni même demandé par le passé. 

Mauricio Sulaiman, par respect et courtoisie, m'a informé de cette décision par téléphone en mettant l'emphase que ce n'était pas une décision contre Adonis, mais pour le bien de la boxe en générale.

Quand un aspirant obligatoire est nommé, on a habituellement 30 jours pour s'entendre et à l'expiration de ce délai, une date d'appel est déterminée.

Cependant si une des 2 parties ne veut pas négocier, elle peut exiger immédiatement un appel d'offres et une date est déterminée à l'intérieur des 10 jours suivants.

C'est ce qu'on a fait et le WBC a décrété le 29 décembre pour l'appel d'offres qui aurait lieu à Mexico City. Le partage des bourses fut fixé à 50-50.

Un appel d'offres veut dire que tous les promoteurs, impliqués ou pas avec les boxeurs, peuvent déposer une offre pour obtenir les droits de présentation du combat et décider de la date de de l'endroit. Habituellement seuls les promoteurs des 2 boxeurs sont impliqués.

Comme exemple, si l'offre la plus importante était de 1 million $, les 2 boxeurs se partageraient 500 000$ chacun.

La plus grosse bourse d'Adonis avait été de 2 millions $ à ce moment. PBC et Al Haymon étaient nos partenaires et Showtime notre diffuseur. Après consultation et discussions, c'est une enveloppe contenant une offre de 7 millions $ que je m'apprêtais à apporter au Mexique. Si on l'emportait, le combat aurait eu lieu au Centre Bell en mars 2015 et chaque boxeur aurait empoché 3,5 millions $.

On était donc prêts et le fameux combat d'unification des mi-lourds Stevenson/Kovalev devenait une réalité.

La veille de mon départ, M. Sulaiman m'appelle pour me dire que finalement Kathy Duva retirait Kovalev de la procédure et ne participait plus à l'appel d'offres. La raison évoquée était qu'elle craignait qu'on remporte l'enchère et son contrat exclusif avec HBO l'empêchait de laisser combattre son boxeur sur un autre réseau.

Selon les règles des associations, les champions sont forcés de défendre leur titre contre leur aspirant obligatoire sous peine d'être dépouillés de leur ceinture. Cependant, la sanction pour un aspirant obligatoire qui se désiste est de se voir enlever d'une position dans le top-10 pour une période de 6 mois. 

Si Adonis s'était écarté de l'appel d'offres, il aurait perdu son titre WBC et Kovalev aurait combattu pour le titre vacant en plus de défendre ses 3 autres titres contre un autre aspirant WBC.

Kovalev, en se désistant, fut évincé des classements WBC, mais a poursuivi ses défenses des autres titres, donc pas de conséquences.

Lorsque Kathy Duva a effectué cette pétition auprès du WBC, elle croyait qu'Adonis aurait préféré abandonner son titre au lieu de combattre son champion ou au pire elle croyait qu'HBO l'aurait supporté pour remporter l'appel d'offres. Il faut croire que Showtime avait plus d'ambition et d'intérêts que son rival au sujet de ce grand combat.

Finalement les 2 champions qui dominaient largement les mi-lourds de 2013 à 2018 et qui représentaient une méga confrontation de rêve pour tous les partisans de boxe, et pour nous, ne se réalisera jamais.

Alors si on me demande mon avis à la pertinence de classer les champions des autres associations, je vais raconter cette histoire où un jour le WBC a vraiment mal paru!

Bonne semaine!