Il est parfois difficile de se rappeler ce qu'on a essayé d'oublier pendant plusieurs années. C'est le cas de cette fameuse série de 1993 où les Nordiques parvenaient enfin à atteindre les séries éliminatoires après une longue attente. Une saison de 104 points, le double de l'année précédente, et nous finissions au quatrième rang du classement général de la Ligue nationale de hockey. Les partisans sont heureux. Ils l'ont amplement mérité et ils ont très hâte au début des séries éliminatoires surtout contre le Canadien de Montréal.

Tout le monde jubile car la rivalité entre les deux équipes atteindra un sommet en séries éliminatoires. Pour l'organisation des Nordiques, affronter Montréal est une bonne affaire, les rivalités s'intensifient en séries et c'est le temps propice pour ranimer les hostilités entre les deux formations.

Les cotes d'écoute à la télévision sont supérieures quand Montréal et Québec s'affrontaient. En 1993, on m'a dit qu'il y avait environ 1.5 millions de télespecteurs avec des pics à 1,8 millions pour suivre les matchs entre le Canadien et les Nordiques. La dernière fois que Montréal a joué en séries, l'auditoire n'a pas dépassé le million d'auditoire. On m'a parlé de 600,000 téléspectateurs.

Toujours est-t-il qu'en 1993, nous entamons la série avec force remportant les deux premières rencontres au Colisée contre le Canadien. Nous gagnons le premier match en prolongation après avoir tiré de l'arrière par deux buts, Scott Young avait déjoué Patrick Roy qui n'avait pas été à son meilleur sur le tir. Nous avions remporté le deuxième match de façon décisive contre Montréal pour prendre l'avance 2-0. Jusque là, tout se déroule bien pour nous.

A Montréal, les médias sont déchaînés. Ils acceptent très difficilement la performance de leur équipe, eux qui sont habitués aux victoires et aux nombreuses conquêtes de la Coupe Stanley. Les joueurs du Canadien se font varloper, les caricatures ridiculisent le Tricolore. Bref, l'organisation du Canadien ne pouvait espérer une meilleure campagne pour piquer la fierté des joueurs.

La campagne médiatique a eu un impact dans la série, même après huit ans, mon évaluation de la situation est la même à ce chapitre. Les joueurs du Canadien n'ont pas apprécié d'être traités de la sorte et ils ont réagit à cette pression. Cette équipe misait sur plusieurs vétérans de caractère.

En Suisse, récemment, les médias de Zurich ont piqué au vif les joueurs de leur équipe qui tiraient de l'arrière 3-1 contre Lugano. Zurich est revenu dans la série pour battre Lugano et remporter le championnat de la LNA. Comme quoi, la pression des journalistes peut donner des résultats. Le phénomène n'est pas unique à Montréal.

Roy-Hextall

Ron Hextall était vraiment motivé. Il venait de connaître une saison admirable. Il était un leader incroyable dans la chambre des joueurs. Mais c'est là que se termine la comparaison. En 1993, Patrick Roy a réagi comme s'il s'était senti visé ou défié. Après que le Canadien eut tiré de l'arrière 2-0, il a démontré dans les matchs suivants pourquoi il est maintenant considéré comme l'un ou le meilleur gardien de tous les temps.

Même lorsque Montréal l'a échangé il n'y a pas si longtemps, il faut admettre que plusieurs croyaient que sa carrière achevait. Pourtant, il vient de gagner plus de 40 matches en 2000-2001 et il vise une autre Coupe Stanley avec le Colorado. On avait analysé le style de Patrick Roy et Montréal en avait fait de même avec Hextall. Tout le monde connaît le résultat. On cherche encore les faiblesses de Roy.

Au delà de cette histoire, il n'en demeure pas moins que nous avions une équipe très jeune, moins mature que celle du Canadien. En saison régulière, nous avions marqué beaucoup de buts. Offensivement, notre équipe était supérieure mais défensivement le Canadien avait un meilleur dossier. Or, en séries éliminatoires, la défensive devient primordiale.

Nos jeunes joueurs ont probablement cru qu'avec leur talent, ils viendraient à bout du Canadien. En séries éliminatoires, cependant, le Canadien avait changé son style de jeu par rapport à la saison régulière.

En 1993, on aurait dit que Montréal était destiné à gagner la Coupe Stanley. Le Canadien avait remporté dix parties en prolongation dont deux contre nous. Mais huit ans plus tard, lorsqu'on y repense, c'est bon pour le hockey, ce genre de scénario. Montréal n'était pas la meilleure équipe sur papier en 1993 mais les joueurs ont cru qu'ils pouvaient être les meilleurs et aller jusqu'au bout en jouant en équipe.

La morale de cette histoire prouve qu'il est possible de gagner même si on n'a pas toujours la meilleure équipe. Plusieurs clubs peuvent aspirer à devenir champions. Il faut être les meilleurs au moment propice. Montréal aura été un bel exemple.

Ce qui arrive à Ottawa, actuellement, ressemble un peu à ce qui s'est passé à Québec. Nos jeunes étaient talentueux mais ils n'avaient pas compris que pour gagner en séries éliminatoires, les joueurs talentueux doivent aussi s'impliquer physiquement.

Au printemps 95, avec Marc Crawford, comme entraîneur, les Nordiques ont été éliminés en première ronde contre les Rangers. On se questionnait encore sur le désir de vaincre de certains joueurs talentueux en séries. Pierre Lacroix a alors ajouté les éléments qui manquaient à l'organisation pour gagner la Coupe Stanley. Avec Patrick Roy, Mike Keane, et Claude Lemieux, l'Avalanche a remporté la Coupe en 1996. Ottawa devra problablement ajouter des éléments semblables.

En séries, le prix à payer pour la victoire monte de plusieurs crans. Soudainement, il y a moins d'espace, il y a moins de chances de marquer, on ne manifeste aucun respect pour les joueurs de talent qui ont été identifiés comme les joueurs clefs pouvant faire la difference. Lorsque la marque est égale, on espère que quelqu'un craque. Et si personne ne craque, c'est souvent le gardien de but qui tranche le débat. En 1993, Patrick Roy a fait la différence jusqu'à la Coupe Stanley quand personne ne s'en y attendait.

Mats Sundin en direct

Plusieurs personnes me parlent encore de cette enguelade avec Mats Sundin dans le sixième match au Forum de Montréal. J'ai regretté de l'avoir fait publiquement, car effectivement cela n'aurait dû jamais se passer devant les caméras de la télévision. Après avoir tire de l'arrière 2-0, nous avions remonté la pente et égaler la marque à 2-2. Quelques secondes plus tard , le trio de Sundin se faisait compter un but. Sur le jeu, l'effort laissait à désirer. J'avais raison d'être choqué par son comportement sur la glace.

La saison dernière, l'entraîneur des Maple Leafs, Pat Quinn a également pointé du doigt Sundin, durant les séries, soit sept ans plus tard. Cependant, dans mon cas, cela n'aurait pas dû se faire publiquement. On peut dire plein de bonnes choses sur Mats Sundin comme personne, mais pour un entraîneur, c'est le genre de joueur qui a besoin d'être motivé de l'extérieur plus souvent que d'autres.

L'élimination avait été difficile à encaisser. Tout d'un coup, tout le monde avait oublié notre merveilleuse saison de 104 points. On avait oublié les progrès de l'organisation lors des trois dernières années. Les Nordiques venaient de connaître leur meilleure saison régulière en 13 ans d'histoire. Perdre contre Montréal était un sacrilège pour les gens de Québec. Aujourd'hui, on sait que nous avons perdu contre l'équipe qui a gagné la Coupe Stanley. Cela a créé un été négatif, suivi de négociations difficiles, de joueurs qui ne se sont pas présentés au début de la saison et enfin de plusieurs blessures. Juste assez pour déstabiliser la caravane pendant une année.

On avait dit que la reconstruction prendrait de trois à cinq ans. Après trois années, les Nordiques frappaient à la porte comme le font présentement Ottawa. Pierre Lacroix et son personnel ont effectué les changements nécessaires deux ans plus tard. On est tous content pour ceux qui ont persisté et gagné la Coupe Stanley mais comment expliquer la déception des partisans qui remplissaient le Colisée à 96 % année après année.

Ce sont les commanditaires qui ont causé le départ des Nordiques. Les compagnies multi-nationales ont quitté pour Toronto. La confiance des investisseurs locaux s'est effondré. On n'a pas réussi à trouver quelqu'un au Québec qui voulait risquer d'acheter les Nordiques.

La même chose vient de se produire à Montréal. Le défi revient à tous de vendre la vision de reconstruction à Montréal qui prendra moins de temps ou plus de temps qu'à Quebec ou Ottawa. Les propriétaires, les commanditaires, les journalistes, les véterans , les jeunes joueurs et enfin les partisans doivent decider s'ils veulent faire partie de la croisière.

Il y aura toujours un groupe qui boude. Il faut tous les rapatrier. Il faut presque une foi aveugle. Ottawa semblait l'avoir cette foi aveugle. Cet été deviendra un grand test pour eux.…..Montréal n'a jamais eu à souffrir si longtemps….Frère André, ou êtes vous?

Mon expérience me dit que si les commanditaires et les journalistes tiennent le coup, les autres groupes n'abandonneront pas et tout pourrait devenir une réalité.


Bonne semaine, propos recueillis par Diane Hayfield