Une sensation de déjà-vu pour les Alouettes à Calgary
Alouettes dimanche, 2 août 2015. 17:14 mercredi, 11 déc. 2024. 22:42Les partisans des Alouettes ont vécu samedi un sensation de déjà-vu en regardant leur équipe démarrer sur les chapeaux de roue à Calgary avant de tranquillement laisser leurs adversaires remonter la pente.
À leur dernière visite au Stade McMahon, alors que l’équipe était dirigée par Dan Hawkins, les Als s’étaient donné une priorité en apparence insurmontable de 24-0 tôt dans la rencontre, avant de voir les Stampeders puiser dans leurs ressources et l’emporter de manière spectaculaire, 38-27. C’est le même goût amer qui reste en bouche, celui de ne pas avoir capitalisé sur un départ canon.
L’instinct du tueur a manqué, et l’opportunisme aussi. Au lieu d’inscrire le majeur qui aurait pu anéantir les espoirs de retour des Stamps, on les a plutôt laissés revenir et, éventuellement, s’en sortir avec la victoire.
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Chose certaine, il n’y a pas de félicitations à adresser à l’unité défensive montréalaise. Avant cette partie, elle accordait en moyenne 13,8 points par match (si on retire les points concédés par les unités spéciales), ce qui est formidable. Samedi, elle en a alloué 25, près du double de ce à quoi elle nous avait habitués. Lors des quatre matchs précédents, la défense n’avait permis que six longs jeux (catégorisés comme étant ceux de 30 verges ou plus). Selon mon compte, elle en a alloué au moins quatre aux Stampeders samedi, dont deux longs touchés.
C’est donc plutôt décevant, particulièrement si l’on considère qu’on s’attendait à ce que le front défensif des Als puisse imposer sa volonté face à une ligne à l’attaque fragilisée. Techniquement, il s’agissait de la troisième unité des Stamps tellement les blessures se sont accumulées ces dernières semaines. Pire encore, un ennui de santé durant le match a coûté aux locaux leur bloqueur à gauche, ce qui a provoqué trois changements à la ligne offensive.
Malgré tout ça, le front défensif a été pratiquement réduit au silence. C’est plutôt frustrant pour la troupe de Tom Higgins, car c’était une occasion rêvée d’appliquer énormément de pression sur le quart-arrière Bo Levi Mitchell.
Deux sacs, mais une pression déficiente
Il est vrai que sur la feuille de pointage, les Als ont obtenu deux sacs du quart, mais dans une perspective globale, la pression n’a pas été assez soutenue. Lorsque de la pression a été générée, Mitchell réussissait à sortir de sa zone de protection et à gagner du temps supplémentaire pour rejoindre ses receveurs de passes. C’est pourquoi je dis souvent que les sacs, c’est un chiffre parmi d’autres. Il faut voir si la défense a rabattu au sol avec régularité le général adverse avant d’émettre des conclusions.
Si derrière tout cela la tertiaire se contente de couvertures en défensive de zone sur un terrain aussi grand que ceux des stades de la LCF, c’est une recette pour se faire découper par l’attaque. Et encore plus dans un contexte où un nouveau règlement t’empêche de toucher les ailiers espacés après cinq verges! Les seules fois où la pression s’est rendue à Mitchell de façon efficace, les demis de coin n’ont pas réussi une couverture suffisante.
Sur le long jeu aérien qui a précédé le premier touché de Calgary, leur quart a gagné quelques secondes avec ses jambes, permettant à ses receveurs de se détacher dans les zones profondes, et c’est ainsi que la tertiaire s’est fait avoir.
Les pénalités appelées contre la défense montréalaise n’ont pas aidé non plus. Je pense notamment à celle de Jonathan Hefney pour rudesse excessive, lui qui n’en était pas à sa première bévue du genre. On s’en est tiré sans accorder de points, mais le jeu a certainement influencé la dynamique du match en permettant à l’attaque des Stampeders de rester sur le terrain.
Il y a d’autres jeux – comme celui de Mitchell vers Eric Rogers sur 42 verges pour le majeur – qui sont carrément impossibles à stopper. Sur cette séquence, les Stamps ont tout réussi à la perfection. Je leur lève mon chapeau d’avoir démontré autant de combativité pour revenir de l’arrière avec une ligne offensive rapiécée et un porteur de ballon substitut. En dépit de ces absences de taille, les Als n’ont pas tiré avantage de la situation pour malmener Mitchell et le rendre nerveux de la même façon qu’ils l’avaient fait dans leur confrontation précédente, une victoire de 29-11 des Montréalais en juin au Stade Percival-Molson.
Revirements et manque d'opportunisme
On peut adresser quelques reproches à la défense, mais vous conviendrez tout de même qu’on ne peut pas lui demander match après match d’accorder entre 14 et 17 points. L’attaque va devoir faire le boulot à son tour, et c’était le genre de partie où elle devait soulever l’équipe. Dois-je mentionner que les Alouettes n’ont inscrit aucun point au tableau en deuxième demie? Il y a eu un manque d’opportunisme flagrant à quelques reprises.
Avant la mi-temps, on menaçait dans la zone payante, à la ligne de 16 des Stamps, pour finalement se contenter d’un placement de Boris Bede. Puis, vers la fin du troisième quart s’est produit le jeu marquant du match, l’échappé du receveur recrue Dobson Collins, qui semblait filer tout droit vers la zone des buts avant d’échapper le ballon à la ligne de 1. Et dans les derniers instants de la rencontre, sur un troisième essai et deux verges à franchir au 23 des Stamps, on a redonné le ballon aux Stamps, qui n’ont eu qu’à écouler le temps. Toutes des occasions gaspillées d’ajouter de précieux points au tableau.
Pour revenir à la gaffe de Collins, c’est très dommage car la série offensive des Alouettes avait été de toute beauté. Travaillant contre le vent, on avait écoulé plus de cinq minutes au cadran sur neuf jeux offensifs. Les secondes avaient été grugées au cadran grâce à du travail méthodique, notamment avec des courses en puissance de Tyrell Sutton et de Brandon Rutley, en plus de quelques courtes passes qui avaient fonctionné.
La recrue a protégé le ballon sans grande conviction. Je ne sais pas s’il s’imaginait seul sur le terrain, mais il a été très nonchalant. Les entraîneurs rappellent fréquemment à leurs joueurs de tenir le ballon haut et près du corps. Visuellement, le point de repère, c’est la hauteur du coude par rapport au poignet. Ce dernier doit être en tout temps plus haut que le coude, et c’est tout le contraire de ce que Collins a fait. Une erreur fondamentale et impardonnable, d’autant plus que de marquer sept points aurait assurément insufflé une nouvelle énergie à tout le club.
Ça s’est avéré facile pour Fred Bennett de lui faire perdre le ballon. C’est plutôt ironique car ce même Bennett avait réalisé un superbe jeu défensif dans ce fameux match de 2013 entre les deux équipes. Noel Devine semblait se diriger vers un touché facile sur un retour de botté d’envoi jusqu’à ce que Bennett, arrivé de nulle part avec un effort héroïque, lui fasse échapper le ballon. Décidément, la combativité de ce joueur fait très mal aux Alouettes!
En bout de ligne, la statistique qui a la plus grande influence sur le pointage, c’est-à-dire la bataille des revirements, a été défavorable aux hommes de Tom Higgins. Dans le duel précédent, les Als étaient ressortis avec un différentiel de +3. Cette fois-ci, ce fut l’inverse.
Après lui avoir laissé faire à peu près ce qu’il voulait dans la première confrontation, les Stamps ont rendu la vie plus difficile à Rakeem Cato. On disait à la blague que lors du premier rendez-vous, Cato aurait pu jouer avec une douzaine d’œufs sous les épaulières sans en casser un seul tellement il n’avait pas été ennuyé dans son travail. L’effort déployé et les ajustements apportés ont mené à une différence notable, quoi qu’au premier quart on croyait que ce serait une autre partie de plaisir pour Cato.
Bon, vous me direz que sur la feuille du pointage on recense un seul sac du quart pour les Stamps. Mais comme je le mentionnais, cette statistique ne fait pas foi de tout. Pendant trois quarts, la pression sur Cato a été incessante. Il a été obligé de précipiter ses gestes et de se débarrasser du ballon avec rapidité. À quelques reprises, il avait pratiquement l’air de Houdini tellement il devait faire des prouesses pour éviter d’être frappé. Bref, on l’a rendu moins patient, et incidemment, Cato partait plus vite de sa zone de protection.
Malgré les étincelles du premier quart, l’attaque n’a finalement marqué que 13 des 22 points de l’équipe (7 ont été ajoutés sur le retour de botté de Stefan Logan, et deux autres sur un touché de sûreté concédé en toute fin de match), ce qui est nettement insuffisant. On peut se consoler en se disant que les occasions étaient là, avant qu’on ne les bousille. Peut-être qu’avec le match sur la ligne, au 23 des Stamps, la donne aurait été différente si Sutton – qui connaissait de bons moments en deuxième demie – n’avait pas subi une blessure? On a plutôt opté, et ce, même s’il restait beaucoup de temps au chronomètre, pour une longue passe qui n’a pas trouvé preneur.
Les fameux matchs serrés
Quelles conclusions peuvent être tirées de ce match? La plus évidente est que les Alouettes devront apprendre à sortir gagnants de duels chaudement disputés. Des revers par quatre points contre Ottawa, par deux face à Winnipeg et maintenant par trois contre Calgary. Trois défaites par un cumulatif de neuf points!
Les plus optimistes diront que ces trois rencontres étaient à la portée des Alouettes, et qu’ils sont compétitifs match après match. D’autres diront qu’on devra prendre l’habitude de réaliser le gros jeu, que ce soit à l’attaque ou à la défense, afin de faire basculer la partie en faveur des Als.
Les bonnes équipes trouvent un moyen de gagner les matchs serrés. Les Stampeders en forment un exemple flagrant. Est-ce que la maturité entre dans l’équation? Possiblement. Les Als possèdent plusieurs joueurs capables de faire la différence, c’est ce qu’on doit retenir...
À travers tout cela, il ne faut pas perdre de vue que les Alouettes évoluent avec un quart recrue qui doit encore emmagasiner de l’expérience, avec ses quatre départs derrière la cravate chez les pros.
Finalement, souhaitons que l’équipe ne laissera pas cet incident de parcours installer le doute dans son esprit. Laisser filer une avance de 17 points, ça peut envoyer le message aux huit autres formations du circuit qu’on est vulnérable de ce côté-là. Il faut montrer de la force de caractère et s’assurer que ça ne revienne pas nous hanter plus tard durant le calendrier.
* Propos recueillis par Maxime Desroches