Le jour de gloire de Claude Pronovost
Hockey vendredi, 9 janv. 2009. 11:22 jeudi, 21 nov. 2024. 12:10
En ce temps-là, comme on dit dans les Saintes Écritures, les dirigeants des clubs de la Ligue nationale n'étaient pas assez fortunés, ou trop peignes, pour aligner deux gardiens de buts. Un no1 et un substitut.
Non. Le club receveur devait fournir un "frappeur désigné", pardon, un gardien désigné qui servait de substitut aux deux clubs aux prises. C'est peut-être niaiseux, mais c'est comme ça que ça marchait. C'est le rôle que jouait Claude Pronovost, le frère cadet de Marcel Pronovost, ancien brillant défenseur des Red Wings de Détroit et des Maple Leafs de Toronto, le soir du 14 janvier 1956 au Forum, lors du match Boston-Canadien.
Mais celui qu'on avait baptisé "Suitcase", parce qu'il avait toujours la valise à la main à cause de ses nombreux voyages à travers l'Amérique comme gardien dépanneur, ne savait pas ce qui l'attendait ce soir-là. Alors qu'il avait pris place dans les gradins une heure avant le match, comme à l'habitude, Camil Desroches, publicitaire du Canadien, vint lui dire de se rapporter en catastrophe au vestiaire des Bruins de Boston. L'équipement de "Long John" Henderson, rappelé de Hershey (filiale des Bruins dans la Ligue américaine) pour remplacer Terry Sawchuk blessé, avait été égaré en route vers Montréal. Et comme "Long John" chaussait des patins de pointure 14, il fut impossible de lui en trouver une paire en ville. C'est alors que "Suitcase" a subi son baptême de feu dans la Ligue nationale. Et il s'en souviendra le reste de ses jours et même au-delà.
"Jamais je n'aurais envisagé de jouer pour l'une ou l'autre des deux équipes ce soir-là. Je venais d'allouer 31 buts en neuf parties avec le Royal de la Ligue Québec Sr, à titre de remplaçant de Gerry McNeil, alors sur la liste des blessés. Le Bon Dieu a été bon pour moi. J'ai repoussé les 31 rondelles décochées par les Béliveau, Geoffrion, Richard et autres francs-tireurs du Tricolore et j'ai réussi un blanchissage de 2-0. Un miracle. Un rêve. Incroyable, mais vrai. Cela fait plus de 50 ans, mais je m'en rappelle comme si c'était hier" de raconter Claude, aujourd'hui âgé de 73 ans, mais qui en avait seulement 20 lors de cette mémorable soirée.
La gloire est éphémère
Qu'est-ce qu'un tel exploit a-t-il rapporté à cette vedette d'un soir? "Pas grand-chose. Après le match, Milt Schmidt, l'entraîneur des Bruins, m'a félicité d'avoir aidé son club à mettre fin à une séquence de 11 matchs sans victoire. Il voulait que je reste avec son équipe jusqu'au retour de Sawchuk, mais Monsieur Selke, directeur-général du Canadien, a refusé, stipulant que j'étais sous contrat avec son club. La vérité, c'est que je n'ai jamais signé de contrat ni avec le Canadien, ni avec le Royal Sr. J'ai joué toute ma vie sur parole, ou une poignée de main, jusqu'à je sois échangé à Chicago avec Dollard St-Laurent. Je me suis alors retrouvé à Buffalo, dans la Ligue américaine, où j'ai touché le meilleur salaire de ma vie, 5 000$ pour la saison".
"Milt Schmidt m'avait fait cadeau d'un billet de 100$ pour ma soirée de travail, en plus d'un chandail souvenir et d'un bâton autographié par tous les joueurs des Bruins. En retournant dans mon patelin de Beauharnois en taxi, après le match en question, le chauffeur avait peine à croire que c'est son passager qui venait de blanchir le Canadien. Il m'a cru quand je lui ai remis mon billet de cent dollars U.S. pour payer la note. Il était si fier d'avoir fait la connaissance de cette star d'un soir, qu'il m'a fait cadeau du coût de la randonnée", d'ajouter Claude.
Sa carrière n'a pas été plus florissante, malgré cet exploit. Par la suite, il n'a participé qu'à deux demi-matchs dans la Ligue nationale. Une fois, il avait remplacé Jacques Plante, blessé, au milieu d'une partie au Forum et en une autre occasion, il avait amorcé une rencontre contre Toronto, au Forum, pour ètre remplacé par Claude Cyr, après avoir accordé cinq buts aux Leafs.
Avant d'accrocher ses patins en 1963, "Suitcase" a eu l'occasion de gagner le trophée Vézina de la Ligue professionnelle de l'Est avec Charlie Hodge, du Royal Sr. Cette équipe, tout comme la Ligue d'ailleurs, devait cesser ses activiités en 1960, en même temps que le Rocket et les Royaux de Montréal au baseball. Malgré tout, Claude est toujours actif comme représentant de la compagnie de blocs de ciment, "Blocs Mirabel" dans les Basses-Laurentides.
Jacques Beauchamp était venu bien près
Le mois dernier, une autre situation bizarre, concernant les gardiens substituts, a failli se produire. Les Capitals de Washington ont voulu rappeler le jeune gardien de 20 ans Simeon Varlamov - eux aussi de leur filiale des Bears de Hershey de la Ligue américaine - pour seconder Brent Johnson, remplaçant de Jose Théodore blessé. Mais Varlamov n'est arrivé qu'au milieu de la première période pour prendre position sur le banc.
Entretemps, qui agissait comme substitut? Un dénommé Brett Leonhardt, 26 ans, producteur du site internet des Capitals qui avait déjà gardé les filets d'une équipe de troisième division de la NCAA, association qui régit les sports des rangs collégiaux et interuniversitaire aux États-Unis.
Ce n'était guère mieux que feu Jacques Beauchamp, directeur des sports de l'ancien "Montréal-Matin" de son métier, mais qui s'entraînait régulièrement avec le Canadien. Jacques n'avait comme expérience qu'un court séjour avec le Concordia Jr de Sylvio Mantha et les Grads de la Ligue Dépression, une ligue de "garage" toujours existante.
Un soir, au Madison Square Garden de New York, Jacques avait été appelé d'urgence dans le vestiaire du Canadien pour remplacer Jacques Plante, atteint au visage par un dur lancer frappé. Plante était prêt à retourner au jeu, mais en portant un masque qu'il trainait dans ses baggages, mais que Toe Blake lui défendait de porter dans les parties régulières. Toe Blake était contre. C'est alors que Beauchamp a commencé à s'habiller. Quand l'entraîneur du Canadien a finalement acquiescé à la demande de Plante, le journaliste est retourné sur la galerie de presse.
Dans les circonstances, Toe se félicitait d'avoir misé sur le bon Jacques, car avec l'autre, ce n'est pas sûr que le Canadien l'aurait emporté.
Non. Le club receveur devait fournir un "frappeur désigné", pardon, un gardien désigné qui servait de substitut aux deux clubs aux prises. C'est peut-être niaiseux, mais c'est comme ça que ça marchait. C'est le rôle que jouait Claude Pronovost, le frère cadet de Marcel Pronovost, ancien brillant défenseur des Red Wings de Détroit et des Maple Leafs de Toronto, le soir du 14 janvier 1956 au Forum, lors du match Boston-Canadien.
Mais celui qu'on avait baptisé "Suitcase", parce qu'il avait toujours la valise à la main à cause de ses nombreux voyages à travers l'Amérique comme gardien dépanneur, ne savait pas ce qui l'attendait ce soir-là. Alors qu'il avait pris place dans les gradins une heure avant le match, comme à l'habitude, Camil Desroches, publicitaire du Canadien, vint lui dire de se rapporter en catastrophe au vestiaire des Bruins de Boston. L'équipement de "Long John" Henderson, rappelé de Hershey (filiale des Bruins dans la Ligue américaine) pour remplacer Terry Sawchuk blessé, avait été égaré en route vers Montréal. Et comme "Long John" chaussait des patins de pointure 14, il fut impossible de lui en trouver une paire en ville. C'est alors que "Suitcase" a subi son baptême de feu dans la Ligue nationale. Et il s'en souviendra le reste de ses jours et même au-delà.
"Jamais je n'aurais envisagé de jouer pour l'une ou l'autre des deux équipes ce soir-là. Je venais d'allouer 31 buts en neuf parties avec le Royal de la Ligue Québec Sr, à titre de remplaçant de Gerry McNeil, alors sur la liste des blessés. Le Bon Dieu a été bon pour moi. J'ai repoussé les 31 rondelles décochées par les Béliveau, Geoffrion, Richard et autres francs-tireurs du Tricolore et j'ai réussi un blanchissage de 2-0. Un miracle. Un rêve. Incroyable, mais vrai. Cela fait plus de 50 ans, mais je m'en rappelle comme si c'était hier" de raconter Claude, aujourd'hui âgé de 73 ans, mais qui en avait seulement 20 lors de cette mémorable soirée.
La gloire est éphémère
Qu'est-ce qu'un tel exploit a-t-il rapporté à cette vedette d'un soir? "Pas grand-chose. Après le match, Milt Schmidt, l'entraîneur des Bruins, m'a félicité d'avoir aidé son club à mettre fin à une séquence de 11 matchs sans victoire. Il voulait que je reste avec son équipe jusqu'au retour de Sawchuk, mais Monsieur Selke, directeur-général du Canadien, a refusé, stipulant que j'étais sous contrat avec son club. La vérité, c'est que je n'ai jamais signé de contrat ni avec le Canadien, ni avec le Royal Sr. J'ai joué toute ma vie sur parole, ou une poignée de main, jusqu'à je sois échangé à Chicago avec Dollard St-Laurent. Je me suis alors retrouvé à Buffalo, dans la Ligue américaine, où j'ai touché le meilleur salaire de ma vie, 5 000$ pour la saison".
"Milt Schmidt m'avait fait cadeau d'un billet de 100$ pour ma soirée de travail, en plus d'un chandail souvenir et d'un bâton autographié par tous les joueurs des Bruins. En retournant dans mon patelin de Beauharnois en taxi, après le match en question, le chauffeur avait peine à croire que c'est son passager qui venait de blanchir le Canadien. Il m'a cru quand je lui ai remis mon billet de cent dollars U.S. pour payer la note. Il était si fier d'avoir fait la connaissance de cette star d'un soir, qu'il m'a fait cadeau du coût de la randonnée", d'ajouter Claude.
Sa carrière n'a pas été plus florissante, malgré cet exploit. Par la suite, il n'a participé qu'à deux demi-matchs dans la Ligue nationale. Une fois, il avait remplacé Jacques Plante, blessé, au milieu d'une partie au Forum et en une autre occasion, il avait amorcé une rencontre contre Toronto, au Forum, pour ètre remplacé par Claude Cyr, après avoir accordé cinq buts aux Leafs.
Avant d'accrocher ses patins en 1963, "Suitcase" a eu l'occasion de gagner le trophée Vézina de la Ligue professionnelle de l'Est avec Charlie Hodge, du Royal Sr. Cette équipe, tout comme la Ligue d'ailleurs, devait cesser ses activiités en 1960, en même temps que le Rocket et les Royaux de Montréal au baseball. Malgré tout, Claude est toujours actif comme représentant de la compagnie de blocs de ciment, "Blocs Mirabel" dans les Basses-Laurentides.
Jacques Beauchamp était venu bien près
Le mois dernier, une autre situation bizarre, concernant les gardiens substituts, a failli se produire. Les Capitals de Washington ont voulu rappeler le jeune gardien de 20 ans Simeon Varlamov - eux aussi de leur filiale des Bears de Hershey de la Ligue américaine - pour seconder Brent Johnson, remplaçant de Jose Théodore blessé. Mais Varlamov n'est arrivé qu'au milieu de la première période pour prendre position sur le banc.
Entretemps, qui agissait comme substitut? Un dénommé Brett Leonhardt, 26 ans, producteur du site internet des Capitals qui avait déjà gardé les filets d'une équipe de troisième division de la NCAA, association qui régit les sports des rangs collégiaux et interuniversitaire aux États-Unis.
Ce n'était guère mieux que feu Jacques Beauchamp, directeur des sports de l'ancien "Montréal-Matin" de son métier, mais qui s'entraînait régulièrement avec le Canadien. Jacques n'avait comme expérience qu'un court séjour avec le Concordia Jr de Sylvio Mantha et les Grads de la Ligue Dépression, une ligue de "garage" toujours existante.
Un soir, au Madison Square Garden de New York, Jacques avait été appelé d'urgence dans le vestiaire du Canadien pour remplacer Jacques Plante, atteint au visage par un dur lancer frappé. Plante était prêt à retourner au jeu, mais en portant un masque qu'il trainait dans ses baggages, mais que Toe Blake lui défendait de porter dans les parties régulières. Toe Blake était contre. C'est alors que Beauchamp a commencé à s'habiller. Quand l'entraîneur du Canadien a finalement acquiescé à la demande de Plante, le journaliste est retourné sur la galerie de presse.
Dans les circonstances, Toe se félicitait d'avoir misé sur le bon Jacques, car avec l'autre, ce n'est pas sûr que le Canadien l'aurait emporté.