J’aurai eu à peine le temps de dire « ...et on roule à Abou Dhabi » que le titre de Lewis Hamilton était pratiquement dans la poche! Effectuant selon lui « le meilleur départ de sa carrière » pour voler la position de tête à Nico Rosberg dès les premiers tours de roue, Hamilton a offert une performance absolument sans bavure pour remporter sa 11e victoire de la saison et ainsi rafler, avec lustre et panache, son deuxième titre en carrière.

Certes, les malheurs techniques de Rosberg ont offert une belle quiétude supplémentaire à Hamilton, mais cela ne diminue en rien tout le mérite qui revient au champion. D’abord, l’allure de la course elle-même aurait dicté l’issue de la course au titre, sans même tenir compte des ennuis de Rosberg. Hamiton avait une avance au classement pleinement légitime avant même le lancement du dernier GP et la qualité de son pilotage au départ fut tout simplement supérieure à celle de Rosberg pour qui on ne peut, par ailleurs, qu’avoir une grande dose de sympathie, compte tenu de l’enjeu ultime qui prévalait à Abou Dhabi. La perte de puissance de son bloc propulseur constitue un accroc au parcours remarquable de Mercedes et on pouvait sentir une énorme compassion à son endroit de la part des dirigeants de l’équipe à la fin de l’épreuve.

Tout au long d’un parcours intense et exigeant, qui s’est amorcé brutalement par un abandon technique dès l’Australie, Lewis Hamilton a réussi à remettre son moral à niveau de façon constante. Il a appris à oublier les quelques déveines supplémentaires survenues en qualifications, il a appris à oublier rapidement ses rares erreurs en piste et il est sorti grand gagnant du coup douteux porté par Rosberg en Belgique. Si la direction de l’écurie Mercedes a agi avec discernement à l’issue de cet incident grave, mettant ainsi fin à la possibilité d’une escalade dangereuse, encore fallait-il qu’un des deux pilotes en sorte gagnant sur le plan mental. À ce chapitre, Hamilton l’a emporté indéniablement sur son coéquipier. Son expérience a joué un grand rôle, certes, mais il a su aussi puiser le bon encadrement chez ses proches et au sein même de l’équipe, incluant le grand patron Niki Lauda. Hamilton a su atteindre un niveau de maturité essentiel après avoir traversé les inévitables étapes du développement d’un champion. Mais sur la piste, Hamilton a aussi atteint un sommet sur le plan technique, ajoutant à sa feuille de route une capacité indéniable à gérer les situations de course. On le croyait exclusivement fonceur et « réactif ». Voilà qu’il nous a démontré aussi un étonnant côté calculateur, une capacité d’adaptation à différents genres de pistes et une énorme souplesse au niveau de son pilotage.

Avec 11 victoires en 19 courses et sans rien enlever à Rosberg qui a récolté 11 positions de tête, le titre de Hamilton possède donc tous les critères de crédibilité auxquels on puisse penser, y compris celui d’une compétition féroce offerte de la part de Nico Rosberg. À ce titre d’ailleurs, il faut saluer l’approche de Mercedes qui a laissé le terrain libre à ses deux pilotes pour qu’ils se livrent un tel duel. Il eut été facile d’intervenir pour favoriser l’un ou l’autre selon l’allure de la course au titre, mais l’écurie s’en est abstenue, ce qui l’honore.

Nous avons eu droit à un grand championnat, l’un des plus enlevants des 25 dernières années. Et nous pouvons aussi apprécier, en tant qu’amateurs de F1, le couronnement d’un grand champion!

Mes coups de coeur

Ce championnat 2014 m’a aussi procuré de nombreux coups de cœur. Il fut beaucoup question d’argent, de règlements, de politique, mais bien au-delà de tout cela, il y eut surtout de très belles histoires. Les trois victoires de Daniel Ricciardo, dont sa toute première à Montréal représente l’un des plus grands exploits de la saison. N’eût été une malheureuse disqualification, il serait monté sur le podium dès sa première course pour Red Bull, chez lui, devant ses partisans à Melbourne. Ricciardo a décroché la troisième place au classement des pilotes et il s’agit indéniablement d’une preuve éloquente de son immense talent. Il sera un digne successeur à Sebastian Vettel comme pilote principal chez RBR.

ContentId(3.1107288):Hamilton sacré champion du monde
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Sur un pied d’égalité, à mon sens, il faut souligner le retour spectaculaire à l’avant-scène de l’écurie Williams et l’éclosion de son jeune pilote, Valteri Bottas. Vous direz que le passage au moteur Mercedes fut au cœur même de ce revirement de situation et vous avez raison. Mais il y a plus. Claire Williams, la fille de Sir Frank, a pris le contrôle des opérations de l’équipe avec une vision plus contemporaine, plus objective. Elle a su dénicher les personnes compétentes aux niveaux cruciaux et elle a vendu l’idée à son comité de direction qu’une perte d’opération cette saison allait éventuellement se transformer en bénéfices accrus pour l’entreprise. Elle a gagné son pari! Quant à Bottas, ses six présences sur le podium constituent la plus belle preuve de son grand potentiel. Il est rapide, mais il est aussi constant, peu importe les circuits, peu importe les conditions.

Je donne aussi une bonne note à Daniil Kvyat, le « p’tit jeune » qui à 19 ans à peine, a mis Jean-Éric Vergne dans l’ombre chez Toro Rosso. Kvyat a fait le maximum avec une voiture au comportement inégal et son passage chez Red Bull dès l’an prochain est tout simplement inouï.

Je termine ce segment par une pensée à propos de Jenson Button. Le GP d’Abou Dhabi fut peut-être son dernier en carrière et je tiens à souligner mon appréciation malgré certains bémols exprimés à son endroit. Button est un excellent pilote et un être humain chaleureux à l’extérieur de sa monoplace. Il est apprécié unanimement par ses pairs, qui ont souvent vanté autant son pilotage de haut niveau que son comportement extrêmement propre en piste. Alonso l’a maintes fois raconté, du reste. Peut-être aura-t-il été un peu trop « gêné » d’exploiter constamment son merveilleux coup de volant. Parfois, il nous montrait des dépassements complètement fous, mais la plupart de temps, on le reconnaissait surtout comme un pilote capable de préserver ses pneus et sa monture. Ce qui n’est pas suffisant pour enchaîner les titres mondiaux. Il fut quand même champion du monde et personne ne peut lui retirer son exploit.

À la saison prochaine

Nous venons de conclure une 22e saison de F1 à RDS et je tiens à remercier mes collègues Christian Tortora et Bertrand Houle pour leur travail impeccable encore une fois. Même chose pour toute l’équipe de production qui déploie beaucoup d’effort pour nous rendre la vie plus facile sur le plateau. Je remercie aussi nos commanditaires ainsi que l’appui des dirigeants du Grand Prix du Canada avec qui nous avons développé une magnifique relation professionnelle au fil des ans.

Je tiens surtout à vous remercier, vous nos téléspectateurs, pour votre appui et votre fidélité. À chaque course, nous sentons votre présence avec nous et il s’agit d’un stimulant extraordinaire.

Rendez-vous donc à la mi-mars pour la nouvelle saison. À Melbourne, il y aura une McLaren à moteur Honda, avec vraisemblablement Fernando Alonso comme l’un des deux pilotes, il y aura Sebastian Vettel dans une Ferrari, il y aura un adolescent de 17 ans, Max Verstappen au volant d’une Toro Rosso, il y aura un moteur Mercedes dans les Lotus… Nous avons déjà hâte de vous retrouver!