Qui freinera Mercedes?
Formule 1 jeudi, 22 mars 2018. 09:16 jeudi, 21 nov. 2024. 09:54À l'orée de la saison 2018, à quoi s'attendre des dix écuries en lice? Un coup d'oeil sur les forces en présence.
Les trois grands
Mercedes
La W08 de l'an dernier a été qualifiée de « diva » par le patron de l'écurie, Toto Wolff. Elle pouvait s'avérer capricieuse, surtout sur les circuits lents. Lewis Hamilton a connu ses pires week-ends à Monaco et en Russie.
L'écurie a fait évoluer sa monoplace 2017 pour corriger ce défaut, sans changer le concept de base de la voiture, basé notamment sur un empattement long et des triangles de suspension avant très élevés. Les pontons, qui abritent les radiateurs, sont plus effilés, ce qui génère carrément un gain de 0,25s au tour selon l'écurie.
Par ailleurs, Mercedes est le seul motoriste à avoir fabriqué un tout nouveau groupe propulseur.
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Mercedes estime avoir gardé le même niveau de performance, sinon plus (on est près des 1000 ch), tout en assurant la fiabilité. On sait que le nombre de groupes propulseurs est limité à trois pour l'ensemble de la saison (et même deux unités pour certains éléments), contre quatre l'an passé. Un groupe propulseur doit donc faire sept Grands Prix.
On sait que Mercedes offre un avantage à ses pilotes en qualifications, en leur donnant la possibilité d'utiliser un mode moteur spécial pour un surplus de puissance sur un tour lancé en Q3, pour aller chercher la position de tête. On croit que ce surplus de puissance sera encore plus élevé cette saison.
Les motoristes sont aussi venus en aide à leurs collègues aérodynamiciens en construisant un groupe propulseur plus compact, contribuant ainsi à un train arrière très étroit, plus performant sur le plan aérodynamique.
En essais hivernaux, c'est Mercedes qui a accumulé le plus de kilométrage avec 4841,20 km (soit 1040 tours du circuit de Barcelone). L'écurie n'a même pas essayé de faire un temps canon en chaussant les gommes les plus tendres. L'écurie championne semble en confiance.
Lewis Hamilton est au sommet de son art. Valtteri Bottas devra rehausser son jeu d'un cran pour espérer rester chez Mercedes.
Ferrari
La Ferrari avait ses défauts l'an passé. À l'opposé de la Mercedes, c'est sur les circuits rapides qu'elle montrait ses limites.
Les ingénieurs ont donc travaillé sur cet aspect, notamment en allongeant l'empattement. On parle d'un accroissement de 128 mm, ce qui est énorme en F1.
La SF71H adopte aussi une partie de la philosophie Red Bull, avec une garde au sol plus élevé à l'arrière.
Il semble que Ferrari ait encore du travail à faire pour parfaitement exploiter ces deux nouvelles approches. Et rattraper Mercedes.
Sur le plan du groupe propulseur, Ferrari est convaincue d'avoir assuré la fiabilité qui avait fait défaut à quelques reprises l'an passé. Tout en gagnant un peu de performance, on parle de 10 ch. Autant que Mercedes? Et qu'en est-il d'un mode de qualif?
C'est Ferrari qui a signé le meilleur temps des essais hivernaux, mais avec la gomme hyper-tendre (une nouveauté cette année).
D'ailleurs, la Ferrari semble très à l'aise avec les gommes tendres, ce qui tombe bien car tous les pneus Pirelli seront plus tendres cette saison. Un atout pour la Scuderia?
Sebastian Vettel devra garder son sang-froid en tout temps pour éviter les accrocs comme ceux d'Azerbaïdjan, du Mexique et de Singapour l'an passé. Kimi Raikkonen va continuer de s'occuper de son nouveau compte Instagram.
Red Bull
L'écurie Red Bull est confiante d'avoir construit un autre excellent châssis. Mais l'écurie Red Bull est aussi consciente que sa performance sera limitée par son groupe propulseur Renault.
Le motoriste français a fait évoluer son groupe propulseur de l'an passé. Mais dans un premier temps, Renault veut assurer la fiabilité de son produit et éviter les nombreuses casses de la dernière saison (surtout chez Red Bull d'ailleurs).
Renault prévoit ajouter de la performance seulement avec les deuxièmes exemplaires de son groupe propulseur, qui apparaîtront en théorie lors du huitième Grand Prix de la saison (mais certains pourraient vouloir changer plus tôt, quitte à encaisser la pénalité prévue par le règlement soit un recul de 10 places sur la grille de départ).
Mais pour l'instant le groupe propulseur Renault accuserait encore un déficit de 40 ch par rapport au Mercedes.
Les pilotes Red Bull sont-ils pour autant démoralisés? Non. Max Verstappen espère que l'écart avec Mercedes, en début de saison, n'excède pas 0,5s au tour (ce qui semblait être le cas en essais hivernaux). Par son pilotage, par la capacité de l'écurie Red Bull à gagner la bataille du développement en cours de saison, il croit qu'il aura un rôle à jouer en cours de saison.
Verstappen (20 ans) va continuer d'assurer le spectacle. Daniel Ricciardo, en fin de contrat, va tenter de faire belle figure à côté du jeune prodige, afin d'être un sérieux candidat à un volant de qualité qui pourrait devenir disponible en 2019 (Mercedes ou Ferrari).
Une 4e place imprévisible
La bagarre pour la quatrième place au classement promet d'être dantesque!
McLaren
L'écurie McLaren va nécessairement terminer 4e. En effet, McLaren nous bassine depuis deux ans que sa voiture dispose du meilleur châssis de la F1, d'après les traces en virage fournies par les GPS installés sur les monoplaces. C'est le moteur Honda et lui seul qui expliquait le manque de performance.
Bien maintenant il n'y a plus d'excuses! McLaren a délaissé le groupe propulseur Honda pour un Renault. La comparaison sera directe avec Red Bull (qui, soyons honnêtes, va profiter de son expérience acquise avec le Renault) et l'équipe d'usine Renault.
Cela n'a pas bien commencé en essais hivernaux avec, notamment, une carrosserie qui prenait feu car trop resserrée sur le groupe propulseur, mais bon.
McLaren arrivera à Melbourne avec beaucoup de nouvelles pièces. Mais sans excuses.
Fernando Alonso va sûrement trouver un surcroît de motivation et Stoffel Vandoorne doit prouver qu'il mérite son volant.
Renault
De l'avis général, Renault a fait un bon pas en avant avec sa nouvelle monoplace. L'écurie a trouvé quelques astuces, dont des échappements soufflés (l'air chaud des échappements est directement dirigé vers l'aileron arrière à des fins aérodynamiques) qui ont suscité les regards suspicieux de la concurrence. Belle trouvaille avec l'arrière profilé des casques des pilotes.
Nico Hulkenberg et Carlos Sainz (23 ans), forment un solide duo.
Haas
La voiture la plus simple du plateau. Ce qui n'est pas un défaut si on l'exploite à fond.
La voiture a montré de la vitesse lors des essais hivernaux et pourrait connaître un bon début de saison avant de possiblement se faire distancer dans la guerre du développement.
Cette voiture, méchamment surnommée par certains la SF70H blanche (soit la Ferrari de l'an passé avec un changement de couleur), continue de disposer d'un moteur Ferrari.
Au volant, Romain Grosjean et Kevin Magnussen.
Williams
Depuis le début de l'ère du moteur hybride, en 2014, le design des Williams s'assoit sur le même concept aérodynamique, basé en grande partie sur une faible traînée.
Voici enfin un nouveau concept, à la suite de l'arrivée de Paddy Lowe (ex Mercedes) comme directeur de la technologie et de Dirk de Beer (ex Ferrari) comme chef aérodynamicien, qui sont partis à la recherche d'appuis aérodynamique.
Les essais hivernaux ont été difficiles. Lowe a avoué que la performance de la FW41 était limitée sur le plan de l'entrée en virage et de la stabilité. Mais il se déclare aussi confiant que la voiture a beaucoup de potentiel, qu'il faudra apprendre à exploiter.
Force India
L'écurie qui a terminé au 4e rang des constructeurs au cours des deux dernières années a participé aux essais hivernaux avec une voiture de transition. C'est seulement à Melbourne que l'on verra la véritable monoplace 2018. Donc impossible d'avoir une opinion éclairée sur la voiture que piloteront Esteban Ocon (21 ans) et Sergio Perez. Encore là un solide duo de pilotes.
Toro Rosso
C'est la lune de miel entre Toro Rosso et son nouveau motoriste, Honda. Alors que la McLaren-Honda de l'an passé éprouvait de la difficulté à aligner les kilomètres, la nouvelle Toro Rosso-Honda s'est classée au troisième rang à ce chapitre lors des récents essais hivernaux.
Mais soyons honnêtes : sur le plan de la performance pure, le résultat est plus respectable que remarquable.
Mais cela constitue un début prometteur, qui sera suivi de près par la maison-mère.
En effet, Red Bull arrive en fin de contrat avec Renault. Un moteur Honda revigoré pourrait s'avérer tentant pour 2019.
Pierre Gasly (22 ans) est dans la filière Red Bull et doit démontrer qu'il pourra un jour mériter une place dans la grande écurie. Il devra s'imposer face à Brendon Hartley, champion du monde 2017 de sport-prototype avec Porsche.
Sauber
La Sauber est une nette amélioration sur la voiture de l'an passé. Mais on partait de loin!
Après avoir utilisé un moteur Ferrari de la saison précédente, Sauber sera au niveau cette année avec le même groupe propulseur que Ferrari et Haas.
La Scuderia qui a d'ailleurs placé chez Sauber son grand espoir, Charles Leclerc (20 ans). Il sera accompagné de Marcus Ericsson.
Lance Stroll : une année cruciale
La saison 2019 sera cruciale pour Lance Stroll. Pas pour son avenir, assuré par un contrat de trois ans chez Williams.
Mais pour sa réputation.
Le jeune homme de 19 ans devra concrétiser ce qu'on a vu de bien chez lui l'an passé : un podium à Baku conquis avec un calme étonnant, un quatrième chrono sous la pluie en qualifications en Italie réussi avec une maîtrise absolue.
Mais il devra aussi améliorer ce qui l'a le plus handicapé l'an passé, soit sa performance sur un tour lancé en qualifications.
Stroll aura comme coéquipier Sergey Sirotkin (22 ans), qui constitue une inconnue comme référence, car il est difficile de bien évaluer son talent.
Son palmarès? Deux fois 3e en GP2, l'antichambre de la F1. C'est bien.
Les gens de Renault, qui l'ont fait rouler lors de quatre séances du vendredi matin l'an passé, ont eu de bons commentaires sur ses prestations. Mais s'il était si bon, pourquoi ne pas l'avoir signé?
Tout cela pour dire que Stroll doit absolument le devancer régulièrement.
Et tout cela va se dérouler dans l'ombre de Robert Kubica, nommé pilote d'essai alors qu'il espérait devenir pilote titulaire. On sait que le vainqueur du GP du Canada 2008 est handicapé par un manque de mobilité de son bras droit à la suite d'un accident de rallye en 2011. L'écurie déclare que Sirotkin était plus rapide que Kubica lors d'un test à Abou Dhabi après le dernier Grand Prix de la saison fin 2017. Vrai ou faux?
Sa présence va-t-elle semer la zizanie au sein de l'écurie? Ou Kubica va-t-il faire profiter de son expérience les deux jeunes pilotes de l'écurie?
Un plateau relevé
Sur le plan des statistiques, Mercedes va-t-elle décrocher un 5e titre consécutif, pour ainsi s'approcher de la Ferrari des années Michel Schumacher (1999-2004)?
Lewis Hamilton va-t-il décrocher un 5e titre, pour égaler Juan Manuel Fangio et s'approcher à deux de Michael Schumacher.
Ferrari va-t-elle décrocher un premier titre depuis 2007 (pilotes)/2008 (constructeurs)?
Sur le plan du spectacle, nous aurons l'occasion de voir l'un des plateaux les plus relevés de l'histoire de la F1.
Quels trucs de fou Max Verstappen va-t-il réussir pour nous épater à nouveau?
Qui n'a pas hâte de voir Fernando Alonso dans une voiture enfin compétitive?
Et tous ces jeunes aux dents longues?
Le halo
Ah oui, on verra sur toutes les voitures un truc que l'on a surnommé le halo. Une structure de protection pour la tête des pilotes.
Ceux qui n'aiment pas n'ont qu'à penser à Henry Surtees et Justin Wilson.
Ils peuvent aussi se rappeler que Heikki Kovalainen (enfoui sous des piles de pneus, Espagne 2008), Carlos Sainz (enfoui sous des barrières TechPro, Russie 2015), Fernando Alonso (qui a vu la Renault de Romain Grosjean atterrir sur le museau de sa Ferrari, tout juste devant sa tête, Belgique 2012), Kimi Raikkonen (qui a vu le plancher de la McLaren d'Alonso lui passer devant le visage, Autriche 2015), et combien d'autres ont été chanceux de s'en tirer indemnes.
Allez, on va s'y habituer.
On se souhaite une bonne saison!