P.K. Subban et le CH, un rendez-vous manqué
La semaine dernière, P.K. Subban annonçait sa retraite. À peu près tous les médias sportifs et partisans des Canadiens ont réagi.
À travers les fleurs qu'on lançait à l'ancien défenseur des Canadiens de Montréal, des Predators Nashville et des Devils du New Jersey, quelques pots. Il a évidemment été question de sa personnalité, de sa place dans un vestiaire de la LNH, de ses engagements sociaux, de son goût pour la mode et la lumière médiatique. Beaucoup d'attention pour un joueur qui a joué « seulement » sept saisons avec le CH
J'ai pris quelques jours de recul pour réfléchir à la réaction collective à la retraite de P.K. et au post-mortem de sa carrière. C'est une évidence que Subban ne faisait pas l'unanimité dans le vestiaire du Tricolore et dans ceux de Nashville et du New Jersey. J'ai cependant été relativement surpris de constater l'empressement avec lequel des observateurs du milieu sportif et des membres de l'organisation (présents ou anciens) qui l'ont côtoyé voulaient souligner les « défauts » de l'ancien défenseur.
Ceci étant dit, je ne devrais pas être si surpris. Le hockey étant un sport aux valeurs plutôt traditionnelles, la présence d'un personnage aussi flamboyant que Subban dérangeait nécessairement. Je ne m'étendrai pas sur le côté conservateur du hockey, cependant je ferai deux constats ou observations sur P.K.
D'abord, rarement un joueur aura eu un aussi grand impact médiatique, marketing et sportif sur le CH et auprès des partisans dans les 30 dernières années (les années où je me suis intéressé de près au hockey). Je ne me rappelle pas d'avoir vu un autre joueur, mis à part lui et Alex Kovalev, soulever autant les foules et aussi faire rager autant cette même foule par leur jeu aussi spectaculaire offensivement, que parfois irresponsable défensivement.
Aussi, quel autre joueur a autant été hué et détesté par les foules des équipes adverses? Ce n'est peut-être pas scientifique, mais pour moi, un joueur qui est détesté par les partisans adverses, c'est aussi un joueur que ces partisans aimeraient avoir dans leur équipe.
P.K., c'était aussi l'homme des grandes occasions, comme en séries éliminatoires. C'était un joueur qui aimait les grands moments et les caméras. Un extraordinaire showman, chose qu'on lui reprochait d'ailleurs. Mais le hockey de la LNH, n'est-il pas aussi un sport spectacle? On veut des athlètes qui ont de la personnalité, mais on ne veut pas qu'ils soient trop flamboyants? On veut des athlètes qui sont plus grands que nature, mais on ne veut pas que leur personnalité dérange trop?
Je suis conscient que dans un sport d'équipe, les athlètes doivent souvent faire passer les intérêts du club avant les leurs. Cependant, pour moi, les deux ne sont pas incompatibles. On a qu'à penser à des athlètes comme Deion Sanders et Terrell Owens dans la NFL, Dennis Rodman dans la NBA, Neymar, au soccer etc.
On a reproché à P.K. de porter des vêtements ou des casquettes de sa propre marque plutôt qu'à l'effigie de l'équipe. Pourtant, comme le soulignait mon collègue Peter Yannopoulos, Nick Nurse l'entraîneur des Raptors, porte presque systématiquement une casquette à l'effigie de sa marque personnelle lorsqu'il accorde des entrevues. Pourtant, on en fait peu de cas.
Ce qui m'amène à mon deuxième point : le rendez-vous manqué entre les Canadiens de Montréal et P.K. Subban.
Il est déjà établi que le joueur adoré par les partisans dérangeait aussi. Néanmoins, il amenait une lumière nouvelle sur un club qui, certes, a une grande histoire et fait figure de club mythique, mais un club qui peut aussi être archaïque. Grâce à sa personnalité et à son flair marketing, P.K. a pu faire la couverture du Sports Illustrated (deux fois plutôt qu'une). Il attirait les regards des médias américains par son jeu, mais surtout par son impact commercial. Ça, le joueur l'avait bien compris et sa propension à se servir et à soigner son image publique semble en avoir dérangé plus d'un.
Pourtant dans les autres sports nord-américains comme le basketball de la NBA, le football de la NFL ou le baseball majeur de la MLB, on ne se formalise pas de ces personnalités fortes, flamboyantes, dérangeantes, mais payantes d'un point de vue marketing. Je comprends que la marque du CH est attachée à des valeurs plus traditionnelles, mais Subban a rendu le club cool auprès de plusieurs jeunes qui délaissaient tranquillement le Tricolore. Ça aussi, ça a une valeur. Une valeur inestimable. Ça, le club ne semble pas l'avoir compris.
S'il est vrai que PK était « dérangeant », il était aussi payant. Vu ce choc des visions entre le joueur et l'équipe, la séparation était inévitable. Par contre, cette séparation, si elle en dit beaucoup sur la personnalité du joueur, elle en dit aussi beaucoup sur l'incapacité du club à intégrer, absorber, encadrer et surtout chérir une personnalité différente du standard conservateur qu'elle s'est imposé.
Et imaginez, je n'ai même pas parlé de l'impact social d'une superstar afrodescendante dans un sport aussi unidimensionnel d'un point de vue démographique, dans un marché de hockey aussi important. Je n'ai pas non plus parlé de ses engagements sociaux, de son amour pour Montréal, de ses efforts pour utiliser des mots de français tous les jours, etc....
P.K. avait compris le marché montréalais et même s'il utilisait de ses charmes pour mousser sa propre marque, les regards qu'il attirait sur lui étaient aussi portés sur son club. Il n'a pu avoir le même impact ailleurs pour toute sorte de raisons, mais selon moi, le marché montréalais était celui qui lui allait le mieux. Ce mariage aurait pu en être un à faire baver d'envie les autres équipes de la LNH, pourtant il n'a pas duré assez longtemps selon moi. C'était une association rêvée et pourtant un rendez-vous manqué. Entre P.K. et le CH, mais aussi entre les Canadiens de Montréal et la modernité.