Dans les deux sens du terme.

Renault a les jetons, Renault a peur. Peur de nuire à son image de marque en raison de ses mauvais résultats au Championnat du monde de Formule Un.

En conférence de presse en Malaisie, le 27 mars dernier, Cyril Abiteboul, le directeur général de Renault Sport F1, a même évoqué un éventuel retrait de la F1. « Je peux confirmer que nous étudions plusieurs options, y compris tout arrêter. Honnêtement, si la F1 devient néfaste à la réputation de Renault, si nous nous rendons compte que nous continuons à avoir des problèmes avec la formule actuelle, si les résultats ne sont pas à la hauteur de l'investissement... Nous pensons être un joueur crédible, mais il faut penser à ce que nous devons faire en plus pour rester au sommet. »

L’an passé, première saison d’utilisation du nouveau groupe propulseur de la F1 (V6 turbo et double système de récupération d’énergie), le Renault a souffert de la comparaison avec le Mercedes. Écart de performance estimé à 10% par Adrian Newey, le directeur technique de Red Bull. Soit plus de 60 ch. Ouch !

Tout au long de 2014, Renault a pu étudier/analyser ce qui ne fonctionnait pas sur son groupe propulseur, et (tenter de) trouver des solutions applicables pour 2015.

Mais pour l’instant, on ne remarque pas de progrès, bien au contraire. Non seulement le moteur manque encore de puissance, mais il manque aussi de souplesse. Dans sa version de Melbourne, les pilotes décrivaient l’arrivée de la puissance comme tout ou rien! Ce qui a été en grande partie corrigé dès la Malaisie.

En Chine, Renault a tenté d’extirper plus de performance de son groupe propulseur. Mais, on s’y attendait un peu, ce fut aux dépens de la fiabilité. Résultat : moteur cassé pour Daniel Ricciardo (Red Bull), Daniil Kvyatt (Red Bull) et Max Verstappen (Toro Rosso). Ricciardo utilisera à Bahrein son troisième moteur sur les quatre alloués pour l’ensemble de la saison (recul de dix places sur la grille de départ pour un cinquième moteur).

Pendant ce temps, Ferrari a considérablement amélioré son groupe propulseur, au point d’être tout près du niveau du Mercedes. Alors que l’écart était de 40 ch l’an passé.

Peut-on penser que le motoriste français va arriver à combler une partie de son retard? Peut-être.

Renault a les jetons (bis)

Renault a les jetons pour améliorer la performance de son groupe propulseur.

Explication.

Le règlement technique de la F1 prévoit que le type de groupe propulseur actuel doit être utilisé de 2014 à 2020.

Les motoristes de la F1 (Mercedes, Ferrari, Renault) ont dû faire homologuer un exemplaire de leur groupe propulseur avant le début de la saison 2014. Une fois cette étape franchie, interdiction de le modifier jusqu’à l’année suivante. Sauf, exception prévue au règlement, s’il s’agit d’une modification qui a pour seul but d’assurer une meilleure fiabilité, une meilleure sécurité ou une réduction des coûts. Pour éviter les abus (amélioration illicite de la puissance), toute modification souhaitée doit être approuvée par la FIA et par les autres motoristes.

Puis à chaque nouvelle saison, les motoristes ont le droit de modifier leur moteur afin d’obtenir de meilleures performances. Mais de façon limitée pour contrôler les coûts.

Un calendrier a été établi :

2015 48% du moteur peut être modifié
2016 38%
2017 30%
2018 23%
2019 5%
2010 5%

Pour quantifier aussi précisément le pourcentage de modification d’un groupe propulseur, la Fédération Internationale de l’Automobile a décrété que chaque groupe propulseur comprenait 42 éléments, puis a créé un barème de jetons pour chacun de ces éléments.

Ce n’est pas très compliqué :

- un piston vaut 2 jetons
- un vilebrequin : 2
- un système d’allumage : 1
- un système complet de récupération d’énergie cinétique : 5
etc., etc.,
pour un total de 66 jetons.

Donc, pour la saison 2015, la modification de 48 % d’un groupe propulseur signifiait qu’un motoriste pouvait « dépenser » 32 jetons de son choix.

Et ce, avant le début de la saison… c’est du moins ce que l’on croyait!

Devant la domination Mercedes, Renault et Ferrari avaient tenté, l’automne dernier, de négocier une entente à l’amiable. L’objectif : pouvoir « dépenser » à sa guise, tout au long de l’année, ces 32 jetons. Mercedes n’a rien voulu savoir.

Est alors intervenu un ingénieur extrêmement intelligent et rusé, que je vous ai présenté la semaine dernière : James Allison, le directeur technique de Ferrari.

En (re)(re)lisant le règlement, il a trouvé une zone grise.

Le règlement technique 2014 spécifiait qu’un motoriste devait faire homologuer son groupe propulseur au plus tard le 28 février 2014 et qu’aucun développement n’était permis par la suite en cours de saison. Pour 2015, le règlement stipulait que le groupe propulseur devait à nouveau être homologué, mais sans spécifier de date précise! Ce qu’Allison a décidé d’interpréter comme une absence d’échéance.

La FIA a été obligé de concéder qu’il y avait une zone grise, et de permettre aux motoristes d’utiliser les 32 jetons comme bon leur semble au cours de la saison 2015.

Début mars, la FIA a dévoilé le nombre de jetons utilisés par chaque motoriste avant le début de la saison :

25 par Mercedes
22 par Ferrari
20 par Renault

C’est donc Renault, avec 12 jetons de développement disponibles, qui a le plus de marge de manœuvre pour la suite de la saison.

D’où un espoir de pouvoir améliorer la situation.

Espérons-le, afin de voir les Red Bull et Toro Rosso venir se mêler sérieusement à la bagarre à l’avant du peloton.

N.B. pour souci d’équité, la FIA a accordé à Honda, qui débute dans cette nouvelle technologie, un nombre de jetons de développement pour la saison qui équivaut à la moyenne des trois autres, soit 9 jetons.