Pierre Houde : Chapeau à un Grand
Je raterai, dans quelques jours, mon premier match des Canadiens de Montréal en plus de 13 ans. Et la raison de cette absence ne peut être meilleure. Voyez-vous, je travaille aux côtés d'un annonceur qui sera accueilli par le Temple de la renommée du hockey.
En effet, Pierre Houde recevra officiellement lundi à Toronto le prix Foster Hewitt, remis annuellement par l'association des diffuseurs à un seul membre d'une équipe de description des matchs de la LNH, radio ou télévision pour sa contribution remarquable à sa profession et au sport pendant sa carrière. Il deviendra seulement le quatrième francophone à se voir décerner cet honneur après René Lecavalier (1984), Richard Garneau (1999) et Gilles Tremblay (2002).
Le professionnel ultime
Pierre est un bourreau de travail. Vous le voyez au hockey, à la Formule 1, à l'Antichambre. Il est là lors des émissions spéciales, il est sollicité par les variétés des autres réseaux. Mais ce n'est pas de cette charge que je parle, je parle de celle dont il s'acquitte en ce moment même, à moins de 30 cm de moi, à ma droite, à bord de l'avion qui nous amène vers Newark en compagnie des Canadiens. Ce travail de recherche qui ne reçoit aucune publicité où il valide, vérifie et collige toutes les informations et statistiques qui lui permettront de vous saluer et de vous souhaiter une bonne soirée à RDS en toute quiétude vers 19 h 08 jeudi soir.
Il le fait systématiquement, chaque vol depuis 3500 matchs. Bon, d'accord, il y a les matchs à domicile, mais souvent, il les prépare au beau milieu de la nuit dans ce même avion nous ramenant à Montréal. Il est si plongé dans ce travail qu'il ne soupçonne même pas que je sois à écrire ce texte pour souligner et saluer son apport à notre sport, à notre société québécoise. Et ne vous trompez pas, que ce soit un match entre Davos et Vitkovice à la Coupe Spengler à 6 AM ou la partie décisive pour la saison du Tricolore, la préparation est toujours à la hauteur. Il a décrit des buts gagnants aux Jeux olympiques, aux Championnats Mondiaux, pour la Coupe Stanley. Il a même décrit un match en anglais!
L'arrière-scène
S'il ne craint pas les efforts, c'est que Pierre est un passionné. De plusieurs choses. De communication d'abord, de télé bien sûr, c'est son métier et il l'adore. Il n'a jamais hésité à m'offrir ses connaissances pour m'aider à maitriser le « contenant » à mes débuts au Réseau des Sports, antenne dont il est tout aussi passionné. Il se passionne pour le sport bien entendu : hockey, F1, football et « ses » Packers de Green Bay, ce n'est pas drôle, il ne faut même pas lui dire le score s'il ne peut regarder en direct le match hebdomadaire qu'il rattrapera plus tard. Quel « Cheese Head » !
Il aime jaser d'aviation, de phénomènes météorologiques, de Michelle, sa fille, sa fierté. Mais toutes ces années ensemble se sont passées dans le respect, car il sait que nous avons parfois besoin de nos espaces pour travailler chacun de son côté, comme en ce moment, ou juste pour décompresser le temps d'un jeu de Wordscapes ou de patience, ses favoris.
Pierre est devenu bien plus qu'un collègue avec les saisons, il est rare que nous ne soupions pas ensemble à l'étranger la veille d'un match. Et c'est là que surviennent nos plus grands désaccords. Pas sur la politique ou la religion ni sur le système de santé ou d'éducation. Nous sommes aux antipodes quand vient le temps de choisir le vin rouge qui accompagnera notre repas. Pierre aime les vins qui ont du corps, qui sont corsés, un rouge opaque, il faut le voir se tordre la main à la hauteur du poignet pour expliquer le tout au serveur. Je préfère la Bourgogne, les Barolo, la finesse et une belle robe quasi translucide. Nous trouvons souvent un terrain d'entente avant de tenter de convaincre l'autre pour la prochaine fois. Beau duo.
Ce que j'apprécie le plus chez mon « partner » est que s'il prend son travail et ses responsabilités très au sérieux, il ne se prend pas, lui, au sérieux. Il est évident que je n'ai pas découvert cette facette dès le premier jour. J'étais initialement trop débordé à enfiler les mots dans une grammaire parfaite voire robotique pour me rendre compte avec son aide que nous sommes là pour vous accompagner dans vos soirées d'hiver entre le souper, les devoirs, les enfants et les amis. J'étais aussi trop impressionné, presque intimidé, par l'homme plus grand que nature, « LA » voix des Canadiens et du hockey, le « Et le BUUUUUUT » national. Mais son autodérision est facile à déclencher, s'agit de déceler le bon moment, le bon ton et le tour est joué. Il est un bon public aussi, aimant rire pour les commentaires les plus futiles même lorsque je lui rappelle pour la énième fois que je considère les courges comme de vulgaires concombres chauds et trop cuits dans l'assiette.
Le temps était venu
Plusieurs textes seront publiés sur les Shea Weber, Pavel Datsyuk, Jeremy Roenick, David Poile et autres intronisés en ce week-end de célébrations, et avec raison. Mais comme j'accompagne pour une 14e saison celui qui s'immisce dans vos chaumières depuis les touts débuts de RDS en 1989 plusieurs fois par semaine, en direct sans script, sans scénario, souvent sans filtre, je croyais pertinent de partager avec vous, mais aussi pour lui, ces petits moments chers avec un partenaire de véritable « RENOMMÉE ».
Profites-en bien partner!