Lors de l'épreuve de Martinsville, Jimmie Johnson signait une cinquième victoire lors des six dernières courses tenues sur la plus ancienne piste du circuit NASCAR. Ce petit ovale d'un demi-mille offre toujours un excellent spectacle puisque les retardataires sont rapidement rejoints par les meneurs et qu'en plus d'avoir à résister à vos adversaires, vous devez gérer la circulation.

Il n'y a pas beaucoup de place pour 43 voitures à Martinsville et les dépassements n'y sont pas faciles. L'an dernier, c'était Denny Hamlin qui avait gagné. Le pilote de la Virginie voulait, plus que tout, remporter l'épreuve devant ses partisans et mettre un terme à une disette d'un an, lui qui n'avait pas visité le cercle des vainqueurs depuis sa victoire de l'an dernier sur le légendaire circuit.

Lui et Jimmy Johnson ont été dominants tout au long de la journée. Le triple champion avait repris la commande de l'épreuve à la suite du travail magnifique de son équipe lors d'un autre excellent arrêt aux puits. Lors de la relance suivante, Hamlin le surprenait et reprenait à son tour les commandes de l'épreuve. Mal lui en prit puisqu'à quelques tours de la fin, Johnson le bousculait pour filer vers la victoire.

Certains ont dit que la manœuvre du 48 était légitime, d'autres ont été frustrés du comportement du pilote le plus dominant des trois dernières années. Étonnement, Hamlin a dit après la course qu'il aurait fait la même chose que Johnson s'il avait été dans sa situation. Pour ou contre ce que nos voisins du sud appellent le « bump and pass »? Voilà la question.

En fait, Johnson a forcé le passage. Il n'a par contre pas éliminé son adversaire en l'envoyant dans le mur comme certains l'ont déjà fait. Mais cela justifie-t-il une telle manœuvre? Il est évident que Johnson ne pouvait dépasser proprement son adversaire. Les deux voitures étaient presque identiques dans leur comportement routier et roulaient les mêmes temps au centième de seconde.

Johnson n'a pas non plus frappé directement Hamlin à l'arrière pour le déstabiliser et lui faire manquer son virage. Il s'est infiltré à l'intérieur, là où il croyait avoir de la place. On a bien vu aussi qu'il a tenté d'éviter le contact en roulant même sur le vibreur. Ceci a eu pour effet de déstabiliser sa propre voiture, au point où il en presque perdu le contrôle.

Hamlin, de son côté, après une longue glissade a maîtrisé son bolide, mais n'a pas été en mesure de remettre la monnaie de sa pièce à l'agressif Johnson. Vous allez me dire qu'on a déjà vu pire. En F1, ce genre de manoeuvre n'est pas toléré. On sanctionne immédiatement un tel comportement. Au point où les pilotes hésitent souvent à se dépasser. Ce n'est certes guère mieux.

Les bousculades ont par contre toujours fait partie du monde du stock-car. Elles en ont d'ailleurs en partie fait le succès. Il ne faut par contre pas aussi oublier que tout ce qui monte redescend. Johnson devra surveiller ses rétroviseurs à l'avenir, lorsqu'il verra la voiture FedEx s'approcher de lui. Œil pour œil, dents pour dents, c'est la loi du NASCAR et en plus ça fait partie de la culture.

Pourtant Johnson n'a pas une réputation de pilote salaud. Il est en général assez propre. Finalement, si vous êtes un fan du 48 vous approuvez sans doute la manœuvre. Par contre, si c'est le 11 que vous supportez, vous vous êtes sans doute offusqué de la façon dont le dépassement a eu lieu. Une chose est certaine, Hamlin est rendu zen.

L'an dernier, il a même dit qu'il était beaucoup plus positif qu'avant, allant même jusqu'à dire qu'il avait enfin compris que la course est un sport de perdant puisqu'il n'y a qu'un gagnant et 42 pilotes déçus de ne pas avoir gagné. Il rajoute qu'il voudrait toujours terminer premier, mais qu'aujourd'hui il est heureux quand il a tout donné pour être dans le cercle des vainqueurs. Si par hasard ce n'est pas le cas, il n'en fera pas une maladie. Voilà, selon moi, une attitude bien sage, qui en rien fait de lui un perdant; bien au contraire. Quand pensez-vous?