Les blessures ne sont jamais réjouissantes, c’est indéniable.

À l’ère de la conscientisation à la sécurité des joueurs à long terme, la promotion de la santé est devenue un incontournable et la NFL, superpuissance dans le monde du sport professionnel, se doit d’être le phare sur lequel les autres ligues se repèrent.

Sauf que pour les Jets de New York, qui ont vu Mark Sanchez tomber au combat lors de la présaison, on parle peut-être ici d’un cas de « blessure heureuse » dans la mesure où l’infortune d’un individu, Sanchez, règlerait une partie de la problématique d’une organisation enfouie sous sa maladresse initiale et le poids des erreurs du passé.

Le divorce entre Sanchez et les Jets est inévitable – et la blessure du jeune quart pourrait précipiter les choses vers une conclusion souhaitée. La fin de la lune de miel est d’ailleurs de plus en plus évidente depuis la sélection de Geno Smith lors de la deuxième ronde du dernier repêchage.

Les Jets, par la bande, se réjouiront de l’absence de Mark Sanchez, même si la saison n’est pas rescapée pour autant. C’est un peu morbide de se réjouir d’une blessure de la sorte, mais la friction entre Sanchez et les Jets ne date pas d’hier.

Chronologie d’une catastrophe annoncée

En 2008, Mark Sanchez est propulsé sur la scène nationale à la suite d’une saison de rêve aux commandes de l’offensive des Trojans de l’Université de la Californie du Sud (USC). À sa première année complète à titre de partant, Sanchez a mené les Trojans à une fiche de 12-1 en plus d’une victoire triomphante lors du Rose Bowl contre les Nittany Lions de l’Université Penn State. Sanchez a d’ailleurs remporté les honneurs de joueur par excellence de la classique annuelle, cumulant 413 verges par la passe lors de la rencontre.

À l’aube du repêchage de 2009 de la NFL, Mark Sanchez a profité du retrait de quarts convoités comme Sam Bradford, Tim Tebow et Colt McCoy pour annoncer son intention de renoncer à sa dernière année d’éligibilité dans la NCAA afin d’amorcer sa carrière professionnelle. De ce fait, Sanchez est devenu le premier quart de USC à quitter l’école avant sa graduation depuis Todd Marinovich en 1990. Après Carson Palmer et Matt Leinart, Sanchez était vraisemblablement le prochain quart des Trojans à la mode aux yeux des dépisteurs.

Les Jets ont confirmé l’engouement en appelant le nom de Sanchez avec le cinquième choix global de 2009. Rang qu’ils ont d’ailleurs obtenu en transigeant avec les Browns de Cleveland, cédant un choix de 2e tour en plus de leur propre sélection au 1er tour. Deuxième quart du repêchage derrière Matthew Stafford, Sanchez devenait ainsi le premier quart sélectionné au premier tour par les Jets depuis Chad Pennington. Dans la réalité de l’ancienne convention collective entre la NFL et l’Association des joueurs, le cinquième rang de la cuvée octroyait à Sanchez un lucratif contrat de cinq ans et 50 millions de dollars, avec une rondelette somme de 28 millions en garanties.

Avant même de s’aligner derrière le centre pour la première fois, Sanchez devenait le joueur le plus payé de l’histoire de l’organisation. Un lourd fardeau pour un jeune homme qui a joué dans l’ombre d’une grande tradition dans la NCAA et qui n’avait tenu les rênes de l’équipe partante que pour une seule et unique saison.

Malgré toute cette pression, Sanchez et les Jets se sont rendus jusqu’à la finale de la AFC lors des deux premières saisons du jeune quart. Succès surprise pour plusieurs observateurs, les Jets n’utilisent pas énormément le bras de Sanchez, reposant plutôt sur un jeu au sol étouffant et une défensive contraignante. Dans ce contexte, Sanchez s’est imposé comme un jeune quart prometteur et opportuniste qui commettait les erreurs attendues d’un joueur en plein apprentissage. Avec 19 touchés et 33 interceptions lors de ses deux premières saisons, Sanchez se taille une niche frêle, mais convaincante.

Rex Ryan lui offre d’ailleurs un vote de confiance au début de la saison 2011, nommant Sanchez à titre de capitaine de l’offensive. C’était peut-être, avec le recul, le début de la fin pour Sanchez et les Jets.

Sanchez connaît ensuite un difficile début de saison, complétant moins de la moitié de ses passes lors des quatre premiers matchs. Les Jets se creusent un fossé avec une fiche de 2-3 et les roues commencent à tomber sous Sanchez. Les receveurs de l’équipe, notamment Plaxico Burress et Santonio Holmes, questionnent les stratégies employées en offensive et le blâme est souvent jeté sur les difficultés de Sanchez. La saison de misère se poursuit sous le signe de la tension, particulièrement du côté de Holmes, et les Jets sont sortis des éliminatoires pour la première fois depuis l’arrivée de Sanchez à New York.

Une réalité récurrente depuis.

En 2012, plusieurs rumeurs émanent de New York dans l’onde de choc entourant Peyton Manning et son départ d’Indianapolis. Rapidement écartés du « derby Manning », les Jets offrent une prolongation de contrat de trois ans à Sanchez, bonifiant sa bourse d’une vingtaine de millions de dollars garantis. Dans la foulée, les Jets rapatrient Tim Tebow.

Sans avoir la prétention de se mettre dans la chaise du directeur gérant de l’organisation, on peut quand même questionner beaucoup d’aspects de la relation entre Mark Sanchez et les Jets. Beaucoup trop d’aspects même. Cette prolongation de contrat, doublée du cirque de Tebow, est l’un d’entre eux.

Dans l’ombre de ces deux manœuvres discutables, la saison 2012 est à oublier à New York et s’en suit la venue de Geno Smith dans la Grosse Pomme et le départ de Tim Tebow vers on ne sait plus où.

La suite des choses

Mike Tannenbaum, le directeur-gérant des Jets qui a offert une prolongation à Sanchez, n’est plus un membre de l’organisation. Le président de l’équipe, Woody Johnson, a remercié Tannenbaum qui était avec l’équipe depuis 1997, succédant à Terry Bradway à titre de DG en 2006.

Les Jets bougent vers une direction différente et Mark Sanchez s’impose comme un albatros du passé.

Mark SanchezBlessé à l’épaule, Sanchez a vu le jeune Geno Smith lui ravir l’offensive et la confiance de Rex Ryan. Pour la saison en cours, Sanchez recevra 8,25 millions de dollars de la part des Jets. Il s’agit là des dernières sommes garanties de l’entente qu’il a conclue avec Tannenbaum. Sous contrat jusqu’à la fin de la saison 2016, les Jets n’ont cependant aucune obligation substantielle envers le quart s’ils décident de le libérer à la fin de la présente saison.

On peut déduire sans trop se tromper que les Jets choisiront de libérer Sanchez à la fin de la saison, évitant ainsi de lui verser un salaire de 11,5 millions en 2014 pour être le second violon derrière Geno Smith. Même si l’expérience avec Smith ne se développe pas bien, Sanchez est une commodité particulièrement dispendieuse pour une formation en pleine réinvention.

Mark Sanchez n’est pas le seul responsable des déboires à New York, mais sa présence n’est visiblement plus souhaitable là-bas. Les dirigeants s’ouvrent des portes de sortie, les coéquipiers sont de moins en moins patients et les partisans ont déjà installé le quart-arrière sur un bûcher.

À 26 ans, le temps est l’allié de Mark Sanchez qui pourrait se trouver rapidement un poste de réserviste dans la NFL, un rôle qui lui conviendrait probablement plus que celui de partant au cœur d’une des formations les plus observées par les médias américains. New York est une planète particulière et Sanchez a étiré son séjour jusqu’au point de non-retour.

Les blessures ne sont jamais réjouissantes, mais celle de Mark Sanchez tire un trait sur une saga qui traînait en longueur et qui aurait certainement fait couler encore beaucoup d’encre au cours de la saison.

Un mal pour un bien et dans le cas de Sanchez, on lui souhaite de ne pas trop sortir écorché de ce divorce inévitable.