Pour gagner la Coupe Stanley entre les années 1983-1990, il fallait absolument battre Edmonton. C'est toute une coincidence de discuter de cette série des plus mémorables entre Edmonton et Calgary, la même date qu'on a gagné cette série, soit le jour de ma fête (le 30 Avril). En 1986, les Flames étaient en route vers la finale de la Coupe Stanley.

Le printemps 86 est riche en émotions. Calgary vient de connaître sa meilleure saison de toute son histoire. L'entraîneur en chef est le regretté Bob Johnson. Je suis l'un de ses adjoints avec Bob Murdoch. Le directeur gérant, Cliff Fletcher, a bâti un club très compétitif à Calgary.

A l'époque, on ne parle pas des petits marchés, ni des problèmes des équipes canadiennes. Les Flames sont rentables, les joueurs et le personnel sont traités royalement, la ville vit au rythme de son équipe. La rivalité avec les Oilers d'Edmonton est à son summum.

En séries, nos premiers adversaires sont les Jets de Winnipeg qu'on élimine en 3 rencontres. En 86, on jouait des 3/5 en première ronde. Nos prochains adversaires sont les Oilers d'Edmonton avec les Gretzky, Messier, Kurri, Anderson, Fuhr, Lowe…… Les Oilers constituent l'équipe à battre dans la Ligue nationale de hockey puisqu'ils viennent de gagner deux Coupes Stanley consécutives. Ils en gagneront quatre en en cinq ans. Edmonton est définitivement l'ennemi numéro un de nos partisans à Calgary.

C'est dans ce climat survolté que s'amorce cette série 4/7. Edmonton possède l'avantage de la patinoire mais nous les surprenons à domicile dans le premier match 4-1. Le deuxième affrontement se termine à l'avantage des Oilers en prolongation. Puis la série se transporte à Calgary. On gagne le match numéro trois à domicile.

Par la suite, plus personne n'arrive à gagner à domicile. Les Oilers nous battent à Calgary et nous gagnons à Edmonton. Le monde à l'envers. Dans les estrades, la rivalité dérape. Des bagarres entre partisans éclatent. C'est devenu violent, pas autant qu'en Europe lors des matchs de soccer, mais on est pas très loin de la dérive. La bataille de l'Alberta est très intense comme la rivalité Canadiens-Nordiques.

Pour les partisans, les médias, quoi de mieux qu'un septième match. Dans les estrades, c'est devenu fou. Sur la patinoire, les joueurs ne se font pas de cadeaux, les coups vicieux pleuvent, le jeu est rude.

Pour contrer les meilleurs joueurs des Oilers, nous avions mis au point une stratégie qu'on emploie encore aujourd'hui dans la LNH. Ceux qui pensent que le système du "left wing lock" a été inventé récemment, disons qu'en 1986, les Flames l'avaient justement utilisé avec succès pour contrer Gretzky et compagnie. On avait découvert que la majorité des bons joueurs des Oilers, à l'exception de Jarri Kurri, entraient (80 % du temps) dans notre zone offensive sur notre coté gauche puisqu'ils étaient gauchers.

Berezan-Hull

Avant le septième match, nous avions eu plusieurs discussions pour établir notre alignement final. Retrancher Perry Berezan ou Brett Hull. Tous savaient que Brett Hull deviendrait une vedette mais à cette étape de sa carrière, on ne savait pas toujours ce qu'il nous donnerait. On a choisi Berezan et ça nous a porté chance.

Pour ceux qui l'auraient oublié, Perry Berezan avait été crédité du but victorieux car en réalité c'est le défenseur des Oilers, Steve Smith, qui avait marqué dans son propre filet, le fameux but éliminant les Oilers, le 30 avril 1986. Les Oilers perdaient ainsi l'occasion de gagner une troisième Coupe Stanley consécutive. Ils en auraient peut-être gagner cinq de suite. Qui sait.

Pour les Flames, le moment était magique, la victoire tant espérée aux dépens de nos rivaux. A Calgary, les partisans étaient ravis, c'était la fête partout. Environ 20,000 personnes nous attendaient à notre retour d'Edmonton en pleine nuit. Pour eux, c'était aussi excitant que de remporter la Coupe Stanley.

Pour nous, le personnel d'entraîneur, il fallait ramener les joueurs sur terre pour affronter les Blues de St-Louis. Nous avions un excellent club avec les Lanny McDonald, John Tonelli, Doug Risebrough, Hakan Loob mais notre équipe était agée. A la défense, on avait des jeunes comme Gary Suter et Al McInnis.

La prochaine série contre St-Louis fut très épuisante. Lors du sixième match, nous avons la chance d'éliminer les Blues. On mène 5-2, il reste environ huit minutes à jouer dans cette partie mais nous avons perdu 6-5 avant même la prolongation. Heureusement, nous avons remporté le septième match à Calgary (2-1), mais le mal était fait. Nos joueurs, surtout les plus agés, avaient écopé inutilement.

En finale contre le Canadien

C'est dans ce contexte que s'amorce la finale contre le Canadien. Nous débutons à domicile pour remporter la première partie. Le deuxième match est très serré. Et nous perdons en prolongation quand Brian Skrudland marque à neuf secondes seulement. Nous perdons l'avantage de la glace. Certes, le point tournant.

Le Canadien avait plusieurs vétérans et des jeunes jambes comme Stéphane Richer, Claude Lemieux et devant le but, un gardien que nous connaissions à peine, Patrick Roy. Il a été sensationnel en finale.

En 1986, le Canadien est l'un des meilleurs clubs de la LNH mais en plus, son système de développement de joueurs est excellent. C'est l'exemple à suivre. Comme entraîneur adjoint, je vis des moments exaltants aux cotés de Bob Johnson. Bien sûr, le résultat fut décevant quand on est si près du but ultime, la Coupe Stanley. Ayant grandi à Lachute, si près de Montréal, on a rêvé de ce moment depuis des années. Ce fut néanmoins, une saison mémorable, celle de 1985-86. Les Flames de Calgary gagneront la Coupe Stanley en 1988-89 contre Montréal.

La Suisse continue de progresser.

En Suisse, l'équipe des moins de 18 ans a établi tout un exploit en gagnant la médaille d'argent à Lathie en Finlande. C'était la première fois qu'une équipe nationale suisse atteignait une finale dans un championnat mondial de hockey. La Suisse s'est incliné contre la Russie (6-2). Il s'agit d'un pas plus qu'important dans la progression de ce pays.

Ce résultat aura un impact. Les dépisteurs de la LNH vont prendre de plus en plus au sérieux les athlètes suisses. Les hockeyeurs helvétiques se découvrent une nouvelle motivation. Ils seront habités par une nouvelle confiance, celle de pouvoir jouer dans la LNH. Auparavant, leur objectif était d'atteindre la LNA de Suisse.

Les joueurs suisses nés en 1983, 1984 et 1985 vont surprendre plusieurs personnes dans le monde du hockey. Ces jeunes qui voient des joueurs comme Michel Riesen, Reto Von Arx, et Thomas Ziegler frapper à la porte de la LNH se disent qu'ils peuvent eux aussi aspirer au grand circuit. David Aesbicher n'était pas considéré comme le meilleur gardien en Suisse, pourtant, il joue avec l'Avalanche du Colorado.

Le succès des hockeyeurs suisses dans le futur aura d'autres répercussions. Des jeunes athlètes choisiront le hockey de préférence à d'autres sports.

Bonne semaine, propos recueillis par Diane Hayfield