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RÉSULTATS

Un jeu qui en vaut la chandelle?

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Augmentation de la fréquence cardiaque, fatigue extrême, etc. Pier-Olivier Côté a connu plusieurs des symptômes associés à la perte de poids extrême à laquelle s'astreignent les boxeurs et les combattants d'arts martiaux mixtes pendant pratiquement toute sa carrière.

Si les complications vécues par les athlètes dans les heures précédant leur montée sur le pèse-personne sont extrêmement bien documentées, la tradition, qui est implantée dans les mœurs depuis des décennies et des décennies, n'est pas sur le point de se volatiliser.

« On se bat contre une pratique qui a cours depuis des années, déplorait d'ailleurs vivement le regretté directeur médical de Groupe Yvon Michel et médecin des Canadiens de Montréal, Dr Francis Fontaine, au collègue Nicolas Landry en 2017. Règle générale, on recommande à un athlète de ne pas couper plus de 5 % de son poids. Personnellement, c'est le maximum où je leur conseille d'aller. Mais pour eux, c'est quasiment un minimum. »

Dans le cas de Côté, l'exercice s'avérait particulièrement brutal, étant donné qu'il affichait naturellement un taux de gras excessivement faible. Il devait ainsi s'en remettre presque exclusivement à l'évacuation de l'eau de son corps pour respecter la limite avant ses duels.

En suivant la recommandation du Dr Fontaine, il aurait dû se battre chez les mi-moyens (147 livres), puisqu'il pesait 155 lb dans la vie de tous les jours. Il s'est battu une fois à ce poids en 19 sorties, incidemment la dernière qu'il a effectuée en mai 2012, à Nottingham. Même le champion unifié des mi-lourds (175 lb), Artur Beterbiev, un autre qui a un faible taux de gras, ne suit pas la suggestion du 5 %, son poids hors compétition étant de 200 lb.

« L'eau perdue par les boxeurs ainsi que les combattants provient du plasma sanguin, la partie liquide du sang, détaille le kinésiologue et professeur adjoint à l'école de kinésiologie et des sciences de l'activité physique de l'Université de Montréal, Pierre-Mary Toussaint.

« C'est évident que cette pratique comporte certains risques, car on demande ensuite au corps de performer, continue Pierre-Mary Toussaint. La déshydratation influe le volume d'éjection systolique, c'est-à-dire la quantité de sang propulsée par le cœur à chaque battement. Moins il y a de sang, moins il y a de volume sanguin. La pression artérielle diminuera et il y aura par la suite une hausse de la fréquence cardiaque pour compenser. »

Dans les cas les plus extrêmes, un point de rupture sera éventuellement atteint. Le sang prenant alors une consistance semblable à celle de la mélasse, le cœur et les reins seront évidemment davantage sollicités et ils fonctionneront ensuite beaucoup plus difficilement.

« Mais avant que les organes les plus vitaux ne soient touchés, le corps va perdre conscience, mentionne Pierre-Mary Toussaint. En se retrouvant à l'horizontale, le corps peut ainsi irriguer beaucoup, beaucoup plus facilement des organes comme le cerveau. »

Cela dit, malgré tous les problèmes qui peuvent être provoqués par les pertes de poids à court terme, le corps humain demeure résilient et ne devrait pas porter trop de séquelles.

« Les pesées ont généralement lieu plus de 24 heures avant l'événement, donc le corps a amplement le temps de se réhydrater, conclut Pierre-Mary Toussaint. En principe, tout revient à la normale, mais l'athlète pourrait ne pas avoir le temps de se remettre du stress physique et psychologique des différents moyens pris pour provoquer la déshydratation. »  

Donc, est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle en tenant compte de tous les risques?

« Ces athlètes traversent un camp d'entraînement de huit à douze semaines, ils aiguisent leurs réflexes au maximum et malheureusement, dans la dernière semaine, ils vont tout gâcher, affirmait sans équivoque le Dr Fontaine, toujours à Nicolas Landry, en 2017. Ils se battent en situation de malnutrition et de déshydratation alors qu'ils se préparent dans des conditions optimales. C'est évident que le soir venu, ils seront plus lents. On entend souvent qu'un tel est sorti flat, qu'un autre n'avait pas de cardio. Le problème est ailleurs. »