(RDS) - Lors de ma dernière chronique, j'ai dit que je vous parlerais du choix entre jouer au Canada ou aux États-Unis au niveau universitaire. Vous saurez tout ce que je pense à ce sujet, mais avant je veux vous parler des récentes performances des Dragons.

Je dois avouer que ça ne va pas très bien pour nous dernièrement. Nous avons perdu nos deux derniers matchs contre Rhin et Berlin. Nous avons été déclassés par le pointage de 31-3 contre Rhin. Ça commence à devenir désagréable de perdre de cette façon. Lors de cette partie, le temps était terrible : il a plu et venté tout au long du match. Personnellement, j'ai bien joué. J'ai réussi six plaqués... au moins un peu de positif dans la défaite.

Enfin partant

La semaine suivante, l'entraîneur a décidé d'apporter quelques changements à la formation dans le but de relancer l'équipe. Bonne nouvelle pour moi, j'étais utilisé comme partant pour ce match! C'était la première fois depuis mon départ de McGill que j'étais partant pendant un match. Finalement, ma patience a payé!!! C'était très excitant! Malheureusement, nous avons perdu 24-14 contre le Thunder. Encore une fois, j'ai bien joué. Je n'ai pas commis d'erreur et ma technique était parfaite, sauf que je n'ai pas réussi de gros jeux comme je l'aurais souhaité. C'était un match très difficile pour moi au niveau physique. La raison est simple : le gars que je viens de battre pour le poste de partant s'est blessé dans le premier quart et il ne restait plus que trois plaqueurs défensifs en uniforme.

J'ai donc été sur le terrain pour environ 60 jeux en défensive et je devais, en plus, effectuer les remises sur les bottés. Quand je suis sur le terrain pour les remises, je dois courir au moins 40 verges à chaque fois. À la fin du match, je n'avais même plus de "jus" pour me déshabiller! Nous avons dominé leur attaque au sol, mais leurs jeu aérien nous a fait mal. Le Thunder est une équipe qui passe rapidement et nous n'avions pas le temps d'atteindre le quart.

Je suis encore partant cette semaine. Le gars qui s'est blessé pendant le match pourrait rater la reste de la saison. Il se pourrait que l'équipe doive dénicher un nouveau joueur. Encore une fois, je m'attends à être très fatigué à la fin de la prochaine partie.

Jouer au Canada ou aux États-Unis???

Il y a quelques semaines, a eu lieu le repêchage de la Ligue canadienne de football. Peut-être avez-vous constaté que le tout premier joueur repêché, par les Renegades d'Ottawa, l'équipe d'expansion, fut Alexandre Gauthier, un joueur de ligne offensive du Rouge et Or de l'Université Laval. Un autre porte-couleur du Rouge et Or, François Boulianne, a été repêché en deuxième ronde (15e au total) par les Rough Riders de la Saskatchewan. En tout et pour tout, 29 des 54 joueurs repêchés proviennent du Canada, dont six dans la seule première ronde (l'année dernière, j'avais été le seul Canadien repêché en première ronde). C'est donc dire qu'il y a de l'espoir pour les joueurs qui jouent leur football universitaire au Canada. Je crois qu'il n'est pas nécessaire de s'exiler aux États-Unis pour espérer être repêché.

Il y a toutefois plusieurs joueurs québécois et canadiens qui décident de jouer leur football universitaire chez nos voisins du sud. Est-ce mieux de jouer ici ou aux États-Unis? Évidemment, ce n'est pas facile de répondre à cette question car il s'agit d'un choix très personnel de la part du joueur.

Avoir une réelle chance de jouer

Oui, peut-être que c'est plus facile d'être repêché quand tu évolues aux États-Unis, mais les joueurs doivent savoir qu'il y a tellement de joueurs au sud de la frontière que plusieurs d'entre eux n'ont pas une réelle chance de jouer et montrer leur talent. Si j'étais allé jouer aux États-Unis, je n'aurais jamais eu la possibilité de jouer autant que je ne l'ai fait avec les Redmen de McGill. Aux États-Unis, des gars qui ont la même taille et le même poids que moi, il y en a des milliers. Je pense personnellement que rester au Canada est la meilleure solution puisque les joueurs ont réellement une chance de jouer.

Comme je viens de le dire, un joueur canadien qui s'exile augmente ses chances d'être repêché. Plusieurs équipes professionnelles croient qu'un joueur qui évolue aux États-Unis pendant une seule saison est supérieur à un joueur qui a évolué cinq ans au Canada! On voit ça assez souvent. C'est la philosophie des équipes qui pensent que les joueurs sont mieux développés dans le système américain.

Les bourses

Il est toutefois faux de dire que le football universitaire canadien n'est pas bon. Il est très difficile de comparer les deux systèmes et la raison est assez simple : les bourses. Au Canada, il est interdit d'accorder une bourse d'étude à un étudiant pour qu'il joue au football dans une institution universitaire. On sait qu'aux États-Unis, le système des bourses est très répandu; c'est donc très facile pour eux d'aller chercher les joueurs de leur choix. C'est donc naturel s'ils trouvent de meilleurs athlètes. Aux États-Unis, il y a beaucoup d'argent investi dans les programmes de football qu'au Canada : il y a plus d'entraîneurs et plus d'infrastructures. Il devient donc plus facile de développer des joueurs de football. De là à dire que les athlètes qui jouent au Canada ne sont pas bons, il y a une barrière qu'il ne faut pas franchir.

Il y a plusieurs joueurs évoluant au Canada qui auraient le potentiel pour jouer dans la LCF mais qui n'y jouent pas. En raison de l'absence de bourses, les joueurs canadiens doivent travailler pour payer leurs études. Ils ont donc moins le temps de s'entraîner et ils n'ont pas le temps pour donner tout leur coeur au football. Probablement que si j'avais pu me concentrer plus sur le football pendant mon séjour à McGill (je devais moi aussi travailler), je serais encore meilleur aujourd'hui. Ça c'est quand même bien terminé pour moi, mais il y a probablement une centaine de joueurs des universités canadiennes qui sont aussi bons que moi, mais qui n'ont pas eu la chance de montrer l'étendue de leur talent.

Sens des responsabilités

Par contre, quand tu joues au Canada, on te force à développer davantage ton sens des responsabilités qu'aux États-Unis. Au Canada, quand tu fais tout pour le football, tu es laissé à toi même. Il n'y a personne pour te dire à tout bout de champ que tu dois bien manger pour performer, personne pour te dire quand t'entraîner. Ça nous permet donc de développer une meilleure éthique de travail et c'est un gros avantage lorsque vient le temps de faire le saut chez les pros. Ici, le coach ne passe pas derrière toi tout le temps pour te dire quoi faire. Si tu es habitué à ce mode de vie, tu n'auras aucune difficulté à t'adapter. Sinon, des problèmes de discipline peuvent survenir. Les joueurs américains les plus acharnés que je connaisse proviennent des petites universités américaines, c'est-à-dire les institutions où le système des bourses n'existe pas. Ces joueurs n'ont pas eu tout cuit dans le bec quand ils étaient à l'université. N'allez cependant pas croire que les athlètes provenant des grosses écoles ne sont pas acharnés et motivés...

Bien sûr, ça serait formidable s'il y avait des bourses pour les joueurs évoluant au Canada. Mais ça prendra plus que des bourses pour qu'il y ait plus de joueurs repêchés au Canada. Pour que la situation change réellement, plus d'entraîneurs et dépisteurs des rangs professionnels doivent venir voir les joueurs au Canada. Tu as beau avoir les meilleures bourses et les meilleurs joueurs du monde, mais si personne ne sait que le Canada compte plusieurs bons joueurs, la situation restera la même. Il doit y avoir plus d'efforts faits pour promouvoir les joueurs évoluant au Canada. Le football universitaire canadien est méconnu.

Il y a des joueurs talentueux au Canada

J'espère que ma présence et celle de Jean-Philippe Darche au sein du football professionnel ouvrira les yeux de certains dépisteurs. Espérons que ces dépisteurs se diront un jour : "Il y a beaucoup de bons joueurs au Canada, pourquoi ne pas les repêcher?". D'un autre côté, les joueurs canadiens doivent également se dire qu'ils ne sont pas obligés de s'exiler aux États-Unis pour être repêchés. Je serais vraiment heureux de voir plus de joueurs canadiens être repêchés par les équipes professionnelles. Je le dis et je le répète : il y a des joueurs très talentueux au Canada.

Mais avant d'être repêché, les joueurs doivent croire en leurs chances. J'ai côtoyé plusieurs joueurs talentueux à McGill qui ne croyaient pas en leurs chances d'être repêchés. De mon côté, j'ai toujours cru que je pourrais l'être. J'ai donc travaillé en conséquence et j'ai atteint mon objectif. Mais j'avoue que la situation est difficile... je connais des joueurs qui croyaient en leurs possibilités mais qui n'ont jamais été repêché car personne ne venait les voir jouer.

Je vais maintenant répondre à la question de Dom qui me demande à quoi ressemble nos entraînements en salle.

Tout d'abord, je dois indiquer que chaque équipe utilise son propre système. Quand j'étais à Jacksonville, on suivait un programme très complet et strict. À Dallas, le régime était moins complet et moins spécifique, ce qui m'a beaucoup surpris. Tout dépend de la philosophie de l'équipe. Il y a des équipes qui croient beaucoup à certaines techniques d'entraînement alors que d'autres formations y croient moins. Il y a aucune norme dans la NFL au niveau du conditionnement physique. Cela m'a également grandement surpris. Certaines équipes investissent peu dans leur programme d'entraînement. À McGill, j'ai suivi des meilleurs programmes de conditionnement qu'avec certaines équipes dans la NFL!

Personnellement, je crois beaucoup aux poids et haltères. Je m'exerce sur tous les types d'appareils, mais je ne dois jamais oublier les squats, le bench press, le power clean et le dead lift. Ce sont les meilleurs exercices et les plus importants pour un joueur de football. Si je n'ai pas beaucoup de temps pour m'entraîner, c'est certain que je vais faire ces quatre exercices. Contrairement à la croyance populaire, les biceps ne sont pas très importants au football. Pour cette raison, je ne passe pas beaucoup de temps à les développer.

Notez que les stéroïdes ne font pas partie de mon régime. J'ai aussi été surpris de constater à quel point l'utilisation des stéroïdes est peu répandue dans la NFL. C'est sûr que des joueurs font l'utilisation de ces substances mais ils sont minoritaires.

Il y a vraiment peu de choses à dire sur ma préparation d'avant-match. J'essaie de rester calme, j'écoute ma musique, et je récite mes prières. C'est tout. Quand c'est le temps d'embarquer sur terrain, je pars avec le botteur avant la reste de l'équipe. Après un trentaine de minutes, j'effectue des réchauffements avec mes coéquipiers de la ligne et c'est parti...

Si vous avez des questions sur ma chronique, n'hésitez pas à me les communiquer; je me ferai un plaisir d'y répondre.

Sur ce, bonne semaine et la prochaine.

Randy.