BROSSARD – Mikhaïl Sergachev s’apprêtait à prendre le petit-déjeuner, lundi matin, quand un employé du Canadien l’a abordé et lui a demandé s’il voulait bien le suivre.

Sur le coup, le jeune Russe n’a rien compris de ce qui se tramait. « Je me disais : ‘mais où est-ce qu’on va?’ », a-t-il raconté avec sa bonhomie habituelle.

Dans le temps de dire, Sergachev se retrouvait dans le bureau du coach, assis en face de Michel Therrien et du directeur général Marc Bergevin. Les deux hommes avaient une bonne nouvelle à lui annoncer.

Comme le collègue François Gagnon l’annonçait en primeur vendredi dernier, le choix de première ronde du Canadien au plus récent repêchage de la LNH débutera la saison à Montréal. L’organisation a confirmé sa décision trois jours avant le lancement prévu de sa campagne 2016-2017 à Buffalo.

L’attaquant finlandais Artturi Lehkonen, une autre recrue bien en vue, a également profité du camp d’entraînement pour gagner sa place avec le grand club.

« Je suis heureux, mais je ne sais pas trop quoi dire de plus, a timidement commenté Sergachev, pour qui ça semblait être une journée comme une autre au complexe d’entraînement de l’équipe. Comme je l’ai dit hier, je n’ai pas encore ma place officiellement. Je suis ici pour au moins neuf matchs, il y a une règle par rapport à ça. Mais je ne suis pas encore un joueur de la LNH. Je tenterai de le devenir, par contre! »

Majeur depuis à peine trois mois, Sergachev épate par son talent, mais surtout par sa prestance et son calme depuis ses premiers coups de patin avec les pros. Jamais il n’a semblé hors de son élément dans les matchs préparatoires auxquels il a pris part et tous les vétérans de l’équipe ont vanté son attitude à l’extérieur de la patinoire.

« J’ai simplement joué mon style, mais je jouais avec confiance, évalue humblement celui qui a remporté le titre de défenseur par excellence à sa première saison dans la Ligue junior de l’Ontario. Je gardais mon jeu simple. C’est peut-être pour cette raison qu’ils ont décidé de me garder. »

« Il a renversé tout le monde au camp avec la qualité de son jeu, affirme le capitaine Max Pacioretty, moins hésitant à beurrer un peu plus épais. Je suis content pour lui parce qu’il a réellement mérité la chance qu’on lui donne aujourd’hui. On verra comment il peut se débrouiller en saison régulière, mais je crois qu’il possède tous les outils pour être le même joueur. »

« Il y a beaucoup de jeunes de 18 ans qui ont du talent, mais ce qu’on aime de lui, c’est sa maturité, a souligné Therrien. C’est aussi un gars fort physiquement avec une bonne compréhension du jeu. Il a beaucoup d’éléments en sa faveur, mais comme on lui a dit, on va prendre les matchs un à la fois. »

Jean-Jacques Daigneault, l’adjoint de Therrien qui est en charge des défenseurs, estime qu’il n’a jamais vu un défenseur de 18 ans aussi talentueux.

« Quand j’ai été repêché en 1984, je me suis joint aux Canucks de Vancouver. Il y avait beaucoup de disparité dans la Ligue nationale à cette époque. Il y avait de très bonnes équipes et il y en avait de moins bonnes. De nos jours, la parité fait en sorte que c’est plus difficile pour un défenseur de 18 ans de percer dans la LNH, mais il a prouvé qu’il est capable de bien jouer. Il a tous les atouts. »

Daigneault est prêt à placer Sergachev dans la même catégorie que les Drew Doughty, Victor Hedman et Aaron Ekblad, des arrières qui ont percé au plus haut niveau immédiatement après avoir été repêchés.

« Ce n’est pas une ligue facile, c’est une ligue d’hommes et ceux qui [y ont joué à 18 ans] démontraient la maturité physique et mentale nécessaire pour bien performer au quotidien. Mikhaïl a ces attributs. »

Une belle polyvalence

Sergachev a été utilisé dans différentes situations au cours des dernières semaines. Gaucher naturel, il a été utilisé de son côté fort en compagnie de Mark Barberio, mais s’est aussi retrouvé à la droite des vétérans Jeff Petry et Alexei Emelin.

Le jeunot a d’ailleurs évolué à droite pendant toute sa première saison junior avec les Spitfires de Windsor.

« En Russie, les gauchers jouent du côté droit et les droitiers jouent à gauche. C’est peut-être pour faciliter le tir sur réception, mais ça peut expliquer pourquoi je suis aussi à l’aise », a révélé Sergachev, qui dit ne pas avoir de préférence personne quant à la position à laquelle il est utilisé.

« On a des défenseurs qui s’adaptent bien, qui peuvent jouer avec tout le monde, note Daigneault. Pour moi, un défenseur qui a une longue portée peut en bénéficier pour jouer de l’autre côté, mais il faut qu’il soit confortable à le faire. »

« Je n’ai aucune crainte à l’idée de le faire jouer à droite, a rassuré Michel Therrien. Tous les joueurs sont différents, mais certains préfèrent jouer du côté opposé. C’est son cas, il est vraiment à l’aise à droite. »

Lehkonen est toujours affamé

À l’image de son jeune coéquipier, Lehkonen ne s’enflait pas la tête avec la bonne nouvelle reçue lundi.

« Je suis conscient que ce n’est que la première étape et que j’aurai encore beaucoup de choses à prouver en cours de route, a commenté le petit ailier gauche. C’est ici que la saison commence et à partir de maintenant, je dois élever mon jeu d’un cran pour démontrer que je peux non seulement jouer dans la LNH, mais produire à ce niveau. »

Lehkonen avait beaucoup à gagner à son premier camp professionnel en Amérique du Nord. Dès son arrivée, il était clair qu’un poste était à sa portée et il s’est assuré de s’en approcher à chaque opportunité qui lui a été offerte de le saisir. Ça a commencé avec un match de neuf tirs au but, ça s’est poursuivi avec quelques lancers sur le poteau et ça s’est conclu avec deux buts spectaculaires pour clore le calendrier préparatoire.

« Il a démontré qu’il est capable de jouer dans cette position », a pu constater Therrien, qui a utilisé Lehkonen à profusion sur différents trios à vocation offensive durant le camp d’entraînement.

« Il est capable de jouer à gauche, à droite. Il est rapide, il a de bonnes mains et possède un très bon sens du hockey. Quand tu lui expliques quelque chose, il comprend et il l’exécute. Plus le camp avançait, plus on voyait qu’il trouvait sa confiance. Quand il a marqué son premier but, on dirait que la pression est tombée. »

On peut maintenant considérer que Lehkonen, un choix de deuxième ronde du CH en 2013, a gagné son pari de ne pas précipiter son passage à l’ouest en disputant les trois dernières saisons au niveau professionnel en Finlande et en Suède.

« J’ai toujours su que ça serait meilleur pour moi de rester en Europe pendant quelques années supplémentaires avant de venir ici. Là-bas, on ne joue pas autant de matchs et on peut vraiment prendre le temps de se développer. D’un point de vue physique, je savais que je n’étais pas prêt à faire le saut avant cette année. »