Justin Carbonneau : viser la lune pour atteindre les étoiles
MONTRÉAL – On ne peut pas dire que Justin Carbonneau ne nous avait pas prévenus.
Le printemps dernier, alors qu'il venait de conclure sa première saison complète chez l'Armada de Blainville-Boisbriand avec 31 buts, le talentueux attaquant, inadmissible par quelques semaines au repêchage de la LNH, avait décrit ainsi sa philosophie : « Montre ce que t'as à montrer, et l'année prochaine t'en montreras encore plus. »
La saison est jeune, mais jusqu'ici Carbonneau tient parole. Après 17 matchs, il maintient un rythme qui le mènerait à une récolte de 34 buts. Le fait qu'il a déjà 16 mentions d'aide suggère aussi qu'il a ajouté une corde à son arc. « Il fabrique un peu plus de jeux en avantage numérique ou il prend des bons lancers et ses coéquipiers scorent sur un retour. En général, il est plus impliqué dans l'attaque », confirme l'entraîneur de l'Armada Mathieu Turcotte.
À cette cadence, Carbonneau amasserait 102 points sur une saison de 68 parties. Dans les dix dernières années, seulement cinq joueurs de la LHJMQ ont soutenu une telle production à leur première année dans le bassin d'espoirs des recruteurs du circuit Bettman : Alexis Lafrenière, Jordan Dumais, Pierre-Luc Dubois, Nico Hischier et Timo Meier.
Il y aurait de quoi se péter les bretelles, mais Carbonneau n'est pas impressionné.
« Je dirais que je ne suis pas satisfait à 100%, évalue le gaillard de 6 pieds 1 pouce. Je suis quelqu'un dans la vie qui n'est jamais nécessairement satisfait de ce qu'il fait. Je pense que je peux être fier et heureux de ce que j'ai accompli et aussi de ce que mon équipe accomplit. Mais l'année passée, mon objectif était de me dire que c'était mon année de repêchage. Cette année c'était de prendre encore un pas vers l'avant. J'ai un bon début de saison, ça va bien, mais je pense que je peux en montrer encore plus. »
« Je veux être un attaquant complet, enchaîne-t-il. Je suis un attaquant de puissance qui peut amener de l'offensive, qui peut amener un jeu physique, tout ça. Ça va dans l'optique qu'il faut que je sois parfait là-dedans. Il y a des soirs où je ne sens pas que toutes les parties de ma game sont parfaites. C'est juste qu'il faut que je joue une game complète. »
La perfection. Voilà donc où Justin Carbonneau place la barre pour mesurer son progrès.
Mathieu Turcotte est content de ce qu'il voit de son poulain jusqu'à présent. Il décrit un jeune homme mature « qui prend tout au sérieux ». Les chiffres qu'il compile à l'interne confirment ce que disent les statistiques les plus élémentaires : la progression attendue est là.
Mais puisqu'il est question ici de former un potentiel choix de première ronde, l'entraîneur non plus ne se contentera pas d'une amélioration superficielle. Dans cette relation entre le maître et l'élève, le diable est dans les détails.
« En général, je trouve qu'il a amélioré sa structure sur la glace, soulève l'enseignant. Souvent, c'était ça le point clé l'année passée. C'est que Justin doit rester à l'intérieur d'une structure sans la rondelle pour avoir la rondelle plus souvent et ensuite être en mesure d'attaquer et de montrer ses qualités en tant que joueur de hockey. »
On demande des précisions. « Les joueurs comme lui, à vocation offensive, ils veulent souvent tenter de forcer les choses même sans la rondelle et des fois, il se mettent hors-position. Cette année, je pense qu'il fait un bien meilleur travail avec ça, mais il faut qu'il travaille un peu sur sa patience. Dans le sens que si un marqueur comme lui n'a pas de point rapidement dans un match, parfois il tente de forcer le jeu plutôt que de le laisser venir à lui et exécuter comme il est capable quand il a la rondelle. Parce qu'il n'y a aucun doute que c'est un des meilleurs francs-tireurs de notre ligue et un des meilleurs pour créer des jeux. »
La comparaison, un poison ou une motivation
Depuis le début de la saison, Turcotte croit avoir remarqué une tendance, tellement naturelle pour un jeune de 17 ans, dans l'enchaînement des matchs de son gros ailier. Quand il affronte un autre prospect qui est sous observation par les recruteurs de la LNH, « Carbo » est plus susceptible de sortir du cadre et de tenter de trop en faire. L'entraîneur cite en exemple un match contre les Saguenéens de Chicoutimi, qui comptent dans leurs rangs les espoirs Émile Guité et Alex Huang.
« Il a eu deux passes, mais il a fini moins-2. Parce qu'il forçait, il forçait, il forçait. Quand tu forces les choses, tu étires tes présences sur la glace, tu fais en sorte que tu fais plus de revirements, tu as moins d'énergie et même si tu as la rondelle et que tu es dans une position pour marquer en fin de présence, c'est souvent des lancers moins efficaces. Ultimement, ça te fait mal. »
Lorsqu'on lui relaie l'hypothèse de son coach, Carbonneau s'y oppose poliment.
« Je ne me bats pas contre les autres, je me bats contre moi-même. C'est pas les autres qui vont affecter mon rang. Si je fais ce que j'ai à faire et je montre tout ce que j'ai à montrer, j'aime mes chances. Je ne suis pas là pour me comparer aux autres. Ce sont des super bons joueurs, les [Caleb] Desnoyers, Guité, Huang, ils sont incroyables. Mais je ne suis pas là pour me comparer à eux. »
Carbonneau, qui dit vouloir calquer son style sur des éléments du jeu d'Adrian Kempe et Travis Konecny, est présentement considéré comme le deuxième meilleur espoir en sol québécois, derrière Desnoyers des Wildcats de Moncton. Les deux joueurs seront les seuls représentants de la LHJMQ au Défi des espoirs à la fin novembre. Ils sont aussi les seuls qui sont pour l'instant identifiés comme des potentiels choix de première ronde par la Centrale de recrutement de la LNH. Dans son plus récent palmarès des espoirs, le journaliste spécialisé Scott Wheeler place Desnoyers au 10e rang et Carbonneau au 20e rang.
Carbonneau admet que son objectif est de « monter le plus possible dans les listes », mais comprend à la fois qu'il doit garder les deux pieds sur terre pour bien relativiser leur contenu.
« C'est sûr que c'est tough de ne pas les voir. Quand tu te fais envoyer ça par une trentaine de membres de ta famille, tu finis par le voir. T'as beau dire que tu ne veux pas le voir, tu le vois. Mais après, c'est ce que tu fais avec cette information-là. Moi dans ma tête, me faire repêcher est un objectif, pas un rêve. J'ai ben beau me dire que j'ai été classé à telle place ou que telle personne me trouve bon, pour moi ça ne veut rien dire. C'est une tape dans le dos chaque fois que tu vois quelque chose de positif, mais il faut que tu avances au-delà de ça. »
« Je ne suis pas à un point où je peux dire que je suis assez bon. Je ne peux pas être satisfait. »