Le mérite aux entraîneurs
Football mercredi, 11 juin 2014. 16:21 mercredi, 11 déc. 2024. 21:02
MONTRÉAL - Pour être entraîneur, il faut avoir la passion de son sport. Au football scolaire, certains étaient tellement passionnés qu’ils dirigeaient bénévolement.
Mais c’était à une autre époque. Maintenant, on peut exercer le métier d’entraîneur de football au Québec et vivre sa vie convenablement.
La mentalité des programmes juvénile, collégial et universitaire a complètement changé par rapport aux rôles des entraîneurs au courant des années 2000. Si bien qu’aujourd’hui, toutes les universités du Réseau du Sport étudiant du Québec (RSEQ) ont un groupe d’entraîneurs rémunérés et à temps plein. Au collégial et au juvénile, la grande majorité des programmes emploient un entraîneur-chef 12 mois par année.
La qualité des joueurs s’en est fait sentir. On peut le voir dans les alignements des programmes universitaires alors qu’on y retrouve des joueurs de chacune des trois divisions collégiales.
Mais qui sont ces entraîneurs? Pour la plupart, ce sont d’anciens joueurs. D’ex-athlètes qui ont appris en regardant leurs propres entraîneurs.
Patrick Boies (photo à gauche) en est un bon exemple. Le Québécois a été un demi défensif avec le Rouge et Or de l’Université Laval de 1997 à 2001. L’année suivante, il devenait coordonnateur défensif au Cégep de Beauce-Appalaches. En 2006, il devenait l’entraîneur-chef des Élans du Cégep Garneau qu’il a conduit à deux titres de la division 1 en six ans. Il est maintenant le coordonnateur offensif des Redmen de l’Université McGill.
« J’ai fait mes études en intervention sportive dans le but de devenir entraîneur de profession. À partir de là, j’ai été un des chanceux qui a pu gagner sa vie avec ça au cégep. Quand j’ai commencé à temps plein, il n’y en a avait pas beaucoup dans la division 1. Maintenant, les programmes de division 1 ont tous des entraîneurs à temps plein ou presque », raconte celui qui est l’entraîneur-chef de l’équipe du Québec des moins de 18 ans qui participera à la Coupe Canada en juillet prochain.
« Les joueurs ont appris de leurs entraîneurs. Ils ramènent toutes les choses qu’ils ont apprises avec eux. Ils mettent leur propre touche là-dessus. Quand les gars peuvent redonner ce qu’ils ont appris, ça aide beaucoup pour faire grandir le sport », expose Brad Collinson, ancien joueur des Stingers de Concordia qui est maintenant responsable du volet scolaire et entraîneur des porteurs de ballon et des ailiers rapprochés à l’Université Laval.
« Quand tu regardes n’importe quel sport amateur, ce sont les pères et les mères qui s’impliquent dans les premières années. Au football, quelqu’un qui n’a pas les connaissances approfondies du sport ne peut pas amener les joueurs à des niveaux supérieurs. Donc, les joueurs qui ont joué au niveau universitaire (et qui deviennent entraîneur), ça rejoint un peu la recette qu’on retrouve aux États-Unis », explique Jacques Chapdelaine (photo à droite), qui commencera sa première saison à la barre de l’Université Simon Fraser.
La hausse des entraîneurs compétents à temps plein a permis de mieux former les jeunes et aussi de commencer leur développement plus tôt. En jouant du football organisé dès le secondaire, les joueurs débarquent au niveau collégial avec une bonne base, tant du côté technique que de la connaissance du sport, en plus d’être en meilleure condition physique.
« Les jeunes commencent beaucoup plus tôt. Ils sont mieux dirigés à un plus bas âge. Les intervenants ont une meilleure connaissance de la préparation physique. Les jeunes portent plus attention à leur corps. C’est beaucoup plus sérieux », relate Boies.
« Quand on a la chance de travailler avec les joueurs qui sortent du collégial, on réalise tout de suite qu’ils ont été bien dirigés et qu’ils ont une bonne tête de football. Ça devient tellement plus facile pour nous de les diriger », souligne le pilote des Carabins de l’Université de Montréal, Danny Maciocia.
Au bout du compte, le résultat est un meilleur produit sur le terrain. Les joueurs ne sont pas seulement de bons joueurs de football, mais ils acquièrent une éthique de travail et de la maturité. Il faut toujours se rappeler que ce sont des étudiants-athlètes. Le volet scolaire fait aussi partie du travail des entraîneurs, qui cumulent parfois le rôle de l’encadrement de ses joueurs sur le plan académique.
« On attend les joueurs après leur deux ou trois années au cégep et on commence à réaliser qu’ils peuvent avoir un impact dès leur première saison au football universitaire. Le mérite va directement aux entraîneurs collégiaux », vante Maciocia.
La volonté d’apprendre
Avoir joué au football collégial, universitaire ou professionnel n’assure pas à un ancien athlète une réussite en tant qu’entraîneur.
Comme tout métier, des formations s’imposent pour s’améliorer et pour en apprendre plus sur la manière de diriger, sur les techniques et aussi sur les exercices à utiliser lors des entraînements.
Les entraîneurs québécois ont toujours été très proactifs dans ce domaine. Ils n’hésitent pas à aller du côté des États-Unis ou chez des équipes de la Ligue canadienne pour parfaire leurs connaissances.
« Des entraîneurs, c’est comme des joueurs. Ils doivent faire des formations pour devenir de meilleurs entraîneurs. Le football change chaque année. C’est le même principe qu’un joueur qui s’entraîne. Les entraîneurs ont travaillé fort sur ce point », mentionne Collinson.
« Les entraîneurs veulent apprendre. Ils sont toujours en train de faire des formations et ils se déplacent dans des camps d’entraînement de la LCF ou des cliniques aux États-Unis. Quand tu as ce genre d’entraîneur qui veut continuer à s’améliorer, c’est sûr qu’il va apporter des idées à son programme et les joueurs vont en profiter », affirme Maciocia, qui est le seul entraîneur-chef québécois à avoir dirigé une formation championne de la coupe Grey.
Avec son ami – mais aussi rival – Glen Constantin (photo à droite) du Rouge et Or, Maciocia fait partie des vétérans entraîneurs québécois. Les deux entraîneurs de profession dirigent des joueurs de football depuis plus de 20 ans. En plus de former adéquatement de futurs professionnels, les deux hommes ont aussi transmis leurs connaissances à d’autres entraîneurs.
« Depuis les années 1990, des entraîneurs comme Glen Constantin, Marc Santerre, Ray Gagnon, Tony Adonna sont allés dans des cliniques comme aux universités Syracuse et Michigan. Ils ont pu transmettre des techniques et des exercices. Ils ont fait partie du développement des entraîneurs au Québec », croit Jean-Marc Edmé, dépisteur professionnel et universitaire avec les Alouettes de Montréal.
La guerre du recrutement
Les universités s’arrachent les meilleurs joueurs de la province. La période de recrutement est maintenant particulièrement féroce puisque chaque institution offre de bonnes conditions tant au football qu’à l’école.
La hausse des entraîneurs à temps plein est aussi reliée au recrutement. Au niveau universitaire, chaque formation possède un entraîneur responsable de ce volet, mais tout le monde est mis à contribution. Le recrutement occupe une bonne partie du travail des groupes d’entraîneurs puisque le programme est toujours à reconstruire année après année.
« Le recrutement est tellement crucial. La clé pour le succès est de recruter les meilleurs joueurs. C’est la raison pourquoi il y a plus d’entraîneurs à temps plein. Ils (les programmes universitaires) investissent dans le recrutement pour avoir les ressources permettant d’attirer les meilleurs joueurs », explique Edmé, ajoutant que le recrutement est aussi bien présent au niveau collégial.
« Mai est le gros mois pour le recrutement de l’année suivante. Tous nos entraîneurs ont fait le tour du Québec », lance Maciocia, qui a lui-même visité quelques cégeps et qui est impressionné par les installations en place.
Le souhait de tous
Dans un monde idéal, tous les entraîneurs recevraient un salaire à temps plein au niveau collégial. Mais ce n’est pas encore le cas. Mais le jour n’est peut-être pas si loin.
« Dans le futur, ce serait l’idéal que tout le monde soit payé. Au collégial, c’est une question de temps avant que les programmes aient plus d’entraîneurs à temps plein », croit Maciocia.
« Quand j’ai commencé, je ne gagnais pas ma vie en étant entraîneur. Ç’a pris du temps. Maintenant, avec toutes les écoles secondaires et collégiales avec des postes à temps plein, ça aide beaucoup », illustre Collinson.
Payés ou non, les entraîneurs collégiaux et juvéniles ont transmis leur passion du football à leurs jeunes joueurs. Aujourd'hui, plus d’entraîneurs peuvent vivre de ce métier. Et la qualité de ces derniers a fait en sorte qu’il y a plus d’athlètes québécois qui peuvent percer au niveau professionnel et qui vivent eux aussi de de leur sport.