Accord PGA Tour - LIV Golf : l'année des longs couteaux

Les mariages heureux peuvent souvent se terminer en divorces houleux. Le contraire arrive toutefois très rarement. Mardi matin, l'annonce de la fusion des circuits de la PGA, du DP World Tour et de LIV Golf a renversé les tendances. 

La « guerre civile » du golf est donc terminée, à la surprise générale, après deux ans de tractations entre la PGA et LIV, une nouvelle ligue fondée il y a deux ans grâce à fonds publics provenant d'Arabie Saoudite.

« Après deux ans de perturbation et de distraction, c'est une journée historique pour le sport que nous connaissons et que nous aimons », a déclaré le commissaire de la PGA Jay Monahan dans un communiqué publié mardi matin. 

L'annonce de l'union des trois plus grands circuits de golf a pris de court toute la planète sportive, à commencer par les joueurs, qui selon leurs dires, ont appris la nouvelle en même temps que tout le monde. 

« J'aime apprendre les nouvelles du matin sur Twitter », a gazouillé Collin Morikawa, ironiquement. 

« Il n'y a rien comme apprendre sur Twitter que nous devenons les alliés d'un circuit après nous avoir dit que ça n'arriverait jamais », a pour sa part commenté le Canadien Mackenzie Hughes. 

« Je suis curieux de savoir combien de personnes connaissaient l'existence de cette entente, s'est questionné Michael Kim, joueur du circuit de la PGA. À peu près 5 à 7 personnes? Une organisation dirigée par les joueurs, vraiment? » 

« C'est de la folie, a déclaré un autre joueur du circuit à ESPN. LIV n'allait nulle part. Ça ne fonctionnait pas. Maintenant, on leur jette une bouée de sauvetage? Est-ce que la morale de l'histoire, c'est de toujours prendre l'argent? » 

Choqués, confus, dégoutés ont été certains des mots employés par des joueurs sous le couvert de l'anonymat, selon le journaliste Daniel Rapaport de Bartstool Sports.

De l'autre côté de la médaille, on retrouve notamment Phil Mickelson, qui a été la première grande vedette du golf mondial à s'engager avec LIV Golf. 

Lefty a réagi ainsi sur les médias sociaux : « Une merveilleuse journée aujourd'hui ».

Après avoir signé un contrat de 200 M$ avec LIV, Mickelson accomplit la mission qu'il s'était donnée en quittant le circuit où il a gagné 45 fois. Grâce à ses manœuvres, le visage du golf est modifié et il s'est assuré que les meilleurs golfeurs deviennent plus riches que jamais.

À l'image de Mickelson, plusieurs golfeurs ont empoché le magot et reviendront vers la PGA avec un statut identique à ceux qui ont décidé de rester, à quelques millions de dollars de différence près dans leurs comptes de banque. 

La réaction des golfeurs qui sont restés fidèles au circuit de la PGA n'a rien d'étrange. Plusieurs d'entre eux ont refusé des sommes mirobolantes de LIV pour rester au sein du circuit de la PGA pour des raisons comme le respect des droits de l'homme, la protection de l'héritage et de l'intégrité du golf et le respect de son histoire. 

Le premier en tête de liste, c'est Rory McIlroy, qui selon ses propres dires, s'est « épuisé mentalement et physiquement » en faisant la défense du circuit de la PGA et en attaquant publiquement certains des joueurs qui ont choisi de quitter. 

Lors de l'été 2022, McIlroy et Monahan sont souvent apparus ensemble, tel des alliés, pendant que le commissaire jouait clairement un double-jeu. 

Un an plus tard, c'est Yasir Al-Rumayyan, le gouverneur du Fond d'Investissement Public de l'Arabie Saoudite (PIF), qui apparaissent main dans la main avec le commissaire dans le but « promouvoir et de développer le jeu au niveau mondial au bénéfice de toutes les parties prenantes, tout en mettant fin aux litiges » qui opposaient les deux organisations. 

L'argent, encore plus d'argent

Entendons-nous, les principales raisons qui motivent cette fusion, c'est à la fois l'argent et l'influence. 

D'un côté, le circuit de la PGA, en s'associant avec le PIF, se dote de moyens financiers quasi illimités pour assurer la pérennité de ses joueurs, mais surtout de ses partenaires financiers. 

De l'autre, le PIF et l'Arabie Saoudite avancent dans la mission d'accroître leur influence planétaire en permettant à ses tentacules de toucher de nouveaux milieux, hautement lucratifs, particulièrement aux États-Unis et en Europe. 

Tout ça apparait très logique... si on ignore complètement les sorties publiques de Monahan au cours de la dernière année. 

« Il faut vivre sous une roche pour ignorer ce qui se passe en Arabie Saoudite », déclarait le commissaire, il y a un an, quasi jour pour jour. 

« Mon coeur est avec tous ceux qui ont perdu des êtres chers », avait déclaré Monahan en faisant référence à un groupe de victimes du 11 septembre 2001 qui s'est insurgé publiquement contre la création du circuit LIV. 

« Avez-vous déjà eu à vous excuser pour être un membre du circuit de la PGA? », avait ajouté Monahan en parlant des joueurs qui considéraient passer au sein de la nouvelle organisation.

Au cours de cette dernière année, Monahan a fait des pieds et des mains pour changer le visage du circuit de la PGA, en créant les évènements désignés, en bonifiant les bourses et en faisant de son circuit, un circuit « dirigé par les joueurs, pour les joueurs ».

Un an plus tard, il effectue un volte-face complet, passant du statut de héros à vilain aux yeux de plusieurs dans le temps d'une annonce qui révolutionnera le monde du golf professionnel.

Fin des chicanes

Avec l'annonce de cette entente vient la fin des batailles légales entre LIV et la PGA. 

Plusieurs joueurs qui avaient joint la LIV s'étaient lancés dans une poursuite contre la PGA en stipulant que l'organisation utilisait son monopole pour empêcher la compétition et la concurrence. 

En contrepartie, la PGA avait répondu avec ses propres poursuites contre LIV parce qu'ils avaient négocié des contrats avec des joueurs qui possédaient déjà des ententes avec le circuit de la PGA. 

Dans son communiqué, Monahan a parlé d'un « processus compliqué » pour réintégrer les joueurs dissidents qui avaient quitté le circuit. Pourtant, il y a de ça quelques jours, il était complètement impossible d'imaginer leur retour. 

Pour faciliter la réinsertion, les premiers échos font état d'une pénalité qui serait payée par les joueurs de LIV pour revenir au sein du circuit de la PGA. Peu importe le montant, cette pénalité ne risque pas de faire oublier aux joueurs ayant refusé de rejoindre le circuit dissident qu'ils ont, pour certains, laisser plusieurs dizaines de millions sur la table.

Une suite intrigante

Au niveau compétitif, le concept de jeu par équipes amené par LIV Golf, devrait être intégré à certains évènements dès 2024, alors que le circuit de la PGA et LIV achèveront leur saison 2023 telle que prévu. Reste à voir quels évènements seront affectés et si le format des tournois sera modifié.

Le grand oublié de cette annonce, c'est le commissaire de LIV Golf Greg Norman, qui ne voyait pas son nom figurer sur le communiqué officiel. 

Al-Rumayyan a déclaré lors d'une entrevue conjointe avec Monahan à MSNBC mardi matin que Norman venait tout juste d'être mis au courant de la fusion. À première vue, ça n'annonce rien de bon pour lui. 

Quand tout sera plus clair, les partisans seront probablement bien servis par cette fusion. Les meilleurs joueurs vont de nouveau compétitionner les uns contre les autres, pas seulement dans les tournois majeurs, et l'intégration de nouveaux aspects, comme le jeu par équipe, contribuera à l'essor mondial du sport. 

Sportivement, il s'agit probablement d'une victoire. 

Moralement par contre, on se rappellera que les valeurs humaines, les idéaux et les grands discours ne valent pas grand-chose. Au final, c'est l'argent qui mène.