Le statu quo n'était plus acceptable
COLLABORATION SPÉCIALE
La première chose qui m'est arrivée en tête en entendant le congédiement de Khari Jones, c'est la conférence de presse à l'issue de la saison 2021. On s'attendait alors à avoir du changement puisque le directeur général Danny Maciocia a hérité de Khari Jones, car ce n'est pas lui qui l'avait amené à Montréal.
Lors de la conférence de presse, on avait finalement mis des choses au point. Il était question d'indiscipline, du manque de production offensive, du manque d'organisation et de planification. Les deux parties voulaient s'aider, mais force est d'admettre qu'après les quatre premiers matchs de 2022, les problèmes sont les mêmes et que ça ne pouvait pas continuer ainsi.
Les Alouettes affichaient les mêmes défauts et il fallait se poser la question pour un changement d'entraîneur. Si on observe les neuf derniers matchs des Alouettes, c'est une fiche de 1-3 en 2022 et de 1-4 en 2021. Deux victoires et sept défaites lors des neuf derniers matchs. Il y a des choses qui ne changent pas et on ne gagne pas plus de matchs même si on a une équipe talentueuse. On ne marque pas plus de points, on manque de créativité en attaque, il y a toujours des passages à vide et la défense en arrache pour faire des ajustements. Le meilleur exemple est au troisième quart contre les Roughriders alors que la Saskatchewan s'est mise à courir avec des ailiers rapprochés et que la défense des Alouettes n'avait aucune réponse.
Il reste encore 14 matchs et avec ces problèmes, je pense que c'est là que Danny Maciocia s'est dit qu'il ne pouvait pas accepter le statu quo. Ne rien faire voudrait dire qu'il accepte ce qui se passe présentement. Et ce n'était simplement pas acceptable. Je pense que Khari Jones a obtenu sa chance supplémentaire à l'issue de la dernière saison. Il ne faut pas oublier non plus qu'avec un nouveau propriétaire, les changements ont peut-être été retardés puisqu'il n'était pas intéressé à payer des entraîneurs à rien faire alors qu'il n'avait pas encore fait d'argent avec sa nouvelle équipe. C'est une décision qui n'est pas facile pour le directeur général, car personne n'aime dire à quelqu'un qu'il perd son emploi et il faut en plus convaincre le propriétaire que c'est la meilleure décision à prendre.
Avec la décision de relever Khari Jones et Barron Miles de leurs fonctions, l'équipe lance un message clair. Il y a du talent au sein du vestiaire et quand on ne performe pas avec du talent, tout pointe vers les entraîneurs. Khari Jones est une très bonne personne et ce n'est pas du tout un mauvais coach de football et évidemment personne ne souhaite un congédiement à quiconque. C'est le gagne-pain de ces entraîneurs-là. Il y a des familles derrière ça, des assistants, c'est un effet domino qui n'est pas plaisant pour personne. C'est un super sport le football, mais ce n'est pas une « business » qui est toujours facile. C'est difficile, mais si les Alouettes ne faisaient rien, c'était comme s'ils acceptaient ce qui se passait présentement.
Les trois prochains matchs sont contre des équipes qui ne revendiquent qu'une seule victoire après quatre semaines, peut-être que l'équipe aurait pu tourner les choses de côté, mais ça n'aurait possiblement fait que camoufler les problèmes. On serait arrivés à la deuxième semaine de congé au mois d'août avec les mêmes problèmes et il aurait fallu faire les changements à un stade plus tardif de la saison et l'équipe aurait commencé à manquer de temps. Je comprends que dans l'Est, seuls les Argonauts et les Alouettes ont une victoire, mais si on pense comme ça, on se concentre sur les mauvaises affaires.
Je n'ai pas vu les Alouettes progresser cette année comme une équipe doit progresser. Plus la saison avance, plus l'équipe doit s'améliorer et jouer du bon football. Une bonne équipe doit coller des victoires, est-ce qu'on a vu ça? Non. Il ne faut pas se contenter de penser petit et de se dire que dans l'Est ça peut passer. Il faut aussi penser à sortir des éliminatoires et se rendre à la Coupe Grey et gagner. Il ne faut pas oublier non plus qu'il n'y aura peut-être que deux équipes de l'Est qui participeront aux éliminatoires en raison du croisement des équipes de l'Ouest. Le sentiment d'urgence doit déjà être présent et il faut rapidement mettre fin à ces mêmes erreurs et ces mêmes comportements.
Un encadrement plus strict sous Maciocia
Quand Jones est arrivé en poste après le passage de Mike Sherman, il avait été un véritable vent de fraîcheur, il avait amené de l'énergie et du plaisir et on avait vu l'équipe se mettre à gagner des matchs et connaître une belle saison. On le voyait même danser, sautiller comme un boxeur sur les lignes de côté. Ce gars-là on ne le voyait plus cette saison et contre la Saskatchewan, en deuxième demie et dans les entrevues d'après-match, il semblait abattu, sans émotion, sans solution. C'est comme si plus rien ne fonctionnait pour lui. Il n'avait aucune réaction quand des joueurs prenaient des mauvaises punitions ou se faisait expulser, on dirait qu'il était déconnecté comme s'il savait dans sa tête ce qui s'en venait. L'image est flagrante entre le Khari Jones qui est arrivé et celui qu'on voyait maintenant. Il semblait l'homme parfait pour remplacer Sherman, mais force est d'admettre que sa recette ne fonctionnait plus.
De son côté, Maciocia a déjà été entraîneur et il a gagné la Coupe Grey avec Edmonton en 2005. Il a beaucoup d'expérience et il pourra aider immédiatement. Je crois qu'il sera beaucoup plus sévère que ne l'était Jones avec les problèmes d'indiscipline. Il y avait un certain laisser-faire et une certaine nonchalance, si bien que les Alouettes avaient parfois l'air d'un « country club ». Je ne sais pas s'il y a un sport professionnel où tu peux gagner dans ce contexte, mais au football c'est impossible. C'est un sport où il doit y avoir un haut niveau de responsabilisation. Si l'entraîneur-chef est trop gentil et qu'il laisse passer de l'indiscipline, des retards aux réunions, de la nonchalance ou qu'il est trop fin pour confronter un adjoint sur son plan de match, ça ne marche pas. Je crois que Jones n'avait peut-être pas la personnalité pour être entraîneur-chef.
On voit souvent des entraîneurs qui sont d'excellents adjoints ou d'excellent coordonnateur, mais qui ne sont pas de bons entraîneurs-chefs puisqu'il faut être capables de brasser et de dire la vérité. Sans être dans le vestiaire, Khari Jones avait l'air d'être un trop bon gars. Il faut que les choses fonctionnent au quart de tour dans un vestiaire, que les choses soient planifiées et organisées, que les plans de matchs et les ajustements soient solides.
En deuxième demie contre la Saskatchewan lors du dernier match, la défense n'arrivait même pas à faire les choses les plus simples contre le jeu au sol. C'est-à-dire d'avoir le bon nombre de joueurs dans la boite défensive, d'avoir des bons leviers et d'avoir les épaules à la bonne place. Les Alouettes avaient une panoplie de joueurs dans un même endroit puis le porteur bifurquait vers le périmètre où il n'y avait plus personne pour le plaquer. Le football est le sport où les entraîneurs ont le plus grand impact sur le résultat du match. Ce sont eux qui font des plans de match élaborés et qui te disent comment avoir l'air d'un bon joueur et qui font les ajustements. On les écoute et on leur fait confiance, mais c'est certain que si un joueur s'aperçoit qu'un coach n'a pas de réponse, il y a de la frustration qui peut monter. Sans être dans le vestiaire, c'est ce que je ressentais de la situation des Alouettes.
On a décidé de ne pas faire de changements après la saison 2021 en pensant qu'il y a des choses qui pouvaient changer. On a amené Anthony Calvillo pour que Jones puisse se concentrer sur ses tâches d'entraîneur-chef, de discipline, d'encadrement, de planification et d'organisation, mais ça ne semble pas avoir réglé les problèmes. Si c'est encore problématique et qu'on continue dans ce sens-là et qu'on pense que les choses vont changer d'elles-mêmes, c'est se cacher de la vérité. Les dirigeants sont payés pour prendre ces décisions difficiles et je ne peux que leur souhaiter bonne chance.
Il reste encore beaucoup de football et les Alouettes sont une équipe talentueuse qui sous performe et dans une telle situation, c'est écrit dans le ciel ce qui se passe dans ce cas-là et malheureusement, c'est la vie d'être entraîneur au football.
Propos recueillis par Guillaume Pelletier