MONTRÉAL – Un seul dépisteur a cru bon rencontrer Brendan Gallagher avant le repêchage de 2010. Le petit attaquant venait pourtant d’enfiler 41 buts et 40 passes avec les Giants de Vancouver.

Quelques années plus tard, Gallagher est capable de rire quand il raconte cette confidence.

« En fait, je n’ai eu qu’un entretien et c’était avec lui », a avoué l’athlète en parlant du recruteur Vaughn Karpan lors d’une intéressante conversation au Complexe Bell de Brossard.

« On avait eu un bon lunch et je suis demeuré près de lui depuis. J’ai appris à quel point il a eu un gros impact sur ma carrière, il s’est battu pour moi. Il a vu quelque chose en moi que peu de personnes avaient vu. J’en suis reconnaissant », a poursuivi Gallagher en se disant convaincu que Karpan se démarquera dans son nouveau rôle de directeur du personnel des joueurs avec les Golden Knights de Las Vegas.

Karpan avait le dynamique joueur des Giants de Vancouver dans sa mire, mais il devait vendre sa salade à son patron, Trevor Timmins. Il n’a pas eu besoin d’ajouter plusieurs ingrédients alléchants à sa recette puisque Timmins a été convaincu dès la première évaluation.

« Oh oui, dès la première fois. Bien sûr, tu te grattes quand même la tête en te demandant comment il fera pour se rendre dans la LNH. À ce moment, le jeu était encore plus difficile pour les petits joueurs », a répondu Timmins en entrevue avec le RDS.ca.

« Il était un sniper, il comptait des buts et la plupart du temps à quelques pieds du filet. Il voulait vraiment la rondelle et il était toujours prêt à combattre pour la récupérer. Son niveau de compétition est immense. Il possédait déjà ça à l’époque et c’est encore le cas », a ajouté Timmins pour justifier sa conviction.

Karpan confirme les dires de Timmins surtout qu’il avait un argument intéressant à sa disposition.

« Pierre Gauthier était le directeur général à ce moment. Lui et Pierre m’avaient dit qu’il n’était pas très gros, mais j’ai utilisé une analogie avec Brian Gionta qui était le capitaine du Canadien. Ils n’ont pas le même profil, mais ils sont similaires en même temps. C’était assez pour les convaincre. Ils ont supporté la sélection et la plupart des gens de l’organisation aussi », a confié Karpan.

Tout comme Gionta a dû le prouver, Gallagher devait démontrer qu’il était en mesure de se débrouiller contre les joueurs plus costauds qu’eux.

« J’étais comme n’importe qui, quand je l’ai vu jouer pour la première fois à 16 ans, je me disais qu’il était sûrement trop petit. Mais il y a une chose que Brendan possède et dont les gens ne parlent pas souvent, c’est son intelligence. On dit qu’il est très compétitif et résistant, mais il est également très brillant et il travaille de cette façon », a raconté Karpan.

Le recruteur a constaté que Gionta et Gallagher posent, chacun à leur façon, des ennuis aux adversaires imposants.

« Si tu surveilles Brendan, parfois il se baisse vraiment bas et il est pratiquement comme un skieur de slalom qui contourne les portes. Ça force les autres à s’ajuster », a soumis Karpan.

Deux prises contre lui

Le portrait présenté laisse croire que Gallagher a accédé à la LNH sans trop d’embûches, mais ce serait trop facile.

En fait, comme Timmins l’image bien, la petite peste du Canadien devait composer avec deux prises contre lui : son physique et son coup de patin ordinaire. Ce constat, le père de Gallagher l’avait fait il y a bien longtemps et il a ajusté le tir en conséquence pour ouvrir des portes à son fils.

« Il faut dire que mon style est un peu unique si on peut dire ça. Je suis un joueur qui doit aller dans les endroits restreints et contestés parce que c’est vraiment la seule manière dont je peux contribuer et compter. Mon père l’avait compris et il m’a inculqué à toujours présenter un haut niveau de compétition sur la glace dès un jeune âge », a répondu l’attaquant du Tricolore.

Sans l’ombre d’un doute, Gallagher a prouvé qu’il était un bon frappeur avec un compte défavorable. Il y parvient grâce à sa conviction qui remonte à loin.

« Brendan a vécu comme un pro dès un jeune âge que ce soit pour l’entraînement ou la nutrition », a soulevé Timmins qui n’a jamais douté de son caractère.

Son conditionnement physique supérieur à la moyenne lui a également permis d’éviter de « casser en morceaux », le scénario catastrophe que de nombreux observateurs prédisaient.

« On peut dire qu’il travaille aussi fort à l’extérieur que vous voyez sur la glace », a vanté Timmins qui est lui-même un adepte de l’entraînement.

La bouche pleine de Kraft Dinner et de grilled cheese

Cet acharnement n’avait pas été suffisant pour lui assurer d’être repêché si bien que Gallagher ne s’était pas déplacé à Los Angeles pour le Jour J.

« Je ne savais pas si j’allais être repêché. En fait, j’étais correct avec l’idée que ça n’arrive pas. Je suis resté à la maison et on regardait le tout à la télévision. Les intervenants discutaient des choix des première et deuxième rondes alors je n’étais pas vraiment certain de ce qui se passait. Je mangeais du Kraft Dinner et un grilled cheese et j’avais la bouche pleine quand mon agent a téléphoné. J’ai compris ce qui venait d’arriver et Trevor Timmins m’a appelé peu de temps après », s’est rappelé Gallagher en souriant.

Pendant que Gallagher restait détendu à sa manière, Karpan était de plus en plus nerveux.

« Oui. Je savais qu’on pouvait attendre un peu, mais je ne voulais pas le perdre et j’avais peur qu’on attendre trop longtemps. Ceci dit, je dois préciser qu’il est devenu meilleur que je l’avais imaginé. Je ne veux pas sonner comme si j’étais intelligent au point de savoir qu’il serait aussi bon », a mentionné Karpan en toute modestie.

Contrairement à certains hockeyeurs qui peuvent – inconsciemment ou non - lever le pied une fois qu’ils ont été repêchés, Gallagher a redoublé d’effort dans le développement de ses habiletés.

« J’étais très content d’être repêché et d’appartenir à une organisation comme le Canadien. Mais, en même temps, je ne pense pas que la suite aurait été très différente si je n’avais pas été choisi. J’aurais continué à travailler très fort et j’aurais fini par me rendre de cette manière. Malgré tout, je suis content d’avoir pu éviter cette route », a-t-il poursuivi en prouvant sa détermination.

Don Hay, son entraîneur de l’époque avec les Giants, considère qu’il a surtout aidé Gallagher à propos de sa vitesse, son lancer, sa force, la protection de la rondelle et les façons d’amener les rondelles au filet à partir de plusieurs endroits. 

« Le répertoire de Brendan est basé sur son gros cœur. Il ne reste pas vers l’extérieur du jeu, il sait qu’il va se faire frapper, mais il fonce, il faut admirer son courage qui est immense », a louangé Hay.

Sans avoir été informé des fleurs lancées par Hay à son endroit, Gallagher lui a rendu la pareille.

« Dans un sens, c’était facile parce que notre entraîneur comprenait comment nous préparer à devenir un professionnel. Je parle des petits détails que les entraîneurs recherchent. Ainsi, quand je suis arrivé dans la Ligue américaine, je sentais que j’avais un petit plus que les autres par rapport à ça. Par exemple, l’enseignement que j’avais eu me permettait de comprendre les systèmes un peu plus rapidement », a souligné Gallagher en citant également Jaroslav (Yogi) Svejkovsky, un ancien de la LNH devenu entraîneur qui a passé des dizaines d’heures avec lui pour peaufiner son arsenal.

En poussant la réflexion plus loin, on constate que la sélection de Gallagher a sauvé la mise pour le Canadien à la suite de l’excellent repêchage de 2007 (Ryan McDonagh, Max Pacioretty, P.K. Subban et Yannick Weber). La récolte a été moins productive de 2008 à 2011 alors que Gallagher et Nathan Beaulieu sont les seuls joueurs à avoir franchi le plateau des 100 matchs dans la LNH sur les 25 athlètes repêchés par Montréal. Notons que le Canadien a été privé de plusieurs sélections de première, deuxième et troisième rondes durant cet intervalle.

« Oui, c’est le cas. Quand tu regardes ça après, les résultats sont évidents. Il a été de loin le meilleur joueur de ces repêchages. De plus, on n’a qu’à regarder à quel point il est important pour l’équipe. C’est un assistant et un leader dans ce groupe. On peut imaginer que ce ne serait pas de tout repos pour le Canadien de jouer contre lui au lieu de l’avoir dans son équipe », a jugé Karpan.

Gallagher en a donc surpris plus d’un même au sein de l’état-major du CH. Timmins et Karpan sont fiers de le classer parmi leurs coups d’éclat respectifs.

« Il a sa place vers le sommet avec nos meilleurs choix tardifs comme celui de Jaroslav Halak », a indiqué Timmins.

« C’est certainement le joueur qui a le plus accompli par rapport au prix qui a été payé. Il doit être au haut de ma liste. Il a donné la valeur d’un choix de première ronde à l’organisation. Michel Therrien et Marc Bergevin diraient la même chose », a statué Karpan.

Le dernier argument, mais pas le moindre, qui plaide en faveur de Gallagher concerne la production offensive des joueurs de sa cuvée. Avec 174 points en 299 matchs, le droitier du Canadien se situe aussi haut que le 10e rang derrière de gros noms comme Tyler Seguin, Taylor Hall, Jeff Skinner, Ryan Johansen et Vladimir Tarasenko.

« Je ne le savais pas. Pour moi, ça ne veut pas dire beaucoup parce que je suis surtout heureux du chemin que j’ai suivi pour me développer », a conclu Gallagher qui veut s’assurer que ça ne s’arrête pas là.

Autres textes de la série :

Mardi : Pierre-Alexandre Parenteau

Mercredi : Jason Demers

Vendredi: Mathieu Perreault