Kyries Hebert aurait peut-être préféré le basketball au football
Alouettes mercredi, 22 nov. 2017. 15:47 jeudi, 12 déc. 2024. 00:01MONTRÉAL – S’il avait su, Kyries Hebert aurait peut-être préféré le basketball au football.
Hebert parle ici de son cerveau. Ou plus précisément, des dommages potentiels causés à son cerveau.
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À 37 ans, le redoutable joueur défensif des Alouettes de Montréal ne peut plus reculer, il a asséné et encaissé des milliers de puissants contacts sur les terrains universitaires, de la NFL et de la LCF. Mais l’Américain ne dispose que depuis quelques années de suffisamment d’informations importantes à ce sujet qui auraient pu faire dévier son train vers une autre destination.
« Étant donné que je pouvais choisir le sport dans lequel je voulais me diriger à l’université, j’aurais peut-être privilégié un contrat garanti au basketball », a admis Hebert au RDS.ca celui qui excellait aussi en athlétisme.
« Mais je ne l’ai pas fait et je suis fier de mon parcours. La machine à remonter dans le temps n’existe pas dans la vraie vie. Je me dis donc que la meilleure chose demeure de ne pas se soucier du passé, mais plutôt du présent en rendant le sport plus sécuritaire et de l’avenir en redonnant à ce sport », a-t-il poursuivi.
Déjà impliqué de manière concrète avec sa fondation, Hebert a annoncé cette semaine qu’il fera, à sa mort, don de son cerveau pour faire avancer la recherche sur l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC).
« Les réactions sont positives et les gens me souhaitent que ça n’arrive pas trop vite! Le football m’a procuré tant de belles choses. Je voulais aider la prochaine génération de jeunes qui choisira ce sport », a précisé l’athlète de six pieds trois pouces et 220 livres.
Hebert songeait à imiter les 2500 personnes qui confieront leur cerveau à la Concussion Legacy Foundation Canada depuis quelques années.
« Ça fait un certain temps que j’y réfléchissais, mais je me suis vraiment décidé en 2013 quand j’ai gagné le prix Tom Pate (contribution à la communauté et à son équipe). J’avais parlé à quelques personnes d’une fondation dédiée à ce sujet et je m’étais engagé à le faire. Je ne l’avais pas dit publiquement, mais je voulais qu’on parle plus de ce sujet en prévision de l’événement que j’organise cette semaine à Ottawa : Bash 4 brains », a expliqué le colosse.
Cette sensibilisation n’existait pas dans son enfance. Hebert a grandi en Louisiane où le football est comparé à une religion. Dès ses débuts, il a enfoncé le pied sur l’accélérateur.
« Je ne me suis jamais posé de questions sur les précautions. Je voulais simplement être le plus physique et le plus robuste sur le terrain. Je ne me souciais pas de mon corps. Il faut que ça change, les jeunes doivent être conscients des risques dès le début de leur carrière », s’est rappelé Hebert qui a été notamment influencé par le documentaire Head Games.
Reconnu pour ne jamais freiner ses ardeurs sur le terrain, Hebert a tenté de diminuer les risques en modifiant son approche. Mais, bien sûr, il n’était pas question de se dénaturer.
« J’ai essayé de me fier encore plus à mes épaules, mais les amendes de la LCF me rappellent encore à l’occasion que ma tête frappe parfois en premier. Ça me coûte une grosse partie de ma paie, mais il faut souligner que la LCF essaie d’améliorer les choses pour la sécurité des joueurs. Il faut absolument réduire le nombre de contacts et c’est pourquoi j’appuie les nouvelles mesures pour 2018 qui vont éliminer les entraînements avec équipement complet et ajouter une semaine au calendrier. J’en suis content, surtout pour un vieux qui amorcera sa 16e saison en comptant le niveau universitaire », a exprimé Hebert.
Le puissant cogneur n’affiche aucune peur sur le terrain, mais il ne peut que craindre les répercussions sur ses vieux jours.
« Je sais que ça va faire mal et que ce ne sera probablement pas toujours beau, mais le football a été si bon pour moi et ma communauté. Je dois beaucoup à ce sport. J’aurais souhaité connaître toutes ces informations quand j’étais jeune. J’aurais pu consciemment décider de risquer certaines choses de ma vie et prendre une décision éclairée. Il était trop tard quand j’ai su ce qui était en jeu », a témoigné Hebert qui a effectué 110 plaqués en 2017, son plus haut total en carrière.
L’ironie de voir Jim Popp et Marc Trestman en finale
Il y a une certaine ironie dans le fait que tous ces plaqués ont permis à Hebert d’être choisi le joueur défensif par excellence de l’Est dans le circuit canadien. Hebert représentera donc les Alouettes, jeudi soir, au Gala de la LCF et il sera opposé à Alex Singleton, le secondeur étoile des Stampeders de Calgary.
À son âge, Hebert ne peut qu’être ravi de cet honneur d’autant plus que ça survient malgré le congédiement du coordonnateur défensif Noel Thorpe durant la saison.
« Je suis très fier de représenter l’Est avec ce titre. Je ne croyais pas que ce serait possible après les changements effectués en défense. Mon rôle a changé du même coup. Je ne faisais plus autant de jeux, j’étais plus devenu un gars comme un autre dans l’unité défensive. Je suis vraiment content d’avoir réussi, mais je pense que mes probabilités de gagner se situent à 0%.
« C’est dommage parce que je croyais que c’était l’année que j’aurais pu avoir ma chance. Mais les congédiements sont arrivés et le tout a influencé ma saison », a admis Hebert qui comprend que l’objectif était d’aider l’équipe malgré les résultats peu convaincants.
L’ironie ne s’arrête pas là. Hebert participe à la semaine de la coupe Grey qui mettra en scène les Argonauts de Toronto qui sont dirigés par ses deux anciens patrons : Jim Popp et Marc Trestman.
« C’est vrai que c’est étrange, mais ce n’est pas une surprise. Ils ont prouvé qu’ils peuvent avoir du succès ensemble dans la LCF, ils l’ont fait à Montréal », a réagi Hebert.
Malheureusement pour lui, Hebert est arrivé à Montréal en 2012, deux ans après les championnats de Popp et Trestman dans la métropole québécoise. Il ne cache pas qu’il se rangera dans le camp des Argos qui se mesureront aux puissants Stampeders.
« Je vais encourager mes amis, mais pas parce qu’ils jouent pour les Argos. De plus, ce sont les représentants de l’Est donc c’est mieux ainsi. On ne veut surtout pas prendre pour les gars de l’Ouest », a-t-il conclu en faisant allusion à S.J. Green, Bear Woods et Mitchell White.