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RÉSULTATS

Jacob Trouba - Justin Barron : oui c'était légal!

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MONTRÉAL - Voir Justin Barron étendu sur la patinoire, les yeux ouverts, mais le cerveau endormi après qu'il eut encaissé la mise en échec de Jacob Trouba était plus terrifiant encore que l'impact entre le défenseur du Tricolore et le capitaine des Rangers.

Voir Justin Barron tenter de se relever alors qu'il ne savait pas vraiment où il se trouvait et ce qui venait de lui arriver rappelait à quel point les coups à la tête et les conséquences néfastes qu'ils entraînent doivent être abolis.

Car oui! La tête de Justin Barron a été directement atteinte lorsque Jacob Trouba l'a frappé. Et avec la réputation de « chasseur de têtes » collée depuis toujours sur la poitrine de Trouba juste à côté de son « C » de capitaine, il était normal de réclamer une cascade de pénalité à l'endroit du défenseur des Rangers.

De réclamer que des sanctions disciplinaires supplémentaires soient également imposées par la LNH.

Que le capitaine des Rangers soit suspendu quelques parties après avoir été expulsé du match qu'il disputait face au Canadien.

Trouba ne sera pas suspendu.

Il n'a même pas été chassé du match.

N'eût été fait qu'il a dû jeter les gants devant Mike Matheson qui est allé à la défense de son compagnon de jeu, Trouba n'aurait pas même écopé de pénalité.

Ce qui a soulevé l'ire de bien des partisans du Canadien; un tsunami d'indignation sur les médias sociaux; la condamnation immédiate et sans appel de Trouba, des arbitres et de la Ligue nationale.

Pourtant : la mise en échec assénée par Jacob Trouba était tout à fait légale.

Et avant de clamer le contraire haut et fort en déchirant sa chemise sur la place publique, il serait important de lire le règlement 48,1 qui régit les coups à la tête.

De lire plus attentivement encore, les trois paragraphes qui s'attardent plus spécifiquement sur les circonstances qui atténuent le niveau de responsabilité de celui qui frappe et augmentent le niveau de responsabilité de celui qui est frappé.

Partage de responsabilités

Que disent ces trois paragraphes?

1-    Que le joueur qui assène la mise en échec était droit devant son adversaire, qu'il visait le corps de sa « victime » et que l'impact à la tête n'était pas le fruit d'une mauvaise synchronisation, d'un déséquilibre, d'un mauvais « angle d'attaque » ou d'une hyperextension latérale ou verticale (patins qui quittent la glace) au moment de l'impact.

2-    Que le joueur qui encaisse la mise en échec ne s'est pas rendu vulnérable, transformant une mise en échec qui s'annonçait tout à fait légale en coup à la tête inévitable.

3-    Que le joueur qui encaisse la mise en échec n'a pas contribué au fait qu'il soit frappé à la tête en effectuant un mouvement d'esquive à la dernière seconde.

Une lecture attentive de ces trois paragraphes et l'analyse du jeu qui a mené à la blessure subie par Barron justifient totalement la décision des arbitres Brandon Blandina et Kendrick Nicholson – après une longue consultation avec les vétérans juges de lignes Steve Barton et Derek Nansen – de ne pas sévir à l'endroit de Trouba.

Oui! Trouba frappe Barron à la tête. Et la tête du défenseur encaisse, après l'impact initial, un contrecoup lorsqu'il s'écrase sur la patinoire.

Mais quand on regarde le jeu, Trouba visait clairement la poitrine de Barron et non sa tête.

Il est droit devant lui. Il est en plein contrôle de ses déplacements. Il ne fait pas de geste sur sa droite ou sa gauche pour épingler Barron. Il ne saute pas au moment de l'impact. Et c'est avec l'épaule qu'il le frappe. Oui on voit son coude lever, mais c'est après l'impact qu'il lève et non avant. Et ce mouvement – après l'impact – du coude est normal.

Qu'en est-il de Barron?

Le défenseur du Canadien a la responsabilité de se protéger. De ne pas se placer dans une situation qui le rend vulnérable.

C'est tout le contraire qui est arrivé.

Juste avant d'entrer en zone ennemie, Barron perd le contrôle de la rondelle. Il regarde vers la patinoire et non droit devant lui. Barron est d'ailleurs toujours préoccupé par la rondelle lorsqu'il est frappé.

Il fait aussi un mouvement vers sa droite en se baissant légèrement, ce qui le rend plus vulnérable encore.

En fait, Barron donne une nette indication dans sa manière d'entrer en zone des Rangers qu'il n'est pas le moindrement préoccupé par la présence de Jacob Trouba et surtout la possibilité que le capitaine des Rangers profite de la situation pour l'épingler.

Et c'est exactement ce qui est arrivé.

Légale, oui! Souhaitable, non!

Ce n'est toutefois pas parce que la mise en échec de Jacob Trouba à l'endroit de Justin Barron était légale qu'elle est souhaitable.

Surtout à une époque où on crie haut et fort à quel point il est important de protéger les joueurs contre les coups à la tête et les conséquences néfastes qu'ils entraînent à long terme.

Justin Barron, comme n'importe quel joueur de la LNH, doit être vigilent sur la patinoire. Surtout lorsque Jacob Trouba est sur la patinoire.

C'était vrai hier et avant-hier alors que les joueurs de la LNH devaient afficher ce genre de prudence lorsque les Scott Stevens, Darius Kasparaitis et autres Vladimir Konstantinov étaient sur la glace.

Ce l'est toujours aujourd'hui.

L'ennui, c'est que l'art de se protéger sur la patinoire et celui d'esquiver et aussi d'encaisser des coups d'épaule – encore moins des coups de hanche – n'est plus vraiment transmis aux jeunes parce que l'art de la mise en échec n'est plus enseigné.

Mais au-delà de cet art qui se perd et les responsabilités que les joueurs victimes de mises en échec doivent assumer, la LNH pourrait ajouter un quatrième alinéa au règlement 48,1.

Un alinéa par le biais duquel, la ligue reconnaîtrait qu'un coup à la tête, peu importe les circonstances dans lesquelles il est asséné, demeure un coup à la tête. Et qu'elle imposerait des sanctions plus sévères et automatiques.

Cela dit, quand on met la partisanerie de côté, et qu'on analyse froidement les mises en échec comme celle que Trouba a assénée à Barron, mardi soir, au Centre Bell, il est très difficile de toujours arriver à déterminer le réel partage de responsabilités entre celui qui donne le coup d'épaule et celui qui l'encaisse.

À moins d'abolir les mises en échec.

Et ça, il ne faut pas que ça arrive. Car bien plus que les bagarres, les mises en échec sont directement et étroitement reliées au hockey.