« Personne ne serait resté debout » - Steve Bossé
UFC mardi, 7 juil. 2015. 08:42 jeudi, 28 nov. 2024. 19:57MONTRÉAL – Ce n’est qu’une fois installé dans l’ambulance qui le transportait à l’hôpital que Steve Bossé a saisi ce qui était en train de lui arriver.
Ses accompagnateurs lui parlaient en anglais. Par la fenêtre, il pouvait voir les palmiers. Il n’y a pas de palmiers au Québec. « C’est là que j’ai compris que j’étais en Floride. J’ai tout de suite pensé à l’UFC, je me suis rappelé que j’avais un combat. À ce moment, je me suis retourné vers mon gérant et je lui ai dit : "Non! Ce n’est pas vrai! Je ne me suis pas fait knocker!?" Il m’a dit oui et le film de ma soirée est redevenu clair dans ma tête. »
Bossé se souvient de tout. Enfin presque. « Le moment où je suis revenu à moi dans l’octogone, je ne m’en rappelle pas. Même si j’étais conscient, j’estime qu’il me manque une dizaine de minutes », a admis le combattant dans une généreuse entrevue accordée à RDS lundi.
Un athlète fier adulé par un fidèle fan-club pour ses succès pugilistiques, d’abord au hockey semi-professionnel et ensuite sur la scène montréalaise des arts martiaux mixtes, Bossé n’avait jamais vraiment connu l’échec avant de tomber sous le coup de pied brutal de Thiago Santos à son premier combat à l’UFC. Vaincu sans avoir eu le temps d’offrir la moindre opposition, au moment où jamais autant de regards n’avaient été pointés en sa direction, on pourrait croire le « Boss » humilié, le moral à plat. Mais il n’en est rien.
« Même si c’est le dernier scénario qu’on souhaite, ça aurait pu être pire, dit-il sur le ton d’un homme qui a accepté son sort. Je le prends donc positivement, je crois que c’est la meilleure chose à faire. Je me dis qu’au nombre de fois où j’ai mis mes adversaires K.-O., je n’ai pas le choix de l’accepter quand ça m’arrive pour la première fois. »
La deuxième défaite de sa carrière n’ayant duré que 29 secondes, Bossé a eu le temps de la revoir en boucle. Contre la volonté de son gérant, c’est la première chose qu’il a tenu à faire en revenant à son hôtel après avoir reçu son congé de l’hôpital. « C’était violent, on ne se le cachera pas. L’UFC n’a sûrement pas fini de montrer la séquence. C’était spectaculaire! »
Santos, un champion national de muay thaï, a utilisé une stratégie plutôt simple pour surprendre un adversaire moins expérimenté. Après avoir semé la méfiance dans l’esprit de son rival avec quelques coups de pied bien placés au corps, le Brésilien a ajusté sa cible sans prévenir et a porté le coup fatal à la tête. Bossé a été critiqué pour avoir commis une erreur de débutant en relâchant bêtement sa garde.
« Le pire, c’est que ma main droite n’était pas si basse, se défend-il aujourd’hui. Ma gauche va toujours rester comme ça, j’ai un peu la même posture que Dan Henderson. S’il m’avait frappé du côté gauche, le monde aurait pu dire que ma garde était basse. Mais du côté droit, ma main était à la hauteur du menton. C’est simplement que le tibia a passé par-dessus. »
« J’ai toujours eu une énorme confiance en mon menton, poursuit Bossé. Je savais que ça pouvait m’arriver, mais je n’y pensais pas vraiment. Sauf que personne n’aurait pu rester debout après un pareil impact. C’était comme un coup de batte directement au visage. Ça a été fait à la perfection. »
Des encouragements de la confrérie
Bossé aurait peut-être eu plus de difficulté à surmonter cette épreuve s’il n’avait pas ressenti un appui immédiat de son entourage. Au déjeuner, au lendemain de sa défaite, son entraîneur l’a aidé à mettre les choses en perspective en lui faisant remarquer que Lyoto Machida, un autre perdant de la soirée, était reparti avec un nez fracturé et un passage obligé sur la table d’opération. « Moi, je n’ai même pas gardé de symptômes de ma commotion. Pas de nausées, pas de maux de tête », compare-t-il.
Bossé dit avoir eu la surprise à son retour à Montréal. Quand il a réactivé son téléphone cellulaire, il s’est aperçu qu’il avait reçu un message texte de Rashad Evans, avec qui il avait eu la chance de bavarder avant ses débuts dans la cage à huit côtés.
« Il voulait me dire qu’il était lui-même passé par là, que ça faisait partie du sport et qu’il voulait m’aider à remonter la pente. Je capotais! »
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L’ancien champion des poids lourds Frank Mir a aussi pris la peine de lui envoyer un mot d’encouragement par l’entremise de Facebook. « C’est impressionnant pour moi, le petit gars du Québec qui a toujours idolâtré ces gars-là. Aujourd’hui, ils veulent m’encourager parce qu’ils savent ce que je traverse », s’émerveille Bossé.
Ces petites attentions de la plume de ses pairs aident Bossé à oublier qu’il y a toujours deux côtés à une médaille. Pour chaque supporteur prêt à lui réitérer son appui, il y en a un qui n’attendait qu’une occasion de tourner le fer dans la plaie. Le compte-rendu de sa défaite dans ces pages a été commenté à près de 140 reprises, un chiffre qui n’avait pas été vu depuis les beaux jours de Georges St-Pierre. Certains l’ont traité de goon, d’autres de bum.
Quoi qu’il fasse, Steve Bossé ne laisse apparemment personne indifférent.
« C’est sûr que je goûte un peu à la médecine de la popularité, a-t-il pu constater. Disons que je comprends un peu plus ce que les joueurs du Canadien vivent quand ils en jouent une mauvaise! Mais je ne m’accroche pas à ça parce que je sais que dès que je vais gagner un combat, tout ce monde-là va me valoriser et être en arrière de moi. »
Un retour garanti... mais à quel poids?
Bossé n’est pas retourné au gymnase depuis sa soirée cauchemardesque. Par mesure préventive, son médecin lui a prescrit deux semaines de repos complet. Tout effort physique lui est strictement interdit. Après avoir profité de quelques jours de repos à Miami, il est revenu au Québec et a aussitôt pris la route du Saguenay pour rendre visite à la belle-famille.
Dix jours après s’être fait fondre jusqu’à 184 livres, Bossé en pèse 228. « C’est sûr que j’ai mangé un peu, je me suis gâté. Mais disons que mon poids normal, c’est 220, 225. »
Qui lui reprochera de s’être jeté dans les sucreries? Véritable montagne de muscles au meilleur de sa forme, il avait l’air d’un misérable chicot dans les jours précédant son combat. Il ne peut s’empêcher de rire quand on lui parle de cette photo qu’il avait lui-même publié sur les médias sociaux sur laquelle on le voit, entouré de deux membres de son équipe, flotter dans une camisole ajustée devenue beaucoup trop grande pour lui. « On dirait que je m’accrochais sur eux autres pour rester debout! », s’esclaffe-t-il.
Le colosse de Saint-Jean-sur-Richelieu est aujourd’hui capable de rire de cette expérience qu’il voit comme un défi qu’il a fièrement relevé. Ça ne veut toutefois pas dire qu’il est engagé à la répéter. « La coupe de poids, c’est mental, c’est atroce », soupire-t-il après avoir repris son sérieux.
Pas une seconde Bossé n’a envisagé la retraite, mais son premier combat chez les poids moyens pourrait bien avoir été son dernier.
« Je suis en réflexion, j’ai dit à mes entraîneurs que je pensais revenir à 205. Le soir du combat, je pense que j’aurais pu avoir l’énergie dont j’avais besoin. Mais la perte de poids, je l’ai trouvée difficile dans le dernier mois de mon camp. Les portions de nourriture étaient vraiment réduites et je sentais que je n’avais pas beaucoup d’énergie pour mes entraînements ».
À part quelques essais chez les lourds, Bossé (10-2) a disputé la majorité de ses douze combats professionnels chez les mi-lourds.
« À 205 livres, je suis dans une zone de confort. Je suis puissant et rapide pour la catégorie, c’est ça ma force. La recette était gagnante. Dans les prochaines semaines, je vais réfléchir à tout ça et décider quand et comment je vais faire mon retour. »
Par le biais d’un ami commun, Bossé a l’intention d’entrer en contact avec Étienne Boulay, lui-même victime d’une sévère commotion cérébrale à sa dernière saison avec les Alouettes de Montréal. Il veut aussi discuter du sujet avec un neurologue. Rien ne sera laissé au hasard avant que son retour à la compétition ne puisse être annoncé.
Ce retour n’aura assurément pas lieu à Saskatoon au mois d’août, confirme Bossé. La suspension médicale de 90 jours qu’il doit purger ne lui permettrait pas d’être prêt pour le prochain gala de l’UFC en sol canadien. Le mois de novembre semble un objectif plus réaliste. Un éventuel événement qui pourrait être confirmé à Calgary pour le mois de décembre serait encore plus logique. Et pourquoi pas contre Ryan Jimmo, ce compatriote qu’il devait affronter lors de ses débuts ratés à Québec il y a un an?
« C’est drôle que tu m’en parles, parce que c’est la première chose que Frank Mir m’a dite. C’est sûr que ça pourrait être bon... », imagine le bagarreur, déjà prêt à faire des plans.
« Je ne pensais pas qu’un tel K.-O. pouvait un jour m’arriver, même si c’est le risque du métier. Mais aujourd’hui, je peux dire que je sais c’est quoi et chaque fois que je remonterai dans l’octogone, je devrai faire face au risque que ça peut encore arriver. Je le vois comme un obstacle à surmonter. Je vais revenir fort et ça va montrer ma force de caractère. Ce n’est pas avec une grosse défaite que je vais abandonner. Je suis plus orgueilleux que ça! »