Charles Jourdain : le goût du risque
UFC lundi, 9 déc. 2019. 08:29 mardi, 19 nov. 2024. 20:02RDS2 et RDS Direct présenteront le gala UFC Fight Night : Edgar-Korean Zombie en Corée du Sud le 21 décembre, de 19 h à 21 h 30
Charles Jourdain finalise son grand départ mardi vers Busan, en Corée du Sud, où il disputera son deuxième combat dans l’UFC, le 21 décembre, sur la carte principale.
Après sa première défaite au sein de l’organisation en mai contre Desmond Green par décision unanime à un poids supérieur, le Québécois ne s’est pas facilité la tâche en acceptant d’affronter Doo Ho Choi, chez les plumes cette fois. Dans un domaine où il est préférable de ne montrer aucun de signe de vulnérabilité, Jourdain ne cache pourtant pas être victime d’insomnie.
« J’ai déjà des cheveux blancs et je viens d’avoir 24 ans. Ma carrière MMA me stresse énormément, mais c’est de la bonne pression qui me rend sharp. Les seules fois que je n’étais pas stressé, c’était contre TJ Laramie au Centre Bell et contre Desmond Green, quand j’ai perdu. Je n’étais pas au-dessus de mes affaires, mais je n’étais pas assez stressé, raconte le double champion TKO. Cette fois, je ressens le stress que j’avais contre Alex Morgan. Je n’arrête pas de penser que je m’en vais en Corée affronter Choi et je ne dors absolument pas. C’est beaucoup de pression et de stress. Le stress se manifeste quand tu es trop dans le passé ou trop dans le futur, que tu n’es pas dans le moment présent. Il faut que je retrouve la façon de me recentrer.
Quand je suis seul, mon cerveau tourne et j’ai beaucoup de difficulté à dormir, mais ce n’est pas grave. Ce n’est rien de nouveau. Georges St-Pierre le disait, la veille de son combat, il ne dormait pas du tout. Il n’y a personne de surhumain; 80 % des gars sont stressés et seulement 5 % vont l’avouer. Moi je suis honnête, il faut que j’embrasse ça et que je l’utilise comme un moyen de mieux performer. »
« Je sens que 2020 va être mon année, je vais empiler plusieurs combats. Je le sens en-dedans de moi, quand je fais de la visualisation, j’ai un bon feeling. C’est le moment où Charles Jourdain va bien représenter le Québec à l’échelle mondiale. »
Doo Ho Choi ne s’est pas battu depuis janvier 2018 puisqu’il devait compléter son service militaire obligatoire de deux ans. Avant cette pause, il venait de signer deux défaites après une superbe lancée où il accumulait les K.-O.. Face à Jourdain, on peut s’attendre à un combat debout explosif car Choi est aussi capable de performances spectaculaires. Il est vrai que c’est souvent le style qui fait un combat.
« Le style qui m’a donné le plus de misère jusqu’à maintenant, c’est la lutte de Laramie et Green, des point fighters. Ils vont prendre beaucoup de distance et essayer de marquer le plus de points possible pour s’en tirer avec la victoire sans nécessairement avoir fait de dommage ou essayé de te terminer. Moi, j’essaie d’en finir avant la limite. Toutes mes victoires ont été comme ça, pareil pour Choi. Je pense que c’est parfait pour moi parce que plus il va prendre de risque, plus il va se mettre à risque. C’est donc un couteau à double tranchant pour les deux, mais j’ai l’avantage de ne jamais avoir été knocké ou ébranlé.»
«Peut-être que quand il va manger des coups, il va trouver ça un peu plus difficile. À sa dernière défaite contre Jeremy Stephens, je suis prêt à mettre ma main au feu qu’il a subi une commotion. Il a mangé des gros coups. Je ne sais pas s’il va avoir cette crainte, mais moi ça ne m’est jamais arrivé. Il ne faut pas que j’arrive avec une impression d’invincibilité, mais je dois être capable d’encaisser pour lui montrer que je suis fait pour ça et que j’ai les outils pour passer à travers », explique le combattant de Beloeil.
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Même si Jourdain gagne en maturité et qu’il tente de continuer à ajouter des cordes à son arc, il ne souhaite surtout pas se dénaturer et oublier ce qui lui a fait connaître du succès. Il aime prendre des risques et ne se dit pas inquiet du résultat.
« Si c’est trop calculé, tu perds de ton naturel. Je suis quelqu’un de flamboyant et spontané qui peut s’adapter à toutes les situations sur le moment. Il y a tellement de variables dans un combat, quand ça ne se passe pas comme tu le pensais, tu peux te mettre à paniquer et à perdre ton énergie et ton calme. Je ne me suis jamais battu comme ça. Je suis prêt à tout. Quand je lance un spinning back fist, si ça touche, tant mieux, mais sinon il faut que je sois prêt à revenir immédiatement avec autre chose. Peu importe ce qui se passe, je dois rester dans ma zone. »
Cub Swanson en tête
Parmi ses deux derniers revers, outre Stephens, Choi s’est incliné contre Cub Swanson. Pour Jourdain, Swanson incarne parfaitement la nature des sports de combat et il rêve de l’affronter un jour.
« Quand il a le dos au mur et que tu penses que c’est fini pour lui, il trouve le moyen de te battre. Il trouve une issue. Ce que je déteste dans les arts martiaux mixtes, c’est quand les gens comparent ça à un jeu d’échecs. C’est vrai jusqu’à un certain point, mais l’aspect primordial du combat, c’est quoi? Il y a un aspect de violence que j’aime beaucoup et il y a un aspect de dominance. Il y a plein de choses intéressantes autres que juste la technique. Un exemple parfait de ça, c’est aussi Mike Perry. Quand il fait des pads, c’est horrible, c’est drôle à regarder. Mais il n’y a personne qui se bat comme lui. Il a vraiment une mentalité de guerrier et je respecte beaucoup ça des athlètes : quelqu’un qui est capable de se battre de façon intelligente, mais qui veut terminer la personne et donner aux fans ce qu’ils veulent.»
«Contre Choi, ça n’allait pas bien pour Swanson et il est revenu fort. C’est le fun de voir des combattants qui ont le sens du fight en eux, plus que le jeu d’échecs et le simple talent. La plupart des gars qui se battent juste pour gagner aux points ne passent pas à l’histoire et ce n’est pas la mentalité qui m’attire. C’est un peu comme Desmond a fait. Il savait qu’avec ses deux takedowns au troisième round, il était en voie de gagner, et dans les 20 dernières secondes, il courait et ne me regardait même pas. Je n’ai pas respect pour ça. C’est un combat avant d’être une performance athlétique. En même temps, je le comprends. Il a gagné, il a fait ses sous, ça aurait été con pour lui de se mettre à risque, mais je trouve ça un peu plate pour les fans. »
Le Korean Superboy a déjà signifié son désir de revanche contre Swanson dans le cas d’une victoire. L’UFC ne serait d’ailleurs pas contre l’idée que le gagnant du duel avec Jourdain le défie. Même que Jourdain a déjà préparé son discours d’après-combat s’il l’emporte, dans l’espoir d’affronter un de ses héros sportifs. Il voulait affronter des adversaires qui allaient lui offrir une bonne vitrine pour se mettre en valeur et voilà une occasion en or contre Choi.
« Je sais déjà que je veux me battre contre Cub Swanson mais il y a une façon de la demander. Il faut être intelligent tout en gardant une certaine rivalité. Je vais prendre le temps de souligner le fait que c’est un héros. Que j’ai travaillé fort pour que mon héros devienne mon rival. Si je cherche à provoquer, c’est me tirer dans le pied. Les gens vont se demander pour qui je me prends. J’ai réfléchis à mon idée mais je vais commencer par battre Choi et on verra ensuite. »
Même s’il vient de percer dans l’UFC et qu’il tente encore de se faire un nom, « Air » Jourdain ne compte pas s’en laisser imposer. Il a prouvé chez TKO qu’il est capable de se défendre avec ses mots autant qu’avec ses poings, ce qu’il n’hésiterait pas à faire dans la cour des grands si on le provoquait. Ça ne veut pas dire pour autant qu’il veuille mettre le feu aux poudres juste pour le spectacle.
« Si tu fais un personnage, les gens n’aimeront pas ça. Les gars ont déjà dit que j’étais baveux surtout à cause de mon combat contre Michaël Cyr, mais j’avais 19 ans. C’est lui qui m’avait callé, qui m’avait traité de coqueluche et m’avait dit qu’il allait me casser la gueule. Moi j’ai répondu en gagnant et j’ai ri quand j’ai gagné. Je ne suis jamais allé intimider quelqu’un, je ne cherche pas à partir les feux, mais quand le feu est allumé, je ne vais pas reculer. Je vais toujours rester moi-même. Je n’ai pas eu peur de demander à Desmond pourquoi il s’était sauvé et il m’a répondu que c’est ça la game et qu’il voulait gagner. Pas de problème. Peu importe ce que tu vas faire, il y a des gens qui vont t’aimer, d’autres non.
« Je vais continuer d’être le meilleur Charles Jourdain possible et d’améliorer mon anglais pour être capable de répliquer si nécessaire. Je ne veux pas trop sonner comme GSP, rigole-t-il. C’est sûr qu’il peut y avoir des altercations, on est dans un monde de mâles dominants. S’ils veulent jouer à ça, jamais je ne vais reculer, mais je ne vais pas chercher le trouble non plus. »
Prévoir l’imprévisible
Pour revenir au combat qui l’attend, Jourdain se prépare à toutes éventualités. Après deux ans d’absence, difficile de prévoir quel visage Choi montrera dans la cage.
« Les deux premiers rounds seront décisifs, croit Jourdain. Peut-être qu’il sera moins bon qu’avant, peut-être qu’il sera encore meilleur parce qu’il a eu plus le temps de se préparer. On ne peut pas le savoir, mais l’important est de trouver un moyen de s’adapter à tous les scénarios possible. Il pourrait être plus patient que d’habitude, mais devant sa foule, peut-être qu’il va vouloir m’arracher la tête en 2 minutes. Il a un gros historique de striking, mais il a mangé beaucoup de coups et de dommage à ses deux derniers combats. Peut-être qu’il fera plus de lutte ou de jiu jitsu, ou bien peut-être que c’est le bon vieux Choi qui va s’amener à la guerre. Il y a pleins de facteurs. Le mieux que je puisse faire c’est me concentrer sur moi et bien me préparer comme je fais tout le temps. Ça fait longtemps que je ne me suis pas battu, j’ai faim. Je sais que je suis plus fort mentalement. En vieillissant, je sais où ma tête a besoin d’être. Quand je me battais avant, mes buts n’étaient pas encore clairs, je me battais juste parce que j’aimais ça, mais là quand tu sais où tu t’en vas et ce à quoi tu veux que ta vie ressemble, la motivation est d’autant plus grande. J’ai juste hâte que la cage se referme et que ce soit mon moment. »
Habitué à un calendrier chargé, Jourdain a dû patienter plusieurs mois depuis son dernier combat. Malgré une annonce tardive, il savait depuis longtemps qu’il allait affronter Choi et s’est préparé en conséquence avec son nouvel entraîneur, Nathan Roy. Même s’il n’est plus dirigé par Éric Bertrand, son camp de base reste le même chez Prostar MMA.
« Ça m’a fait du bien, mais c’était très long. Je trouvais ça plate jusqu’à un certain point. Ça m’a pris deux ans me rendre à l’UFC parce que je me battais tout le temps, et contre les bonnes personnes. J’aime ça rester actif. J’avais quand même une très bonne motivation et j’avais la tête à la bonne place, j’étais prêt. Depuis que je sais que je me bats contre lui, j’ai mis les bouchées triples. Après mon combat à Rochester, je suis revenu tout de suite au gym pour travailler plein de choses. Je n’ai pas perdu de temps. »
Jourdain peut surtout enfin retourner à sa catégorie naturelle. Il sent que sa réserve d’énergie jouera en sa faveur.
« Ça fait une très grosse différence. Je suis un petit 155, mais aussi un petit 145. Mon style est très explosif, mais j’ai de l’énergie à ne plus finir et à 145 ça paraît encore plus. Si je suis fatigué, ça veut dire que l’autre est mort. C’est tout le temps ce qui arrivait chez TKO, mais même contre Green. À un certain point, j’avançais, je lançais des coups alors que lui se sauvait et n’avait plus de jus. Pourtant on n’avait pas eu tellement d’échanges. Plus les gars coupent de poids, plus c’est à mon avantage. Quand Georges s’est battu contre Michael Bisping, il avait pris énormément de poids et c’était la première fois qu’on le voyait aussi essoufflé. Gagner en masse, c’est à double tranchant. Tu peux être bon dans les deux premiers rounds, mais ça peut ensuite tourner à l’avantage de ton adversaire. Je suis à un poids parfait pour moi. Je sais que je peux finir Choi assez facilement une fois au troisième round et c’est mon but. »