Jeff Drouin-Deslauriers: À Riga comme à Chicoutimi
Hockey dimanche, 14 déc. 2014. 17:27 dimanche, 15 déc. 2024. 06:27MONTRÉAL – « Onzième année pro, quatorzième équipe... »
Jeff Drouin-Deslauriers pose un regard lucide sur sa carrière. Le gardien québécois a arpenté tous les recoins du hockey professionnel nord-américain. D’Edmonton à Wilkes-Barre, en passant par Greenville, Hamilton, Springfield, Oklahoma City, Anaheim, Syracuse, Norfolk, Fort Wayne et Houston.
Or, jamais ne s’est-il retrouvé aussi loin de chez lui que présentement, alors qu’il tente l’aventure de la KHL à plus de 7 000 kilomètres de son domicile d’Edmonton, avec le Dinamo de Riga, en Lettonie.
« La KHL était ma meilleure option si je voulais continuer de faire ce que j’aime », révèle-t-il dans un entretien avec le RDS.ca.
Le plan de départ ne s’élaborait toutefois pas ainsi.
Après avoir terminé la dernière campagne avec le club-école des Penguins Pittsburgh à Wilkes-Barre dans la Ligue américaine et raté les séries en raison d’une blessure, Drouin-Deslauriers a d’abord attendu en vain un appel de la LNH à l’ouverture du marché des joueurs autonomes.
Ce n’est qu’à l’aube des camps d’entraînement que le téléphone a finalement sonné. C’était les Kings de Los Angeles, qui lui offraient un essai à titre d’invité.
« J’y suis demeuré trois semaines avant d’être libéré. J’ai ensuite participé au camp d’entraînement du club-école des Islanders de New York. Dans cette situation comme dans l’autre, je savais que les places disponibles étaient très limitées avec quatre gars sous contrat de part et d’autre. Mes chances étaient minces », reconnaît le portier de 30 ans, qui n’a alors eu d’autres choix que de passer à l’Est.
C’est ainsi que le 18 novembre dernier, Drouin-Deslauriers posait le pied à Riga, capitale de la Lettonie et terre d’accueil de quelque 700 000 habitants.
« Si j’arrêtais toutes les rondelles lors de chacun de mes matchs, je ne serais pas ici, mais c’est impossible. Je me retrouve quand même dans une bonne situation présentement et j’y vais au jour le jour, tout en essayant de faire le mieux avec ce que j’ai », confie l’ancien des Saguenéens de Chicoutimi.
Une langue universelle
Avec le Dinamo, une formation qui compte notamment sur l’ancien du Canadien Marcel Hossa, Drouin-Deslauriers a jusqu’à maintenant servi d’auxiliaire au Tchèque Jakub Sedlacek. En uniforme lors des 10 derniers matchs de son équipe, le joueur originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu a obtenu trois départs, s’imposant dès son premier, mais perdant les deux suivants.
« À mon arrivée, mon dernier match remontait au mois de mars. Je dois aussi me familiariser avec un style de jeu différent et une surface de jeu plus vaste qu’en Amérique du Nord », souligne Drouin-Deslauriers, qui ne s’est cependant pas exilé pour jouer les substituts.
« J’en suis à ma 11e année professionnelle et je n’ai jamais espéré être le deuxième ou le troisième gardien d’une équipe, que ce soit dans la LNH, la Ligue américaine ou n’importe où j’ai pu passer. Ça n’a jamais été mon intention et c’est la même chose ici », insiste-t-il.
Pour en persuader son entraîneur Artis Abols, Drouin-Deslauriers ne peut se lancer dans de grands discours, car à Riga comme à Chicoutimi, le langage universel demeure la victoire.
« Lors des entraînements, le coach parle majoritairement en letton et je ne comprends absolument rien! », s’amuse le gardien. « Il communique un peu en anglais, que ce soit pour indiquer l’heure de la prochaine pratique ou encore pour faire savoir qu’il n’est pas content. Comme ça, tout le monde comprend. »
Si la confusion demeure, Drouin-Deslauriers peut toujours s’appuyer sur certains coéquipiers et préposés pour lui traduire les propos de ses entraîneurs. Heureusement, à l’extérieur de l’aréna, l’acclimatation à son nouvel environnement se fait en douceur.
« L’endroit où je réside n’est qu’à une vingtaine de minutes du Vieux-Riga, qui me fait beaucoup penser au Vieux-Québec ou au Vieux-Montréal. La plupart des gens parlent anglais et je peux me débrouiller seul, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas si je m’étais joint à une équipe d’une ville russe plus isolée. Comme première expérience dans la KHL, je ne pouvais demander mieux. »
Reste que la KHL, ce n’est pas la LNH.
« On ne s’en rend pas compte parce qu’on en vient habitués, mais disons qu’en Amérique du Nord, dans la LNH et la Ligue américaine, on est pas mal choyés et gâtés. Sans rien enlever aux préposés oeuvrant ici, il faut davantage s’occuper de ses propres affaires, et c’est bien normal. Je suis très bien traité », assure-t-il.
Fier et serein
Près de trois ans après avoir disputé son dernier match dans la LNH, Drouin-Deslauriers savoure donc cette nouvelle chance qui s’offre à lui.
« J’ai eu la chance de jouer dans la LNH pendant 2-3 ans, ce qui est la durée moyenne d’une carrière dans la LNH. J’aurais toujours voulu y évoluer plus longtemps, on ne se le cachera pas, mais la vie c’est de savoir s’ajuster aux situations, bonnes ou mauvaises, et en soutirer le meilleur », philosophe-t-il.
Drouin-Deslauriers a pu le constater dès ses débuts dans la LNH avec les Oilers en 2008-2009, alors qu’il était impliqué dans un ménage à trois aux côtés de Mathieu Garon et Dwayne Roloson. Ce n’est toutefois que lors de la saison suivante que le portier québécois a fait connaissance avec les rigueurs du métier.
Appelé à la rescousse à la suite d’une blessure à Nikolai Khabibulin, Drouin-Deslauriers a alors obtenu 48 départs, maintenant une fiche de 16-28-4 et une moyenne de buts alloués de 3,26 devant le filet de la pire formation du circuit Bettman.
« On sait tous ce qui est arrivé lors de cette saison… Je crois qu’ils en parlent encore à Edmonton. J’ai affiché des statistiques OK, mais faire un job OK dans la LNH, ça ne donne pas beaucoup d’années. J’aurais aimé que ça aille mieux et que ma carrière dans la LNH soit plus longue, mais je ne peux rien y faire », concède-t-il sereinement.
Deux saisons plus tard, dans l’uniforme des Ducks, Drouin-Deslauriers a disputé quatre autres matchs dans la LNH, ses quatre derniers à ce jour.
« Mon rêve serait de revenir un jour et prouver que j’étais de calibre pour la LNH et que je le suis encore, mais je suis présentement à Riga et je me concentre sur ce que j’ai devant moi. »