Matthew Bergeron deviendra une inspiration en étant repêché dans la NFL
MONTRÉAL – « Après trois autres visites en Caroline, en Nouvelle-Angleterre et à Buffalo, j'aurai un Zoom avec Coach Tomlin », lance tout bonnement Matthew Bergeron comme s'il parlait d'une banale réunion virtuelle avec des collègues du bureau. L'humilité du travail bien accompli se ressent chez le Québécois qui pourrait être repêché dès la première ronde.
Depuis quelques années, mais encore plus au cours des derniers mois, l'ascension du « petit gars » de Victoriaville est fabuleuse.
« Sa valeur est en hausse à la suite du Combine, j'ai entendu son nom comme un choix surprise en première ronde », a publié nul autre que Mel Kyper, un analyste spécialisé du repêchage NFL.
Le 27 avril, le Québécois de six pieds cinq pouces et 320 livres découvrira si une équipe lui ouvre les portes de la NFL en première ronde. Sinon, il devrait être sélectionné, le lendemain, lors de la deuxième ou troisième ronde.
Bergeron fonce vers la NFL sur une courbe ascendante grâce à ses performances et ses qualités exposées dans les étapes déterminantes du Senior Bowl, du Combine et du Pro Day de son université (Syracuse).
Le tout s'est conclu avec le privilège d'être invité par plusieurs équipes de la NFL.
« Je réalise que ce n'est pas tout le monde qui a la chance de vivre ça et j'apprécie chaque moment. Quand j'ai la chance de visiter leurs installations et que je parle avec des entraîneurs qui iront au Temple de la renommée, c'est vraiment excitant », a confié, cet attachant jeune homme, à Didier Orméjuste et l'auteur de ces lignes.
Outre les Panthers, les Patriots, les Bills et ce Zoom avec l'entraîneur des Steelers, Bergeron a notamment fait des arrêts chez les Buccaneers, les Raiders et les Bears dans cette tournée enrichissante. Les équipes lui permettaient de rencontrer le psychologue sportif, le directeur général, l'entraîneur-chef, le coordonnateur offensif, l'entraîneur de la ligne offensive...
« Ça s'est fait naturellement et ils t'évaluent tous pour savoir si tu cadres bien avec eux. Tu peux être un bon joueur, mais si on t'ajoute dans le vestiaire et qu'on te donne des millions, vas-tu être capable de t'intégrer au groupe et promouvoir les valeurs de l'équipe? Ils veulent être convaincus qu'ils ajoutent une bonne personne à leur organisation », a résumé Bergeron.
Car ils ne font jamais les choses comme les autres, ce n'était pas étonnant d'entendre que les Raiders ont poussé la note plus loin. En trois heures, il a eu à apprendre l'équivalent de 25% d'un cahier de jeux de la NFL.
« Ensuite, tu as un examen et tu vas sur le terrain pour appliquer ce que tu as appris selon différents positionnements. Vu que je suis Canadien, les équipes se demandent parfois si mon QI football est assez bon pour bien jouer dans la NFL. Ça s'est vraiment bien déroulé », a décrit Bergeron.
Le processus a été si productif que l'athlète de 23 ans peine à identifier sa destination la plus probable.
« C'est drôle à dire, mais chaque fois que je sortais d'une rencontre, je me disais que cette équipe allait me repêcher et même chose à la prochaine », lance en riant le bloqueur à gauche.
Un processus réussi haut la main
S'il a effectué les visites sans être trop nerveux, le gaillard fort sociable a eu à gérer une grande dose de stress au Senior Bowl, ce rendez-vous d'une semaine pour les athlètes qui se dirigent vers le repêchage.
« J'étais vraiment stressé. Il y avait des gars qui essayaient de se prouver et je n'avais pas le plus gros nom à mon arrivée », a mentionné Bergeron alors qu'on soupçonne que la dose d'adrénaline devait être immense pour les confrontations individuelles.
« Ouais, c'est exceptionnel. Je n'étais pas essoufflé ou rien, j'avais de l'adrénaline partout dans le corps. Dans tout le processus, le Senior Bowl, c'est l'une des choses dont je suis le plus fier », a confié celui qui a même démontré qu'il pouvait s'adapter afin de jouer comme garde.
Il faut dire que Bergeron avait bûché fort avec son agence Rep 1 Sports. Il a pu se préparer avec plusieurs ressources dont Joe Staley, l'ancien bloqueur à gauche des 49ers de San Francisco, et Luke Kuechly qui était reconnu comme l'un des joueurs les plus brillants de la NFL.
« Sa façon de disséquer les films!, s'épate Bergeron. Sur chaque jeu, il savait qui tenterait le bloquer et c'est pour ça qu'il parvenait à faire ses jeux fous. »
Bergeron était aussi entouré d'athlètes comme Abraham Lucas et Spencer Brown qui ont vécu les mêmes étapes que lui dans les dernières années.
Surfant sur cette vague, le Combine a été une autre réussite. Ensuite, il a pu aborder l'audition du Pro Day à Syracuse de manière plus détendue ajoutant quelques tests d'agilité qu'il n'avait pas effectués au Combine.
« J'ai été le premier à passer et le seul joueur de ligne offensive. Il devait y avoir autour de 100 personnes qui me regardaient. Après ça, mes épaules ont relâché, j'avais fini toutes les étapes avec des tests », a admis Bergeron qui espère que tout ce boulot lui permettra de s'établir comme bloqueur à gauche, la position qu'il affectionne particulièrement.
Heureux de pouvoir inspirer les jeunes de partout
La NFL et la NBA ont réalisé, au fil du temps, que le Québec possède d'excellents athlètes pouvant briller au plus haut niveau. Au football, Antony Auclair, Laurent Duvernay-Tardif et Benjamin St-Juste constituent les exemples les plus récents comparativement à Chris Boucher, Luguentz Dort et Bennedict Mathurin au basketball.
Là où l'histoire de Bergeron se distingue, c'est qu'il a grandi dans une ville de moins grande envergure que Montréal.
« Oui, je veux exceller au foot, mais mon but numéro un, c'est inspirer la jeunesse au Québec. Les jeunes voient que c'est possible de réussir en venant de différents milieux. Benjamin et Laurent organisent des camps de football et ce serait un rêve pour moi d'en faire autant. Même s'ils ne se rendent pas dans la NFL, le foot est relié à l'école donc s'ils peuvent aller plus loin dans leurs études, c'est une victoire pour moi », a statué Bergeron qui remercie la communauté de Victoriaville pour son grand appui.
Bergeron est également reconnaissant d'avoir pu échanger quelques messages avec St-Juste et il a été touché par la vidéo de Duvernay-Tardif qui a été diffusée au Souper du maire de Victoriaville.
« C'était vraiment important pour moi parce que j'ai grandi en le suivant, il était le meilleur du Québec à un moment. Je le voyais comme the best foot player ever. J'ai son chandail des Chiefs chez moi », a prononcé Bergeron.
Éventuellement, ce sera son chandail que les jeunes vont se procurer. Reste à voir il sera à l'effigie de quelle équipe. C'est encore plus intrigant pour sa mère, sa sœur et ses deux frères avec lesquels il forme un clan tissé très serré.
« Ils ont hâte de savoir où je serai l'an prochain. Est-ce qu'ils devront prendre l'avion ou est-ce qu'ils pourront conduire pour venir me voir? Chaque fois que je reviens à la maison, c'est comme si rien n'avait changé, comme si je ne jouais pas au foot. Parfois, j'ai besoin de ça, de m'éloigner un peu du sport pour récupérer mentalement », a témoigné le grand frère qui prend à cœur son rôle de meneur dans la famille.
La plus grande embûche de sa belle histoire tourne d'ailleurs autour de la famille.
« C'était l'année COVID (en 2020). Je suis resté à Syracuse pendant 11 mois sans les voir, c'était éprouvant. J'étais partant, mais on a eu une fiche de 1-10 et on était en avant-dernière place pour les sacs alloués. En ce moment, les médias sont de mon côté, mais il y a trois ans, les médias de Syracuse n'étaient pas trop contents de notre ligne offensive. Je chéris ce souvenir, ça me sert de motivation », a-t-il évoqué.
Preuve de son appartenance à sa famille et sa région, il a choisi de vivre le repêchage entouré de ses proches à Victoriaville.
« J'ai hâte d'être avec tout le monde. Et peut-être que ma mère va pleurer, je ne sais pas, on va voir », a-t-il mentionné, amusé, et un peu ému, à l'idée d'y penser.