MADRID - Au sein d'un cyclisme italien qui attend son prochain « campionissimo », Fabio Aru (25 ans) s'est posé en prétendant dimanche avec un premier sacre dans le Tour d'Espagne, confirmant ses aptitudes de grimpeur et ce caractère offensif susceptible d'enflammer les « tifosi ».

Pour le Sarde, ce triomphe a des airs de passage de relais avec son aîné Vincenzo Nibali, l'autre leader de la puissante et controversée équipe Astana. Avant de remporter le Giro 2013 et le Tour de France 2014, le « Squale » sicilien (30 ans) n'avait-il pas débuté sa moisson sur la Vuelta 2010 ?

Cinq ans plus tard, les courbes des deux Italiens semblent se croiser: quand Nibali a quitté sans gloire ce Tour d'Espagne, exclu pour s'être honteusement accroché à sa voiture, Aru y a conquis son premier succès d'envergure après deux podiums successifs sur le Tour d'Italie (3e en 2014, 2e en 2015).

En outre, sa fougue peut lui permettre de concurrencer Nibali dans le coeur des supporteurs italiens, qui attendent une nouvelle génération de ténors pour succéder aux Basso, Cunego, Savoldelli ou Simoni, mais surtout à l'icône Marco Pantani.

Avec son pédalage déhanché et ses attaques tranchantes, « Fabietto » se distingue d'ailleurs par son style offensif. Et son audacieux coup de force samedi pour ravir in extremis le maillot rouge au Néerlandais Tom Dumoulin devrait rester dans les mémoires.

« Le public a vu une belle bataille. Même si j'étais fatigué, j'ai fait de mon mieux », a commenté l'Italien au large sourire enfantin. « Parfois on gagne, parfois les résultats ne paient pas, mais il faut toujours continuer à se battre et c'est ce que j'ai fait. C'est un sport magnifique. »

Contador, son idole

L'offensive d'Aru et d'Astana sur un terrain de moyenne montagne, loin des schémas de course préétablis, a rappelé une autre étape mythique de la Vuelta, celle de Fuente Dé en 2012, qui avait permis à Alberto Contador de gagner la deuxième de ses trois Vuelta.

Ce n'est pas un hasard : Contador est l'« idole » de Fabio Aru, comme l'a reconnu le Sarde, qui lui a succédé dimanche au palmarès de la Vuelta après avoir été son dauphin au Giro en mai dernier. Et l'admiration est réciproque : « Je me revois en Fabio », l'a adoubé le Madrilène.

Au-delà de Contador, la filiation d'Aru pourrait aussi remonter jusqu'à Marco Pantani, grimpeur d'exception auteur du doublé Giro-Tour en 1998 avant d'être rattrapé par la justice et de décéder tragiquement en 2004. Il faut dire que le manageur sportif d'Astana est Giuseppe Martinelli, ancien mentor du « Pirate », et qu'à l'instar de Pantani, Aru est un grimpeur endurant et explosif.

Passé par le VTT et le cyclo-cross, ce fils d'un agriculteur et d'une enseignante n'hésite pas à enchaîner les sessions d'entraînement derrière un deux-roues piloté par sa compagne Valentina. Et après s'être installé à Lugano (Suisse), comme Contador et Nibali, Aru apparaît désormais comme leur possible héritier pour les années à venir.

« Mythique Fabio Aru, la Vuelta 2015 est à toi », s'est réjoui sur Twitter le chef du gouvernement italien Matteo Renzi, se faisant le porte-parole de milliers de « tifosi » qui attendent désormais d'Aru qu'il vise plus haut, sur le Giro comme sur le Tour de France.