Malgré les records, Anthony Calvillo retient le côté humain
LCF mercredi, 22 mars 2017. 19:13 dimanche, 15 déc. 2024. 19:03MONTRÉAL – Depuis plusieurs mois déjà, Scott Flory garde le secret du cancer qui frappe son grand ami, Anthony Calvillo. L’émotion est donc à son comble alors qu’il ne reste que 26 secondes à écouler à la coupe Grey de 2010 et que les Alouettes mènent 21-18. En situation de troisième essai et quelques pouces à franchir, Calvillo quitte le terrain en demandant à ses coéquipiers d’aller chercher ce premier jeu pour confirmer la victoire.
Ce moment, Flory s’en souvient comme s’il venait de se produire. Dire qu’il était gonflé à bloc pour accomplir la demande de Calvillo constitue définitivement un euphémisme. Flory et ses partenaires de la ligne offensive ont pulvérisé le front défensif des Roughriders de la Saskatchewan et Adrian McPherson a complété le travail.
Le triomphe était dans le sac avec six petites secondes au cadran. Les Alouettes allaient remporter une deuxième coupe Grey consécutive et le Gatorade venait d’être versé sur l’entraîneur Marc Trestman. Calvillo a pu revenir sur le terrain pour avoir le bonheur de poser le genou au sol pour le tout dernier jeu de la partie et les célébrations ont pu se poursuivre.
Malgré tout ce que Calvillo a accompli sur le terrain, ce sont pour des moments humains (comme celui-ci) que Flory a tant aimé partager les 15 années de sa carrière avec le quart qui sera admis au Temple de la renommée du football canadien.
« Je me souviens aussi très bien du sentiment magique dans le vestiaire après notre premier championnat en 2002, surtout qu’on s’était retrouvé dans le camp des perdants deux ans plus tôt. Ce sont des moments inoubliables », a raconté Flory, le nouvel entraîneur-chef des Huskies de l’Université de la Saskatchewan.
Justement, Calvillo vivra un épisode fascinant de son parcours quand il sera intronisé au Temple de la renommée. Avec l’illustre carrière qu’il a connue, on pourrait parfois croire que sa nomination constituait une formalité à ses yeux.
« Le simple fait que tu me poses la question me donne la chair de poule », a réagi Calvillo dans un entretien avec le RDS.ca.
« J’ai toujours été humble et j’ai apprécié tout ce que j’ai pu avoir dans la vie. Il n’y a pas beaucoup de mots assez grands pour commenter cet honneur. Je m’assure donc d’être reconnaissant et humble », a ajouté Calvillo qui est originaire d’un milieu pauvre en Californie.
Père de deux filles de 11 et 9 ans, Calvillo réalise donc le privilège qu’il aura de vivre cette étape avec elles et sa femme.
« J’ai joué assez longtemps pour qu’elles puissent avoir des souvenirs de moi sur le terrain et c’était très important à mes yeux. Elles savent que leur père a joué longtemps, mais je ne crois pas qu’elles sachent que leur père s’est assez bien débrouillé », a confié l’ancien numéro 13.
« Elles ne comprennent pas encore tout à fait comment c’est important, mais elles vont le réaliser un jour. Ce geste va les aider à comprendre que c’était plutôt spécial comme reconnaissance », a-t-il enchaîné.
Lors de l’annonce de sa retraite, Calvillo avait rapidement été envahi par les émotions. Il ignore comment il réagira pour cet honneur, mais il sait qu’il pensera beaucoup à sa femme, Alexia.
« Elle est très excitée, comme n’importe quel joueur qui a un compagnon de vie, elle a vécu toutes les étapes avec moi incluant les hauts et les bas. Elle a aussi vu tout le travail qui a été investi », a noté Calvillo sur sa conjointe qui a également été frappée par le cancer.
Tout comme Flory, Ben Cahoon a été un témoin privilégié des exploits de Calvillo. Une lumière s’allume instantanément chez le receveur aux mains extraordinaires quand on évoque le sujet de la femme de Calvillo.
« Son rôle a été essentiel dans son histoire. Il a sans aucun doute gagné en maturité à partir du moment où il a commencé à la fréquenter sérieusement et il est devenu plus un professionnel. Ma femme a fait de moi un meilleur joueur de football et je pense qu’Alexia a accompli la même chose avec Anthony », a lancé Cahoon avec justesse.
Les statistiques ne mentent pas, la carrière de Calvillo a pris son envol en 2000 quand Alexia est devenue sa compagne.
« Il y a quelque chose de spécial d’arriver à la maison et d’avoir quelqu’un qui t’attend soit pour pleurer ou pour se réjouir. Elle devient un peu ton psychologue sportif », a ajouté l’un des préférés des partisans montréalais.
La journée d’intronisation sera également significative pour toute sa famille et particulièrement sa mère qui a hâte de faire le voyage pour l’occasion.
Une chance que Calvillo a choisi de continuer
Bien sûr, la nouvelle était aussi propice pour replonger dans ses souvenirs sur le terrain. Malgré tous les efforts effectués, Calvillo peine parfois à réaliser tout ce qu’il a accompli.
« Je remonte toujours à mes débuts, mes quatre premières années (avant d’arriver à Montréal). Je me rappelle d’avoir vu que Ron Lancaster était au sommet des passeurs avec plus de 50 000 verges (50 535) et qu’il avait joué pendant 19 ans. Je me demandais bien comment il avait pu faire ça! À ce moment, j’essayais seulement de trouver ma voie comme quart-arrière et comme meneur. Jamais dans un million d’années je n’aurais pu penser que je me retrouverais dans cette situation un jour », a déclaré le passeur le plus productif du football professionnel (79 816 verges).
Cahoon se rappelle d’ailleurs que Calvillo a failli stopper sa carrière avant les deux championnats de 2009 et 2010.
« Je me souviens d’une défaite très difficile au Stade olympique, je présume que c’était en finale de l’Est. On était dans le vestiaire et il était tellement découragé, presque déprimé. Il m’avait dit "Je ne sais pas si je peux continuer à faire ça". Heureusement, avec un peu de temps, il a réalisé qu’il voulait poursuivre sa carrière. Comme dans la vie, quand les beaux moments surviennent après les épreuves, c’est merveilleux », a confié Cahoon qui l’a incité à s’accrocher.
« Malgré nos trois championnats, on a vécu plusieurs défaites crève-cœur (dont cinq en finale). Tu essaies d’oublier celles-ci et de chérir les victoires. De plus, nos victoires à la coupe Grey ont été serrées et ça procure encore plus de soulagement et de joie », a avoué Cahoon.
Ces précieux championnats n’auraient jamais été envisageables sans Calvillo comme chef d’orchestre. Ceci dit, Flory et Cahoon ont également joué des rôles majeurs. Bien protégé par Flory, Calvillo a pu repérer Cahoon à plus de 1000 reprises. Véritable machine à attraper des ballons, Cahoon a épaté les amateurs si souvent.
Humble, Cahoon préfère retenir la relation bâtie avec Calvillo.
« Il n’y a pas un attrapé qui m’a plus marqué qu’un autre. Je me considère plus choyé d’avoir été son homme de confiance, j’étais SA cible, le gars qui réussit les gros jeux dans les moments importants. Je savais qu’il dépendait de moi et qu’il s’attendait à ce que je me libère », a exprimé Cahoon.
Les succès des Alouettes ont mené à des attentes extrêmement élevées des partisans. Plusieurs d’entre eux auraient sans doute tempéré leurs critiques envers AC s’ils avaient pu deviner le creux qui allait frapper le club après son départ.
Exigeant envers lui-même, Calvillo avoue qu’il n’appréciait pas toutes les critiques dirigées vers lui.
À lire également
« La première était légitime. C’est vrai qu’on avait perdu plusieurs matchs de la coupe Grey tôt dans ma carrière (1-5 avant de finir 3-5). J’aimais moins quand les gens disaient que je n’étais pas athlétique. Je ne courais pas beaucoup, mais je retirais beaucoup de fierté de tout l’entraînement que je faisais pendant la saison morte pour être capable de gagner quelques verges importantes. Je crois que les gens ont moins bien saisi cet aspect. Ils disaient que je n’étais pas aussi athlétique que Henry Burris ou Tracy Ham. Bien sûr, c’est vrai, parce qu’ils étaient dans une catégorie supérieure. Ce n’était tout simplement pas mon style », a-t-il admis.
Comme c’est la coutume dans le milieu sportif, ses coéquipiers le taquinaient sur ce sujet, mais il avait été en mesure de leur clouer le bec une fois en particulier.
« Je me souviendrai toujours de ce touché en Saskatchewan sur une course de près de 25 verges (22 verges, le 20 octobre 2012). On savait tous qu’il pouvait courir, mais il était tellement meilleur avec son bras et sa tête que ses pieds », a relaté Flory.
Calvillo ne commencera pas à se pavaner aujourd’hui en évoquant ses accomplissements. Sa source de fierté repose plutôt sur la durabilité de son efficacité.
« Ce qui me rend fier, c’est non seulement d’avoir pu jouer pendant 20 ans, mais de le faire à un niveau auquel j’étais vraiment satisfait et particulièrement dans mes six ou sept dernières années. Le fait d’avoir 35 ans et plus et de jouer à un niveau que je trouvais très bon était emballant pour moi », a conclu celui qui consacre maintenant son temps à la vocation d’entraîneur.