Il faut en prendre et en laisser
Montréal Alouettes samedi, 21 juin 2014. 17:58 samedi, 28 déc. 2024. 13:34Je pense qu’on se rejoint tous aujourd’hui sur un point. Après la performance offerte vendredi soir par les Alouettes contre le Rouge et Noir d’Ottawa, on a tous hâte que la vraie saison débute enfin.
C’est difficile de tirer des conclusions pertinentes des matchs préparatoires. Devant des résultats peu convaincants, il y aura toujours des pessimistes pour prédire une saison de misère. Inversement, quand ça va bien, c’est sûr que certains vont se mettre à rêver à la Coupe. Mais dans les deux cas, l’histoire nous dit que ce n’est jamais une mauvaise idée de montrer un peu de retenue.
Je le dis souvent, le football est le sport d’équipe par excellence. Par contre, s’il y a un moment où ça devient un sport individuel, c’est bien pendant le calendrier pré-saison. Les entraîneurs veulent alors évaluer les joueurs qu’ils ont sous la main avec un plan de match élaboré en conséquence. En défensive par exemple – et c’est encore plus vrai pour les Alouettes –, c’est évident qu’on privilégiera plus souvent qu’autrement une couverture « homme à homme » pour voir si tel demi défensif est capable de suivre son receveur et de le couvrir adéquatement dans une situation donnée.
Une telle approche te rend très prévisible et l’adversaire, si ça lui chante, peut bien embarquer dans le jeu et se mettre à utiliser des stratégies qui sont plus difficiles à contrer, comme des tracés en croisé ou des obstructions planifiées. C’est en partie ce qui explique les succès du Rouge et Noir : quand on sait à quel genre de défensive on aura affaire, c’est plus facile d’obtenir des gros jeux.
C’est pour ça qu’il faut être prudent avant de tirer des conclusions.
J’avoue m’être moi-même fait prendre au jeu la semaine dernière lorsque les Alouettes ont rendu visite aux Tiger-Cats de Hamilton. Quand j’ai vu que Montréal s’était fait remonter en deuxième demie après avoir détenu une avance de 13 points, j’étais un peu découragé. Un paquet de mauvais souvenirs de la saison 2013 me sont revenus en tête. Qui a oublié l’avance de 24 points bousillée à Calgary? Ou le coussin gaspillé en Saskatchewan, le soir où Anthony Calvillo s’est blessé? Et cette déconfiture alors qu’on menait par 15 points contre Toronto?
Mais après un bref moment d’impatience, je me suis calmé et j’ai regardé le portrait avec lucidité. Après tout, les Alouettes n’avaient pas sélectionné des jeux dans l’optique de préserver une avance. L’objectif, c’était d’évaluer les membres de la tertiaire en les isolant contre un receveur de passes. Le quart-arrière des Ti-Cats, Jeremiah Masoli, s’en est bien rendu compte. C’est peut-être pour ça qu’il a soudainement eu l’air d’un héros!
Non, s’il y a une chose qui m’a chicoté de cette performance tiède contre une équipe d’expansion, c’est l’intensité démontrée par les joueurs des Alouettes. Je sais, je sais! Il ne faut pas s’énerver avec un match hors-concours, mais quand même... le football demeure un sport de robustesse, un sport où l’élément physique doit être présent. Là-dessus, les Alouettes m’ont laissé sur mon appétit. Je n’ai pas trouvé qu’ils avaient l’air d’une équipe très affamée. Au contraire, le Rouge et Noir était plus intense et a gagné la bataille physique.
Métamorphose souhaitée en attaque
Décortiquons ensemble le rendement de l’attaque, auquel il faut aussi ajouter quelques bémols.
D’abord, il est évident que les bouleversements survenus au milieu du camp d’entraînement – le départ de Rick Worman et la promotion imprévue de Ryan Dinwiddie au poste de coordonnateur offensif – ont fait tomber quelques grains de sable dans l’engrenage. Depuis son entrée en poste, Dinwiddie a apporté quelques modifications au livre de jeux, mais il ne peut pas tout changer non plus. À chaque jour, chaque semaine, il pourra tranquillement ajouter sa touche personnelle au système, mais pour l’instant, il faut garder en tête que le scénario n’est pas idéal.
La blessure subie par Troy Smith a aussi eu pour effet de ralentir l’évolution de toute l’unité. Le remplaçant de Calvillo n’a pas beaucoup d’expérience dans la Ligue canadienne et il ne peut pas se permettre de rater trop de précieuses répétitions à l’entraînement. Vendredi, le manque de synchronisme avec ses receveurs était flagrant.
Il y a eu du positif. Smith a bien protégé le ballon, n’étant victime d’aucun revirement. Sa mobilité a épaté aussi. Je pense notamment à une situation de « 2e et 10 » où il a été capable d’aller chercher le premier essai avec une course de onze verges. Sur une autre séquence où la protection était défaillante, il a été en mesure d’éviter le sac et en bout de ligne, il a complété une passe de 30 verges à Duron Carter pour un gain de... dix verges. Ça, c’est clair que c’est un jeu que Calvillo ne fait pas.
Par contre, le gros point négatif, c’est son manque de précision. Historiquement, chez les professionnels, Smith maintient un pourcentage de passes complétées qui tourne autour de 50 %. Comme par hasard, il a fini le match 11-en-22 contre Ottawa. Il ne faudrait donc pas s’attendre à ce qu’il se mette à compléter 70 % de ses passes du jour au lendemain.
Ses receveurs étaient souvent démarqués vendredi, mais les relais en leur direction ne leur laissaient aucune chance de réussir un jeu. Le pire dans tout ça, c’est que Smith n’a pas besoin d’être la précision incarnée. Avec des cibles comme S.J. Green, Brandon London et Duron Carter, il n’a qu’à envoyer le ballon dans un périmètre raisonnable et ils vont aller le chercher pour lui, ce sont des joueurs de basketball!
La séquence offensive qui m’a le plus fait suer, c’est la première du troisième quart. Les Alouettes n’avaient impressionné personne en première demie et je pense que Tom Higgins n’avait pas le choix de revenir avec ses partants au retour du vestiaire. C’était important de procurer à tout le monde de bonnes sensations avant d’amorcer la saison. C’est simple : on prend de la confiance, on est heureux et on se sent bien pour passer aux choses sérieuses.
On s’imagine que les gars se sont parlés un peu à la mi-temps, ont fait un examen de conscience, ont parlé des ajustements à apporter, se sont motivés comme il se doit. On s’attend à ce que ça clique! Du moins, on le souhaite...
Et qu’est-ce qui arrive?
Premier jeu : sac du quart. Deuxième jeu : temps d’arrêt. Troisième jeu : pénalité. Quatrième jeu : botté de dégagement.
Ça, pour moi, c’était désastreux. Quand Troy Smith a finalement quitté le match, comment pouvait-on dire « mission accomplie » chez les Alouettes? C’est ce que j’ai trouvé dommage. Sa sortie a laissé un goût amer en bouche. Les doutes subsistent.
Smith a participé à dix séries offensives et n’a mené l’attaque qu’à deux bottés de précision. Six points, donc. Sa plus longue séquence en terme de nombre de jeux : six. Sa plus longue séquence en terme de verges : 44.
En deux matchs préparatoires, l’attaque des Alouettes n’a réussi aucun jeu explosif. Pas une seule passe de plus de 30 verges, pas de course de plus de 20 verges. Je crois que c’est ce qui m’énerve le plus.
Le manque de production de l’attaque au sol est l’une de mes grandes déceptions jusqu’à maintenant. À Hamilton, on avait appelé 20 courses qui ont généré 43 verges. Contre Ottawa, ce fut 17 courses pour des progrès de 59 verges. Une opération aussi simple que la remise entre le quart et le demi offensif n’est pas toujours à point. La ligne à l’attaque ne réussit pas tous ses blocs. Parfois, le porteur manque tout simplement de vision ou de patience.
Il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là. Pour moi, c’est l’élément clé. Avec un quart-arrière qui, comme je l’ai dit plus tôt, peine à compléter la moitié de ses passes, l’attaque au sol doit être plus importante que jamais. Je ne dis pas qu’on va revenir aux grosses années de Mike Pringle, mais il faudrait peut-être davantage pencher de ce côté, parce que Troy Smith ressemble plus à Tracy Ham qu’à Anthony Calvillo!
Quand Calvillo parle d’« Ocho »
Un petit mot sur l’entrée en scène de Chad Johnson.
Ce qui m’impressionne le plus dans son cas, c’est que jusqu’à maintenant, il dit les bonnes choses et agit comme il se doit. Il est cohérent avec les prétendus motifs de sa présence à Montréal, c’est-à-dire qu’il est ici pour l’amour du football, pour terminer sa carrière selon ses propres termes. Et il travaille fort à l’entraînement. On attend toujours sa première crise et il ne se prend pas pour une vedette.
Pendant le match contre Ottawa, David Arsenault et moi avons eu la chance de nous entretenir avec Anthony Calvillo et il nous a un peu confirmé cette impression que me laisse le numéro 85. Il nous disait que Johnson avait gagné le respect du vestiaire, que ses coéquipiers l’appréciaient parce qu’il ne fait pas que lancer des belles paroles.
J’ai trouvé intéressant qu’un gars comme Calvillo, qui a encore ses entrées dans le vestiaire, y aille de telles affirmations. Personnellement, je pense qu’un joueur peut toujours endormir, d’une certaine façon, son coach. Il peut toujours masquer les faits et obtenir le bénéfice du doute. Mais j’ai toujours pensé que tu ne pouvais pas tromper tes coéquipiers de la sorte. Dans le vestiaire, les autres joueurs vont voir tout de suite si tu es un vrai ou pas. Tu ne peux pas les berner.
Ne reste plus qu’à souhaiter que cette attitude demeure. Jusqu’à maintenant, c’est tout à son honneur.
Pour ce qui est de sa contribution sur le terrain, il faut être réaliste. Johnson, qui a capté une passe de 13 verges à ses premiers pas en sol canadien, ne sera pas le receveur numéro un des Alouettes. Il ne brûlera pas non plus la LCF.
Plusieurs raisons m’incitent à faire cette prédiction.
1) Il doit apprivoiser une nouvelle ligue. Il est d’ailleurs le premier à le dire. Le football de la LCF est différent et il faut respecter cette différence. Johnson doit s’adapter à de nouveaux règlements et à un terrain plus grand, notamment. Une période d’adaptation est nécessaire.
2) Jusqu’à preuve du contraire, Johnson s’aligne comme receveur espacé du côté large du terrain. En terme de football, il occupe la position « Z », c’est-à-dire qu’il est toujours le receveur qui est placé le plus loin du quart-arrière au début du jeu. Juste ça, ça nous dit qu’il n’y aura pas beaucoup de ballons lancés en sa direction, qu’il sera le gars le moins visé par Troy Smith.
3) Les Alouettes devraient déployer une attaque plus équilibrée que dans le passé. Fini l’époque où on tentait 50 passes par partie. Le jeu au sol doit prendre une importance accrue, ce qui laissera moins d’occasions de briller à tous les receveurs de passe, y compris M. Johnson.
4) Finalement, comme je l’ai mentionné plus tôt, Johnson fait équipe avec un quart-arrière qui complète la moitié de ses passes. Johnson captera la plupart des passes qui arriveront sur son fameux numéro 85, mais elles ne seront pas en majorité.
Malgré tout, ça ne veut pas dire qu’il n’aura pas un impact important au sein de sa nouvelle équipe. Il va assurément attirer l’attention et créer de l’espace pour les autres. C’est un impact, seulement d’une façon différente.
C’est aussi clair qu’il va pousser ses collègues à performer. Tout le monde voudra se comparer à Chad Johnson et démontrer qu’il est aussi bon que lui.
Un avantage à Sean Whyte
Il y avait peu de batailles d’importance à surveiller au camp d’entraînement cette année, mais une des compétitions intéressantes avait lieu au poste de botteur. Au final, si les Alouettes désirent toujours en garder un seul, je pense que Sean Whyte sera l’élu.
Le plus gros avantage de Whyte sur le jeune Delbert Alvarado, c’est qu’on le connaît bien à Montréal. Les Alouettes savent qu’il n’est pas parfait, mais aussi ce qu’il peut donner. Avec lui, on ne s’en va pas dans l’inconnu.
Au niveau pro, tous les botteurs sont capables de botter le ballon. La différence entre le succès ou l’échec, elle se trouve entre les deux oreilles. L’an dernier, ce n’était pas l’amour fou entre Whyte et l’entraîneur des unités spéciales Ray Rychelski. Ça, ça peut affecter un botteur. Cette année, le positivisme apporté par Higgins, André Bolduc et Jean-Vincent Posy-Audette va peut-être créer une relation de travail plus productive pour tout le monde.
Ceci dit, je ne serais pas surpris qu’on garde Alvarado pas trop loin dans l’entourage de l’équipe.
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Les Alouettes commencent leur saison samedi prochain contre les Stampeders. Inutile de leur rappeler, je pense que tout le monde au sein de l’organisation est conscient qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.
À Calgary, on devrait avoir un affrontement entre deux équipes qui ne sont pas de bonne humeur. En tout cas, j’ose espérer que les Alouettes vont se présenter là-bas en prenant le mors aux dents.
Et les Stampeders, eux, viennent de se faire planter par les Lions de la Colombie-Britannique. Leurs deux quarts-arrières qui se battent pour le poste de numéro un, Bo Levi Mitchell et Drew Tate, ont lancé quatre interceptions et échappé un ballon.
Alors, quand on se compare, on se console?
Bonne saison tout le monde!