P.K. Subban a été le centre d'attention sur la glace et l'a été dans le vestiaire une fois cette troisième victoire consécutive dans le sac contre Tampa.

Il sait s'exprimer dans tous les sens du terme, ce Subban. En fin de deuxième période, il est entré à l'épouvante dans le territoire des visiteurs, a fait deux ou trois steppettes, dont un spin-o-rama qui a provoqué des oh! et des ah! dans la foule, avant d'y aller d'une passe d'une grande précision vers Brendan Gallagher qui a touché la cible.

On lui a demandé d'expliquer comment on peut en arriver à penser qu'on puisse exécuter avec succès une manoeuvre comme celle-là dans un match très serré au cours duquel chaque erreur de calcul peut coûter très cher. Comment décide-t-on que c'est le bon moment pour s'exécuter?

« C'est clair que je n'entre pas dans un match en me disant que je vais réussir cinq spin-o-ramas, a-t-il rétorqué le plus naturellement du monde. Certains athlètes jouent avec instinct et je suis de ceux-là. Je laisse le jeu dicter ce que je vais faire. »

Peu de temps avant ce but spectaculaire, Subban avait été impliqué dans un jeu controversé qui a incité un officiel à refuser un but au Lightning alors que la marque était égale à 1-1 dans un match qui, jusque-là, pouvait aller dans un sens comme dans l'autre. Il a volontairement empêché le combatif Alex Killorn de sortir de la cage défendue par Carey Price. Quand Killorn a finalement pu se sortir de là, il l'a fait avec la fraction de seconde de retard qui a permis à Price d'aller le pousser. L'officiel Francis Charron a jugé que le joueur de Tampa avait commis de l'obstruction, ce qui n'était pas le cas. C'est Price qui lui est entré dedans. Quand Price a repris sa place  en plein centre du filet et qu'il a trébuché de lui-même avant d'accorder le but, il n'y avait plus d'obstruction. Ce but, qui aurait dû être accordé, aurait pu changer complètement l'allure de ce match.

L'entraîneur Jon Cooper en a fait une description précise, exactement comment les choses se sont passées. Je préfère de beaucoup ce qu'il a dit à la déclaration de Michel Therrien qui a lancé sans rire : « Nous on pense que le but n'était pas bon ». Oui, bien sûr.

Cette approbation sur le travail de l'arbitre Francis Charron compense sans doute pour toutes les fois où Therrien croit que les officiels sont un mal nécessaire.

Les médias ont gardé Subban dans le vestiaire pendant un long moment. Il a été question de cet incident, mais on a aussi beaucoup parlé de cette sortie en zone adverse qui a fait dire à Michel Therrien qu'il avait pris la bonne décision. Therrien n'a pas dit ça souvent de Subban cette saison.

Son cheval fou, capable de garder une foule surexcitée sur le bout de son siège, a été emballé par l'ambiance des grands soirs qui a régné dans le Centre Bell. « Je ne sais pas comment ça se passait au Forum, mais je dois dire que c'est assez incroyable ce que nous avons vécu durant ce match », a-t-il dit.

Sans s'en douter, Subban nous a justement permis de retourner dans le temps. À l'époque glorieuse du vieux Forum, on avait l'impression qu'une main miraculeuse descendait sur la glace pour venir en aide au Canadien quand il semblait en difficulté. Comme hier soir, par exemple.

Ça se passait généralement quand une décision d'un officiel favorisait le Canadien. On disait alors que les fantômes jouaient leur rôle.Tu veux savoir comment ça se passait dans le temps, P.K.? Bien, tu vois, hier soir, comme le veut une légende qu'on aime bien entretenir, il est bien possible que l'un de ces fantômes ait guidé la décision de l'arbitre. Il y en a quelques-uns à avoir effectué le voyage de la rue Atwater à la rue de la Gauchetière au moment de ce déménagement qui avait duré pas moins de 28 jours.

Le match a été spectaculaire et même si Rene Bourque a frappé le Lightning à la vitesse d'un éclair, 11 secondes après la première mise au jeu, il s'en est fallu de peu pour que les visiteurs provoquent une prolongation dans les derniers instants de la rencontre. Le gardien Anders Lindback a été solide après avoir fait cadeau du premier but. De toute façon, Jon Cooper n'avait guère le choix de revenir avec le Suédois de six pieds et six pouces qui a finalement gardé les siens dans le match jusqu'à la fin.

Le Canadien est à une victoire près de passer à la ronde suivante. Cependant, on ne doute pas que la confrontation aurait été beaucoup plus serrée si Ben Bishop, un candidat au trophée Vézina, n'avait pas subi une blessure qui l'a empêché de reprendre dans les séries là où il avait laissé en saison régulière. On n'a qu'à penser au sort qui aurait attendu le Canadien s'il avait perdu Carey Price dans les mêmes circonstances avant la série. Peter Budaj aurait probablement pu gagner un match, peut-être deux à la limite, mais gagner la série aurait constitué une très grosse commande.

Une seule faiblesse

Cependant, comme toutes les équipes sont frappées par les blessures à un moment ou un autre, on ne retirera pas une once de crédit au Canadien qui joue d'une façon inspirée dans cette série. Price est à la hauteur, la défense joue bien son rôle et les attaquants marquent juste assez de buts pour faire la différence. En fait, la seule carence vient de l'attaque à cinq qui a été muselée encore une fois. Peu de temps après le but de Bourque, l'équipe a profité d'une supériorité numérique de quatre minutes qui aurait pu ébranler le Lightning. On n'est même pas passé près de capitaliser sur pareille occasion.

Pourtant, il y a tellement de talent offensif dans cette attaque massive quand Markov et Subban appuient Pacioretty, Vanek et Desharnais. Comment expliquer que ce quintette ne soit pas plus productif? L'entraîneur adjoint Clément Jodoin, dont c'est la responsabilité, croit qu'il s'agit parfois d'un cycle. Il y a des saisons au cours desquelles tout fonctionne bien. Parfois, sans qu'on ne sache trop pourquoi, plus rien ne va.

« Des équipes ont déjà possédé la meilleure attaque à cinq du circuit sans réussir à participer aux séries éliminatoires. Nous, on gagne », souligne-t-il.

On chantait et on dansait dans les gradins pendant que s'écoulaient les dernières secondes de la rencontre. Il y avait un bruit si étourdissant qu'on avait du mal à penser. Les spectateurs étaient si heureux qu'ils en oubliaient que c'est aussi la saison des impôts. Quand le Canadien gagne en séries, c'est tout le Québec qui retrouve sa bonne humeur.

Avant les séries, si on avait mentionné à Marc Bergevin que l'équipe qu'il a remodelée dans les derniers mois de la saison mènerait la première série 3-0 sans avoir obtenu un seul but de son  as marqueur Max Pacioretty, il aurait sans doute souhaité que d'autres joueurs puissent prendre la relève. Chose certaine, il ne se serait pas attendu que cette contribution providentielle vienne René Bourque.

Une quatrième victoire consécutive pourrait faire grand bien pour la suite des choses. Pendant que Boston et Detroit risquent de s'épuiser dans l'intéressante bataille qu'ils se livrent, un congé de plusieurs jours vaudrait son pesant d'or au Canadien avant le prochain affrontement. On pourrait notamment soigner des petits bobos et peaufiner l'attaque massive.

Situation loufoque

Le journaliste Jean-François Chaumont organise avant chaque match un pool offrant la possibilité aux gens de la galerie de presse de choisir, dans le cadre d'un tirage au sort, le nom de l'auteur du but gagnant. Le premier soir, à Tampa, il a demandé à Phil Esposito, analyste des matchs du Lightning à la radio, s'il était intéressé à investir quelques dollars dans ce tirage. Il a accepté de se prêter à l'exercice avec plaisir.

Il a explosé après avoir tiré le nom de Dale Weise. « Weise, c'est qui ce gars-là », a-t-il crié en lançant le bout de papier à la poubelle.

Quand Weise a marqué le but de la victoire en prolongation, Esposito a lancé en ondes : « Show me the money ».

Avant de lui remettre le montant de la cagnotte, Chaumont a eu la délicatesse de ne pas lui demander d'aller chercher dans la poubelle le bout de papier sur lequel était inscrit le nom de Weise.