MONTRÉAL – Même si la décision a été émotive et déchirante, Marc Bergevin considérait que quelque chose clochait dans les performances de son équipe et il croit avoir frappé un coup de circuit en embauchant Claude Julien.

Le directeur général du Canadien n’a pas caché ses sentiments, mercredi, lorsqu’il a rencontré les médias pour expliquer la bombe qu’il a déclenchée en congédiant Michel Therrien la veille.

En voyant l’eau grimper dans les yeux de Bergevin, on a véritablement compris l’implication de cette décision. Il a été envahi par les émotions quand un confrère lui a soulevé le côté injuste du métier d’entraîneur.

« Je suis content que tu me parles de ça. Souvent, on oublie cet aspect. On dit souvent qu’un joueur, un entraîneur ou un directeur général gagne tel salaire. Mais au bout du compte, ce n’est pas l’argent ou la gloire qui importe. On est tous des humains et on a tous des sentiments.

« Et c’est tough. C’était tough hier (mardi) », a avoué Bergevin avec franchise.

Le DG du Canadien a contacté Therrien mardi en après-midi pour le rencontrer et il s’est déplacé à son domicile pour le faire. Bergevin a expliqué la discussion a duré environ 20 minutes et qu’elle a été à l’image de leur relation.

« On a toujours fait notre travail avec sincérité et émotion. Notre rencontre n’a pas été différente », a-t-il confié en affirmant que le président Geoff Molson n’avait eu aucun rôle à jouer dans cette décision.

Si ce fut difficile pour Bergevin de parler de la fin de son association de cinq ans avec Therrien, il a démontré une grande confiance en Julien et ses capacités pour corriger le tir.

« Mes responsabilités de directeur général vont au-delà des sentiments. Récemment, j’ai évalué qu’on était rendu à un point tournant pour notre équipe. Je suis convaincu et très fier d’avoir mis la main sur l’un des meilleurs entraîneurs de la LNH. Au point où on est rendu, Claude est le meilleur homme de la situation, il a fait ses preuves », a décrit Bergevin en citant notamment sa conquête de la coupe Stanley.

« Avec 24 rencontres à disputer dans la saison, c’est l’homme de la situation et aussi pour la vision à long terme. Il remplit les deux choses importantes à mes yeux, la stabilité et le court terme. C’est comme un coup de circuit », a-t-il osé dire.

Julien a donc reçu un contrat à long terme sans même procéder à une entrevue formelle comme c’est la coutume lorsqu’une formation possède le temps pour le faire. Bergevin a appris à mieux connaître durant la Coupe du monde et il prétend qu’il n’a eu besoin que de 30 secondes pour comprendre qu’il était un « bon gars ».

« Claude Julien est un coup de circuit »

« Selon sa feuille de route, c’est une superstar. C’est un excellent entraîneur. Sa fiche parle d’elle-même. Est-ce que je l’ai payé comme une superstar? À mon avis, l’argent n’a pas d’importance », a ajouté Bergevin quelques minutes plus tard.

Aux dires de Bergevin, le congédiement de Julien par les Bruins de Boston ne l’a pas incité à procéder à ce changement.

« J’ai senti que l’équipe avait besoin d’un changement. C’est là que j’ai pris ma décision. Ç’a adonné que Claude était disponible. Si Claude n’avait pas été là, il y avait quand même une décision à prendre pour l’équipe. Pour moi, le moment était idéal pour prendre cette décision », a expliqué le DG.

Bergevin aurait décidé de passer à l’action pendant la fin de semaine de deux matchs en deux jours contre St Louis et Boston. Il s’est retrouvé à faire une liste de candidats et il a déterminé que Julien était l’homme de la situation. Bergevin a toutefois refusé de confirmer s’il avait parlé à d’autres candidats, comme Gerard Gallant par exemple.

Un geste motivé par l’opinion de Carey Price et de ses coéquipiers?

Évidemment, le sujet de Carey Price a été abordé durant la conférence de presse de Bergevin. L’étoile du gardien du Canadien a pâli depuis quelques semaines et le regard qu’il a lancé à Therrien lorsque celui-ci l’a retiré du match contre les Sharks de San Jose, le 16 décembre, soulève encore des questions.

« J'ai eu un bon feeling avec Claude »

« Je ne crois pas que Michel avait perdu son joueur étoile, c’est mon opinion personnelle. Mais la seule personne qui peut répondre à ça, c’est Carey », a indiqué le patron.

« Mais c’est vrai que Carey a eu des hauts et des bas dernièrement comme le reste de notre équipe. Mais je crois toujours aujourd’hui que Carey est le meilleur gardien au monde », a ajouté Bergevin qui espère revoir le Price des beaux jours.

« Les performances de Carey Price ne me préoccupent pas. Est-ce qu’il a connu des difficultés? Oui. [...] Je m’attends à plus de lui. Est-ce que c’est de sa faute si on est ici aujourd’hui? Non. C’est l’équipe qui ne jouait pas au niveau que je m’attends d’elle », a-t-il admis.

La réunion tenue, en Arizona, par Bergevin avec son trio de meneurs (Price, Max Pacioretty et Shea Weber) a également laissé croire qu’il en avait profité pour tâter le pouls du vestiaire quant à la relation avec Therrien.

« Je veux être clair là-dessus parce que ce sujet a pris des proportions trop grandes. Je veux être certain que tout le monde comprenne bien. Michel et moi avons eu une conversation le matin comme on le faisait tous les jours. Je lui ai dit que j’allais rencontrer quelques joueurs et je lui ai demandé de me joindre. Michel m’a dit que c’était une journée de congé pour les joueurs et les entraîneurs et que je devrais peut-être faire la rencontre seul avec eux. Il était bien au courant de la situation et la discussion n’était pas à propos de lui.»

« Si j’avais voulu faire une réunion de ce genre, je sais bien que ça ferait plus de sens ne pas s’asseoir dans le lobby de l’hôtel », a déclaré Bergevin avec fermeté.

Bergevin fait le point sur l'embauche de Julien

D’ailleurs, le directeur général prétend qu’il n’a pas consulté ses protégés avant de trancher.

« La décision a été prise en fonction des performances de l’équipe sur la patinoire. Aucun joueur n’a rien dit et je ne l’ai pas demandé non plus », a-t-il mentionné.

Le cas d’Alex Galchenyuk sera également intéressant à surveiller. Il reviendra maintenant à Julien de déterminer s’il doit l’utiliser en tant que centre ou ailier. Peu importe la position, il doit trouver une manière de le relancer pour de bon.

« Je ne suis pas prêt à envoyer Michel en-dessous du bus pour ça. Je crois qu’il a fait un bon bout avec Alex. Il a progressé beaucoup depuis son arrivée à Montréal. Il a eu un peu de difficulté récemment, mais Michel l’a beaucoup aidé. Ce n’est pas qu’Alex. C’est l’équipe au complet qu’on doit redresser », a répondu Bergevin au sujet du talentueux gaucher.

Quelle part du blâme revient à Bergevin?

À la suite de la dégringolade du Canadien la saison dernière, Bergevin ne s’est pas défilé et il a assumé une grande partie du blâme. Il a réagi en procédant à quelques changements dont l’énorme transaction impliquant Shea Weber et P.K. Subban. L’objectif principal était de corriger le leadership vacillant.

« J'ai senti que l'équipe avait besoin d'un changement »

Pourtant, quelques mois plus tard, le CH se retrouve dans un autre creux. Malgré tout, Bergevin considère que le groupe est assez solide mentalement pour s’en sortir.

« Je ne vois pas de problème avec le leadership. Je pense qu’on est très fort là-dessus. Si on veut nommer quelques noms : Shea, Price et Pacioretty ont tous élevé leur jeu à différents moments. Cela dit, si l’équipe avait joué à la hauteur de ses capacités, je ne serais pas ainsi. Ils doivent élever jeu à un autre niveau », a déclaré Bergevin.

Le patron du Canadien a préféré remplacer son entraîneur au lieu de lui procurer de nouvelles armes via une transaction. Bergevin croit même que son club détient les outils pour nécessaires.

« Pour ce qui est d'une transaction, je veux être clair là-dessus, je ne vais pas donner des jeunes comme (Mikhail) Sergachev pour remplir un trou, ça n’arrivera pas. Si le prix à payer est nos jeunes qui seront dans l’organisation pour 10-15 ans, je ne le ferai pas », a tenu à préciser l’intervenant.

Bergevin pense donc que son équipe aurait dû afficher un meilleur rendement et il espère que l’arrivée de Julien lui donne raison. Il n’a pas voulu utiliser le calendrier compressé comme excuse.

Le directeur général du Canadien n’a pas voulu dévoiler d’informations privilégiées pour expliquer les ennuis de sa troupe.

« J’ai ma propre opinion là-dessus, je dois garder quelques informations à l’interne. Mais je trouvais simplement que les gars ne jouaient pas comme ils le devraient. Il y avait des signes que quelque chose clochait », a répété Bergevin.

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