Une direction à deux têtes
Hockey mercredi, 25 janv. 2012. 11:10 dimanche, 22 déc. 2024. 03:46
Dans un sens, on peut comprendre le discours que tiennent actuellement les joueurs et les dirigeants du Canadien devant les journalistes au sujet de l'espoir d'une participation aux séries qu'ils tentent d'entretenir parmi leurs fans les plus irréductibles. Que pourraient-ils dire d'autre?
Cette saison est à l'eau, qu'on se le dise. Jusqu'ici, elle a été désolante, sans couleur et sans la moindre excitation. Il faut vraiment avoir du sang tricolore dans les veines pour espérer une remontée spectaculaire d'une équipe incapable, même dans les conditions les plus favorables, de coller deux ou trois victoires de suite.
À moins que des décisions radicales soient prises au cours des prochains mois, l'avenir du Canadien à court terme risque de rester aussi sombre que son présent. Il y a tant à faire pour réparer ce gâchis. Même avec de nouvelles têtes derrière le banc ou même avec l'acquisition d'un ou deux joueurs, l'équipe ne progressera pas pour la peine si on ne s'applique d'abord à changer l'ambiance générale dans le vestiaire et si on ne modifie pas la façon de faire d'une direction incapable de grandes solutions depuis plus de 15 ans. Il faut surtout recréer la fierté et la passion qui ont valu au Canadien de connaître des succès phénoménaux durant son long parcours historique. Certains en démontrent, d'autres sont indifférents.
Ça fait toute la différence. Regardez ce qui se passe à Pittsburgh. Le talent n'est pas l'unique explication à leurs succès, sans quoi les Penguins se seraient effondrés après la perte de Sidney Crosby. L'attitude d'Evgeni Malkin, qui joue chaque soir comme si la coupe Stanley en dépendait, est sans doute très inspirante dans cette chambre. Il faudrait être totalement détaché de ses objectifs pour ne pas suivre un leader aussi acharné et aussi assoiffé de victoires. Un Russe qui prêche par l'exemple, c'est réconfortant.
Pour modifier l'ambiance chez le Canadien, on devrait commencer par embaucher un entraîneur d'expérience, un homme fort capable, par exemple, de ramener dans le rang un athlète de 22 ans qui semble déterminé à faire les choses à sa manière dans un sport où seule l'équipe compte. P.K. Subban a encore le nombril vert. Quand un entraîneur lui adresse des reproches à son retour au banc et qu'il lui répond jusqu'à ce qu'il ait le dernier mot, ça contribue à effriter l'esprit d'équipe. Il ne peut pas y avoir un règlement pour l'équipe et un autre pour Subban. En ce moment, ils sont peut-être nombreux dans la chambre à se dire qu'ils sont dirigés par des gens qui ne sont pas en plein contrôle de la situation.
Et selon ce qu'on entend, la haute direction de l'équipe n'est guère plus crédible à leurs yeux. Trop de changements qui n'apportent rien de concret. Trop de têtes dirigeantes qui arrivent et qui partent sans faire avancer quoi que ce soit. Non seulement le Canadien a-t-il changé de propriétaires trois fois en un peu plus d'une décennie, mais il a connu durant cette période deux présidents, quatre directeurs généraux et sept entraîneurs, bientôt huit. Tant d'instabilité ne peut asseoir une formation sur des bases solides.
Si seulement tous ces mouvements de personnel avaient mené l'équipe quelque part. Les directeurs généraux, qui se sont succédés à un rythme étonnant, ne sont pas parvenus à replacer l'équipe sur les rails. Avaient-ils tous la compétence pour y arriver? Pas sûr. Avaient-ils suffisamment de jugement pour être à la hauteur de ce défi? À en juger par certaines décisions majeures, qui ont eu l'effet de coups d'épée dans l'eau, on n'est pas tenté de leur offrir un certificat d'efficacité.
Une situation bizarre
Il se passe des choses bizarres au sein de cette organisation riche en histoire et en tradition. Des choses qu'on ne voit pas ailleurs et que le Canadien est probablement le seul à trouver géniales.
Une preuve de ça? Au cours des dernières années, Pierre Gauthier a conseillé et largement influencé Bob Gainey. Or, depuis qu'il lui a succédé, qui est devenu le conseiller de Gauthier? Nul autre que Gainey.
Allez donc y comprendre quelque chose. Gainey, qui a amorcé en bonne partie la chute du Canadien en faisant des gestes qui se sont avérés futiles, a aujourd'hui le loisir de mettre son grain de sel dans les décisions de Gauthier. Et il est payé richement pour lui offrir son expertise.
On dit souvent qu'il y a plus d'idées dans deux têtes que dans une. Pas dans ce cas-ci, on dirait. Gainey et Gauthier, qui continuent de s'admirer mutuellement, n'ont fait que changer de chaises. Leur plus récente trouvaille a été de croire qu'un coach par intérim, avec zéro expérience dans la Ligue nationale, avait ce qu'il fallait pour replacer les choses et faire mieux qu'un entraîneur qui montrait un bilan de plus de 600 victoires à ce niveau.
En juin 2003, Gainey est revenu en grande pompe dans le giron du Canadien. Dans le siège de directeur général, il a été perçu comme un sauveur. Exactement un mois plus tard, il a embauché un vieux chum avec lequel il avait partagé un poste de direction dans l'équipe qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques de Nagano. Gauthier est ainsi devenu le directeur du recrutement professionnel de l'équipe.
En décembre 2006, quand un drame terrible a frappé Gainey, Gauthier a commencé à jouer un rôle majeur dans les décisions du Canadien. Gainey a dû s'absenter durant plusieurs semaines pour participer aux recherches de sa fille perdue en mer et pour contribuer à l'enquête effectuée sur cette tragédie. Il est facile de comprendre que le hockey est devenu très secondaire dans sa vie. Pierre Boivin m'a déjà expliqué que l'organisation avait failli le perdre à ce moment-là parce qu'il n'était plus très sûr de vouloir reprendre ce boulot.
Gauthier a tenu le fort durant son absence. Il a même pris quelques décisions de son propre chef. Quand Gainey est revenu, le feu sacré n'y était plus. Il avait constamment la tête ailleurs. Gauthier a continué de l'épauler et de le conseiller. C'est à partir de ce moment que les deux hommes ont vraiment commencé à faire la paire. Depuis cette tragédie survenue il y a cinq ans, toutes les décisions de hockey ont été prises en collégialité, semble-t-il.
Juste pour vous dire, depuis l'événement malheureux qui les a menés vers cette direction à deux têtes, pas moins de 64 joueurs ont quitté l'organisation, soit par voie de transactions, de libération ou de retraite, dont quelques grosses pointures: Kovalev, Koivu, Komisarek, Tanguay, Latendresse, Cammalleri, Spacek, Wisniewski, Halak, Hamrlik, Streit, Souray, Bouillon, Bergeron et Brisebois. Vingt-six de ces 64 joueurs ont été la responsabilité directe de Gauthier puisqu'ils ont été sortis de l'organisation après sa nomination comme directeur général, en février 2010.
Durant la même période, 34 espoirs ont été repêchés. Seulement trois d'entre eux sont dans la formation : Pacioretty, Subban et Weber. Il y a toutefois de l'espoir dans le cas de Jarred Tinordi, de Brendan Gallagher et de Nathan Beaulieu.
Les portes tournantes ont donc fonctionné à plein régime au Centre Bell. S'ils ont contribué au départ de 64 joueurs, Gainey et Gauthier en ont aussi embauché 40, dont huit seulement sont encore avec l'équipe: Gomez, Gionta, Gill, Eller, Gorges, Moen, Darche et Desharnais.
Encore aujourd'hui, on continue de brasser la soupe sans parvenir à trouver les ingrédients qui la rendront meilleure. Cette équipe a besoin d'un grand chef. Et je ne parle pas de Ricardo.
Cette saison est à l'eau, qu'on se le dise. Jusqu'ici, elle a été désolante, sans couleur et sans la moindre excitation. Il faut vraiment avoir du sang tricolore dans les veines pour espérer une remontée spectaculaire d'une équipe incapable, même dans les conditions les plus favorables, de coller deux ou trois victoires de suite.
À moins que des décisions radicales soient prises au cours des prochains mois, l'avenir du Canadien à court terme risque de rester aussi sombre que son présent. Il y a tant à faire pour réparer ce gâchis. Même avec de nouvelles têtes derrière le banc ou même avec l'acquisition d'un ou deux joueurs, l'équipe ne progressera pas pour la peine si on ne s'applique d'abord à changer l'ambiance générale dans le vestiaire et si on ne modifie pas la façon de faire d'une direction incapable de grandes solutions depuis plus de 15 ans. Il faut surtout recréer la fierté et la passion qui ont valu au Canadien de connaître des succès phénoménaux durant son long parcours historique. Certains en démontrent, d'autres sont indifférents.
Ça fait toute la différence. Regardez ce qui se passe à Pittsburgh. Le talent n'est pas l'unique explication à leurs succès, sans quoi les Penguins se seraient effondrés après la perte de Sidney Crosby. L'attitude d'Evgeni Malkin, qui joue chaque soir comme si la coupe Stanley en dépendait, est sans doute très inspirante dans cette chambre. Il faudrait être totalement détaché de ses objectifs pour ne pas suivre un leader aussi acharné et aussi assoiffé de victoires. Un Russe qui prêche par l'exemple, c'est réconfortant.
Pour modifier l'ambiance chez le Canadien, on devrait commencer par embaucher un entraîneur d'expérience, un homme fort capable, par exemple, de ramener dans le rang un athlète de 22 ans qui semble déterminé à faire les choses à sa manière dans un sport où seule l'équipe compte. P.K. Subban a encore le nombril vert. Quand un entraîneur lui adresse des reproches à son retour au banc et qu'il lui répond jusqu'à ce qu'il ait le dernier mot, ça contribue à effriter l'esprit d'équipe. Il ne peut pas y avoir un règlement pour l'équipe et un autre pour Subban. En ce moment, ils sont peut-être nombreux dans la chambre à se dire qu'ils sont dirigés par des gens qui ne sont pas en plein contrôle de la situation.
Et selon ce qu'on entend, la haute direction de l'équipe n'est guère plus crédible à leurs yeux. Trop de changements qui n'apportent rien de concret. Trop de têtes dirigeantes qui arrivent et qui partent sans faire avancer quoi que ce soit. Non seulement le Canadien a-t-il changé de propriétaires trois fois en un peu plus d'une décennie, mais il a connu durant cette période deux présidents, quatre directeurs généraux et sept entraîneurs, bientôt huit. Tant d'instabilité ne peut asseoir une formation sur des bases solides.
Si seulement tous ces mouvements de personnel avaient mené l'équipe quelque part. Les directeurs généraux, qui se sont succédés à un rythme étonnant, ne sont pas parvenus à replacer l'équipe sur les rails. Avaient-ils tous la compétence pour y arriver? Pas sûr. Avaient-ils suffisamment de jugement pour être à la hauteur de ce défi? À en juger par certaines décisions majeures, qui ont eu l'effet de coups d'épée dans l'eau, on n'est pas tenté de leur offrir un certificat d'efficacité.
Une situation bizarre
Il se passe des choses bizarres au sein de cette organisation riche en histoire et en tradition. Des choses qu'on ne voit pas ailleurs et que le Canadien est probablement le seul à trouver géniales.
Une preuve de ça? Au cours des dernières années, Pierre Gauthier a conseillé et largement influencé Bob Gainey. Or, depuis qu'il lui a succédé, qui est devenu le conseiller de Gauthier? Nul autre que Gainey.
Allez donc y comprendre quelque chose. Gainey, qui a amorcé en bonne partie la chute du Canadien en faisant des gestes qui se sont avérés futiles, a aujourd'hui le loisir de mettre son grain de sel dans les décisions de Gauthier. Et il est payé richement pour lui offrir son expertise.
On dit souvent qu'il y a plus d'idées dans deux têtes que dans une. Pas dans ce cas-ci, on dirait. Gainey et Gauthier, qui continuent de s'admirer mutuellement, n'ont fait que changer de chaises. Leur plus récente trouvaille a été de croire qu'un coach par intérim, avec zéro expérience dans la Ligue nationale, avait ce qu'il fallait pour replacer les choses et faire mieux qu'un entraîneur qui montrait un bilan de plus de 600 victoires à ce niveau.
En juin 2003, Gainey est revenu en grande pompe dans le giron du Canadien. Dans le siège de directeur général, il a été perçu comme un sauveur. Exactement un mois plus tard, il a embauché un vieux chum avec lequel il avait partagé un poste de direction dans l'équipe qui a représenté le Canada aux Jeux olympiques de Nagano. Gauthier est ainsi devenu le directeur du recrutement professionnel de l'équipe.
En décembre 2006, quand un drame terrible a frappé Gainey, Gauthier a commencé à jouer un rôle majeur dans les décisions du Canadien. Gainey a dû s'absenter durant plusieurs semaines pour participer aux recherches de sa fille perdue en mer et pour contribuer à l'enquête effectuée sur cette tragédie. Il est facile de comprendre que le hockey est devenu très secondaire dans sa vie. Pierre Boivin m'a déjà expliqué que l'organisation avait failli le perdre à ce moment-là parce qu'il n'était plus très sûr de vouloir reprendre ce boulot.
Gauthier a tenu le fort durant son absence. Il a même pris quelques décisions de son propre chef. Quand Gainey est revenu, le feu sacré n'y était plus. Il avait constamment la tête ailleurs. Gauthier a continué de l'épauler et de le conseiller. C'est à partir de ce moment que les deux hommes ont vraiment commencé à faire la paire. Depuis cette tragédie survenue il y a cinq ans, toutes les décisions de hockey ont été prises en collégialité, semble-t-il.
Juste pour vous dire, depuis l'événement malheureux qui les a menés vers cette direction à deux têtes, pas moins de 64 joueurs ont quitté l'organisation, soit par voie de transactions, de libération ou de retraite, dont quelques grosses pointures: Kovalev, Koivu, Komisarek, Tanguay, Latendresse, Cammalleri, Spacek, Wisniewski, Halak, Hamrlik, Streit, Souray, Bouillon, Bergeron et Brisebois. Vingt-six de ces 64 joueurs ont été la responsabilité directe de Gauthier puisqu'ils ont été sortis de l'organisation après sa nomination comme directeur général, en février 2010.
Durant la même période, 34 espoirs ont été repêchés. Seulement trois d'entre eux sont dans la formation : Pacioretty, Subban et Weber. Il y a toutefois de l'espoir dans le cas de Jarred Tinordi, de Brendan Gallagher et de Nathan Beaulieu.
Les portes tournantes ont donc fonctionné à plein régime au Centre Bell. S'ils ont contribué au départ de 64 joueurs, Gainey et Gauthier en ont aussi embauché 40, dont huit seulement sont encore avec l'équipe: Gomez, Gionta, Gill, Eller, Gorges, Moen, Darche et Desharnais.
Encore aujourd'hui, on continue de brasser la soupe sans parvenir à trouver les ingrédients qui la rendront meilleure. Cette équipe a besoin d'un grand chef. Et je ne parle pas de Ricardo.