Je suis Charline Labonté
Hockey mercredi, 11 juin 2014. 15:31 mardi, 26 nov. 2024. 12:26C’est le grand jour : cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Sochi, février 2014.
L’événement qui confirme la raison d’être de mes efforts. Je réalise une fois de plus que j’ai réussi à atteindre un de mes plus grands objectifs à vie. MA plus haute marche. Les installations sont parfaites, là où les yeux du monde entier se porteront sur les athlètes qui y feront leur entrée. Aucun son, ni mot ne peut décrire les émotions qui m’habitent lors de la marche dans le stade. Quatre fois j’ai eu la chance de participer aux grandes cérémonies; quatre fois très différentes, tatouées en moi. Des quatre, Sochi est mon « chouchou ». Probablement parce je savais que c’était la dernière fois.
Entrer dans ce stade immense - moi si petite, mais forte - la foule, les caméras, la fierté, l’équipe canadienne au grand complet comme une grandiose vague rouge.
Après quatre longues années de dévouement, pouvoir représenter son pays et le vivre avec les gens qui me sont les plus chers, qui m’ont soutenue et m’ont aidée à m’y rendre, c’est un rêve qui prend forme. Ouf! En plus, y être avec ma meilleure amie sur l’équipe de hockey, Caroline Ouellette, et surtout le vivre avec Anastasia. Anastasia Bucsis, l’athlète canadienne de patinage de vitesse sur longue piste. Anastasia, la personne que j’aime.
Cette année, j’ai été comblée. En plus d’une quatrième médaille olympique, j’ai rencontré l’amour de mes rêves. C’est d’ailleurs la « faute » de Caroline Ouellette; c’est elle qui m’a présenté Anastasia. Caroline et Anastasia se sont rencontrées à un événement organisé par Right to Play pour lequel elles sont ambassadrices. Right to Play est un organisme humanitaire international qui, avec des ambassadeurs dans le secteur des sports, favorise l’insertion de l’activité physique et du jeu pour les enfants de pays défavorisés. Comment est-ce arrivé? Dans une des rares soirées libres de nos vies actives, Caroline a eu l’idée de nous inviter au même endroit, Anastasia et moi.
Une poignée de main et c’était ça! L’étincelle.
En plus, étant athlètes toutes les deux, nos vies se sont structurées, emboitées. On est nées sous la même étoile. Nous faisons la même chose, avons les mêmes ambitions, des horaires et un stress semblables à gérer. C’était parti. Bien parti.
Puis, comble du bonheur, à la fin décembre de cette année-là, elle obtenait son billet pour Sochi! Nous allions vivre l’expérience olympique ensemble.
Jusqu’au bout, on s’est soutenues.
« Propagande homosexuelle »
L’envers de la médaille : les nouvelles lois russes, dont entres autres celles qui sanctionnent tout acte de « propagande homosexuelle ». Hétéro ou gaie. Malaise.
Avions-nous peur? Eh oui! Étions-nous en danger? Aucune idée… L’équipe canadienne n’a toutefois pas eu l’intention de protester. Nous étions là pour une seule et unique raison : celle de compétitionner au plus haut niveau de nos capacités. Le travail derrière notre qualification avait été tellement acharné, personnellement je ne pouvais pas laisser les distractions extérieures me séparer de mon rêve ultime.
Par contre, le sentiment de ne pas être complètement libre pendant la durée des Jeux me laissait un goût amer dans la bouche. Merci la vie, Sochi 2014 s’est déroulé dans la paix et tous les athlètes ont pu se concentrer sur leurs entraînements et leurs performances.
Parlant de performances, pour les athlètes, les Jeux olympiques sont beaucoup plus que les résultats qui sont diffusés dans les médias. C’est le produit de toutes les années d’entraînement et d’acharnement qui nous ont permis de nous y rendre. Le climax. Pour vous donner un aperçu :
Ma journée-type
Pratique de 2 heures | Entraînement en musculation durant 1 h 30 | Dîner | Entraînement de sprints ou vélo de 1 heure | Une autre pratique de 2 heures | Pour finir avec une session de yoga de 1 heure | 6 jours par semaine.
J’ai la chance de faire partie de l’équipe canadienne depuis 12 ans et jamais je n’ai eu le sentiment de devoir me cacher. Tout le monde sait que je suis gaie et jamais je ne me suis sentie dénigrée par rapport à mon orientation sexuelle dans mon équipe. Au contraire, c’est là où je m’y sens le mieux. Le sujet de l’homosexualité n’a absolument rien de tabou avec nous. Nous en parlons et en rions comme c’est le cas avec tous les autres sujets. Quel privilège de pouvoir évoluer dans un environnement comme celui-là qui n’a pas toujours été aussi ouvert.
« MÉDAILLE D’OR pour l’équipe canadienne de hockey féminin! »
J’avais malheureusement des entraînements au moment de la compétition d’Anastasia, mais elle a pu assister à notre match de finale. Sous ses yeux, nous remportions l’or.
Cette victoire, nous l’avons célébrée jusqu'au lendemain matin. Nous venions de réaliser l’impensable.
Qui croyait honnêtement que l’équipe avait encore des chances de gagner alors que les Américaines menaient 2-0 avec 5 minutes à faire au match? Pratiquement personne. À part les 21 filles qui portaient la feuille d’érable sur leur chandail ce soir-là et notre entraîneur Kevin Dineen qui nous a fait confiance et par le fait même, nous a donné la force nécessaire. 9 fois sur 10, une équipe en face d’un 2-0 en fin de 3e période ne remporte pas le match; nous étions « l’exception ».
Aujourd’hui, je me remémore cette année haute en émotions. Je suis tellement fière de mes amies, mes coéquipières, le personnel qui nous a soutenu et la grande équipe. Je suis aussi, et je pèse mes mots, fière de qui je suis et surtout d’avoir le courage de le partager avec vous aujourd’hui. Je suis médaillée olympique à quatre reprises. Je suis la fille de parents merveilleux et la soeur d’un frère extraordinaire. Je suis l’amie de gens admirables, qui me soutiennent et sans qui je ne pourrais réaliser mes rêves. Je suis aussi étudiante et j’obtiendrai ma maîtrise de l’Université McGill cet automne.
Je suis gaie, amoureuse et fièrement authentique.