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RÉSULTATS

Dyslexique, Marc-Antoine Dequoy est un héros inspirant pour les jeunes

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MONTRÉAL – Qui aurait cru que Marc-Antoine Dequoy, qui a enflammé le Québec, avec son envolée oratoire à la coupe Grey, est dyslexique et dysorthographique? Récit de cet élève turbulent devenu une inspiration pour les jeunes.

À 29 ans, Dequoy est au sommet de sa carrière. Aussi doué à effectuer des interceptions que des entrevues, il possède ce charisme et ce naturel qui font de lui un ambassadeur exceptionnel des Alouettes. Et même un porte-étendard de renom pour la langue française et sa nation défendues avec vigueur sous l'émotion d'un championnat.

Marc-Antoine DequoyVoilà tout un paradoxe avec le garçon qui raffolait de son football avec les Vikings de L'Île-Bizard, mais qui détestait s'exprimer devant ses camarades de classe.

J'avais beaucoup, beaucoup d'énergie et, en classe, ça pouvait être dérangeant », a-t-il admis au RDS.ca avec un sourire qui nous fait déceler le côté tannant de son enfance.

Pour lui, le défi se dressait dans les cours de français et d'anglais. D'ailleurs, il n'oubliera jamais que sa mère l'a rapidement inscrit, très jeune, à des séances de tutorat après l'école.

« Ça ne me tentait pas, mais j'allais faire des cours. Le « se » ou le « ce », ça ne rentrait pas dans ma tête. C'était très difficile pour moi en français, mais je réussissais toujours à passer. Sauf que les efforts que je devais mettre, c'était toujours le double des autres », a raconté Dequoy au début septembre.

Pourtant, ses enseignants avaient plutôt tendance à croire, tout simplement, qu'il ne travaillait pas fort.

« Quand tu es mauvais dans quelque chose, tu perds un peu l'intérêt d'en faire. En français et en anglais, je voyais que c'était très difficile; ça me démotivait beaucoup. Dans ma tête, j'étais comme "Je ne suis pas bon de toute façon". J'avais un peu ce côté défaitiste face à ça », a ajouté Dequoy.

L'an dernier, durant une visite dans une école primaire, on avait entendu Dequoy se confier sur son cheminement scolaire ardu. Une révélation qui étonnait tellement il était doué pour écouter les enfants et leur parler.

Après leur avoir lancé des ballons, il avait même prolongé son passage pour échanger avec un jeune bien plus allumé par le football que sa classe. On déduit qu'il s'était un peu reconnu en lui.

À l'école secondaire, Dequoy a passé ses cours de français grâce au support d'un enseignant. « C'était tellement difficile en français que c'en était embarrassant pour moi. J'ai travaillé très fort, ça n'avait aucun sens, mais je voulais passer mon secondaire », s'est-il souvenu.

L'idée de décrocher aurait pu envahir sa tête.

« Ça ne s'est jamais rendu au point de décrocher. Mais j'ai déjà eu cette pensée que l'école, ce n'était pas fait pour moi », a mentionné le maraudeur des Alouettes.

Au Cégep, Dequoy a vécu toute la gamme des émotions. Après avoir coulé son cours de français plus d'une fois, le revirement de situation s'est enfin produit.

« Je parlais avec un coéquipier et il me disait qu'il avait des outils technologiques pour l'aider », a raconté le numéro 24.

Dès qu'il a pu, il a subi une évaluation spécialisée confirmant qu'il était dyslexique et dysorthographique.

« Après ça, j'ai eu les outils technologiques et je n'ai plus jamais échoué un cours. J'avais juste des difficultés qui me désavantageaient », a compris Dequoy.  

« J'ai été hyper chanceux d'avoir mes parents et ma mère qui a mis tellement d'efforts. J'avais le sentiment que je n'étais pas bon, ça ne me donnait pas le goût d'aller à l'école. Moindrement que j'aurais eu des parents moins présents, j'aurais pu abandonner », a poursuivi celui qui rend fière sa mère, décédée d'un cancer en 2022.

« Dans mon cas, ça m'a permis d'aller à l'université, réussir à me faire repêcher et vivre mon rêve », a évoqué le Québécois qui se réjouit que la détection soit plus précoce de nos jours.

Ce printemps, durant le camp d'entraînement à St-Jérôme, on a pu constater à quel point Dequoy avait la cote auprès des jeunes. Dans les gradins, ils cherchaient tous sa longue chevelure sur le terrain pour épier ses faits et gestes. L'humilité qu'il démontre à propos de son parcours académique devrait toucher la cible.

« Si je peux inspirer, je suis très content! Je pense aux jeunes qui vivent une situation semblable. Pour moi, c'était difficile de parler publiquement au début et je me disais "Mon Dieu, je vais avoir l'air stupide si je me trompe, si je cherche mes mots, si je dis un mot qui n'existe pas..." Je veux juste vous dire que c'est normal, c'est correct si tu te trompes. J'avais peur d'avoir l'air ridicule. Mais là, je suis ici et je suis moi-même. Je parle à ma façon et je veux montrer que c'est correct. Dis-toi que si tu travailles là-dessus, ça peut s'améliorer. Je l'affronte de pleine face et ce n'est pas toujours facile, mais je me dis que c'est pour le mieux », a témoigné Dequoy.  

Après chaque partie locale, Dequoy reste sur le terrain pendant près de deux heures. Comme d'autres joueurs l'ont fait auparavant – on se souvient notamment de Luc Brodeur-Jourdain – il est immensément généreux de son temps.

« Ce n'est rien pour le plaisir que tu peux faire à des jeunes », a-t-il justifié.

Avec ce qu'il a accompli sur le terrain, son audace de protéger le français et ce qu'il représente pour les partisans, jeunes et moins jeunes, on a osé employer le mot héros pour décrire son influence.

Ça le gêne un peu et il trouve les mots parfaits.

« Pour moi, le mot héros, on l'associe souvent à des choses extraordinaires. Mais c'est peut-être plus de faire des choses ordinaires de manière extraordinaire. Pis c'est comme ça que je me vois, je suis juste quelqu'un d'ordinaire qui s'applique dans les choses que je veux m'impliquer, des choses qui me tiennent à cœur. Je suis là pour être moi-même en mettant de l'avant mes défauts. Si des gens peuvent se reconnaître là-dedans et être inspirés, je dis mission accomplie », a conclu Dequoy avec toute une leçon de français.