Le facteur Muller
Canadiens mardi, 11 oct. 2016. 07:12 mercredi, 11 déc. 2024. 17:26BROSSARD – À 10h35 lundi matin, vingt-cinq minutes avant l’heure prévue pour le début de l’entraînement du Canadien, Kirk Muller est au tableau accroché à la baie vitrée et esquisse ses directives.
La douzaine de joueurs qui constituent son public forment le noyau offensif de l’équipe. Pacioretty, Galchenyuk, Radulov, Weber. Ce sont eux qui possèdent les clés d’un bolide dont le moteur toussote pas mal depuis quelques années, une minoune que Muller a reçu le mandat de remettre en état. Et à voir la façon dont ils sont tous accrochés à ses lèvres, on ne peut qu’être convaincu d’une chose. Après celui qui porte les grosses jambières, « capitaine Kirk » est probablement celui entre les mains de qui repose la plus grande partie des chances de succès du Canadien cette saison.
Muller revient à Montréal avec la mission suivante : ressusciter un jeu de puissance qui allait très bien lors de son premier séjour comme entraîneur adjoint à Montréal, de 2006 à 2011, et qui ne génère plus grand-chose depuis son départ.
Voici les chiffres. Durant les cinq saisons au cours desquelles Muller a secondé Guy Carbonneau et Jacques Martin derrière le banc du Canadien, l’avantage numérique du Tricolore a été le deuxième plus efficace de la LNH. Il s’est classé au premier rang de la Ligue à deux reprises et s’est classé quatre fois dans le top-10.
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Coïncidence ou pas, une fois Muller parti, l’unité spéciale a décrépi. L’année suivant son départ, l’avantage numérique du CH a croupi au 28e rang. Depuis cinq ans, l’avantage numérique montréalais produit à un rythme risible de 16,7%. Et pendant ce temps, celui des Blues de St Louis, où Muller était en contrôle depuis deux ans, s’est installé au deuxième rang de la Ligue.
Muller revient donc en ville avec de hautes attentes à satisfaire, mais le nouveau membre du personnel d’entraîneurs de Michel Therrien est loin de se prendre la tête. Les ingrédients sont là, soutient-il, et à force de répéter la recette, elle fera tôt ou tard un tabac.
« Il ne faut pas tenter de réinventer la roue. La clé, c’est la simplicité. Les cinq gars doivent travailler ensemble et travailler à vive allure », expose-t-il avant de préciser sa pensée.
« Souvent, vos meilleurs joueurs ont beaucoup de temps de jeu et utilisent l’avantage numérique pour ralentir un peu. Le message que je tente de passer présentement, c’est qu’il faut constamment jouer à un rythme élevé. Il faut aussi lancer souvent au filet une fois que les tirs sont décochés, ça prend des gars qui sont prêts à foncer dans cette direction. »
« On ne veut pas être un jeu de puissance de périphérie, conclut Muller. On ne veut pas rester vers l’extérieur. On veut attaquer, utiliser la force du nombre et, comme je l’ai dit, imposer un tempo élevé. »
Qu’est-ce que Muller fera différemment de Dan Lacroix ou Jean-Jacques Daigneault, deux collègues qui ont soutiré des résultats décevants dans cette importante facette du jeu au cours des dernières années? Il ne le sait trop. Pas parce qu’il ne sait pas où il s’en va, mais plutôt parce qu’il ne sait pas vraiment d’où l’équipe arrive.
« Pour dire la vérité, je n’ai pas vraiment disséqué ce qui se faisait dans le passé, affirme Muller. Avec tous les nouveaux gars qui sont arrivés cet été, on cherchait surtout à repartir à zéro et à apporter des nouvelles idées. Avec tous les gars qui sont revenus de la Coupe du monde, on commence à peine à travailler ensemble. C’est maintenant le temps de mettre la machine en marche et de plonger dans les détails, tout en mettant l’accent sur la simplicité. »
Un revenant apprécié
Dans l’entourage du Canadien, le retour de Kirk Muller semble ravir absolument tout le monde.
Celui que Therrien décrit comme un « fit parfait » permettra à tout le monde de se consacrer avec plus de méticulosité à ses tâches tout en profitant d’une tête de hockey de plus dans laquelle piger.
La saison dernière, par exemple, Clément Jodoin était en charge d’étudier, de colliger et de relater les tendances et les particularités de chacun des adversaires au programme. Quatre-vingt-deux matchs, autant de rivaux à décortiquer et de rapports à rédiger. Désormais, il partagera cette tâche avec Lacroix. Les deux hommes observeront également les rencontres ensemble à partir de la galerie de presse.
« Ça va vraiment nous donner le temps d’aller à fond, se réjouit Lacroix. On a toujours été extrêmement bien préparés de match en match, mais là on aura le temps de travailler en profondeur, d’étudier certains chiffres, de faire des recherches un peu plus approfondies et de connaître nos équipes un peu mieux. Ça donne aussi une autre paire d’yeux et d’autres connaissances au sein du groupe. »
Muller semble aussi déjà avoir développé une forte alliance avec ses joueurs. Max Pacioretty, à qui la présence d’un ancien capitaine et d’un ancien joueur ayant soulevé la coupe Stanley à Montréal ne pourra certainement pas nuire, donne l’impression qu’il a le goût de se pincer pour s’assurer qu’il ne rêve pas quand on lui demande de parler de son nouvel entraîneur.
« On reconnaît tous sa valeur. À cause de la personne qu’il est, à cause de son positivisme, j’irais jusqu’à dire que c’est presque impossible de ne pas avoir une bonne relation avec Kirk Muller. J’ai réellement l’impression qu’on pourrait entrer dans le bureau de n’importe lequel de nos entraîneurs et se sentir écouté, mais Kirk est plus volubile et sa forte personnalité fait en sorte que si ça se met à déraper, il pourrait nous aider à nous relever. J’imagine que c’est le genre de joueur qu’il était et c’est le genre d’entraîneur qu’il est. »
Muller était derrière le banc du Canadien quand Pacioretty est arrivé dans la Ligue à 19 ans. Il a aussi assisté à l’éclosion inattendue de David Desharnais et aux débuts houleux de Carey Price. Après un bref exil, il s’émerveille de la progression qu’ont connue ses anciens protégés.
« Ils ont de la barbe maintenant! », lance-t-il du tac au tac avant de se lancer dans un concert d’éloges plus sérieux.
La résurrection de l’avantage numérique? Quelque chose nous dit que le secret de Kirk Muller va bien au-delà des X et de O griffonnés sur un tableau.