Enfiler des buts, c’est bien beau, mais à condition de ne pas trop en concéder.

Une évidence, direz-vous? Assurément. 

C’est pourtant en répétant et répétant encore cette maxime dans son vestiaire que l’entraîneur-chef Mario Durocher a opéré une prise de conscience qui a propulsé les Foreurs de Val-d’Or vers le sommet de la LHJMQ.

Depuis le 1er novembre, la formation abitibienne affiche en effet le meilleur dossier (13-3-0) du circuit Courteau. Forts d’une série de sept gains de suite, les Foreurs tenteront de poursuivre sur leur lancée ce soir, alors que l’Armada de Blainville-Boisbriand fera escale au Centre Air Creebec.

Ces derniers occupent le premier rang du classement général avec 47 points. Les Foreurs, campés au quatrième rang, accusent cinq points de retard sur l’Armada avec deux matchs de plus de disputés.

« On a beau avoir connu un excellent mois et fait un bond au classement, c’est tellement serré que la marge de manœuvre est bien mince. Chaque défaite te fait reculer, alors que chaque victoire ne fait qu’entretenir le statu quo », fait remarquer Durocher, en entrevue au RDS.ca.

Neuf points séparent en effet la huitième position de la première au moment d’écrire ses lignes. N’empêche, avec la meilleure attaque du circuit (147 buts) et une défense plus efficace, les Foreurs se maintiennent au plus fort de la lutte.

« En début de saison, on marquait beaucoup de buts, mais on en encaissait autant. C’est bien beau de mener 5-2 au cours d’un match et de l'emporter quand même en supplémentaire, ça demeure risqué. Avant que ça nous rattrape, on a mis l’accent sur notre jeu défensif », note Durocher.

Avec 106 buts contre depuis le début de la campagne, les Foreurs se classent sixièmes dans le circuit à ce chapitre, à égalité avec les Remparts de Québec.

« Avec notre offensive qui roule à un train d’enfer, ce qu’on n’attendait pas vraiment, des défenseurs qui appuient l’attaque et des gardiens qui ont récemment élevé leur taux d’efficacité au-dessus de .900, ça fait toute la différence du monde », décortique Durocher.

Anthony ManthaLe tout pour le tout?

Identifiés il y a quelques semaines à peine comme des vendeurs à l’aube de la période de transactions, les Foreurs viennent sans doute de basculer dans l’autre camp, succès obligent.

Entourer Anthony Mantha, meilleur pointeur de la Ligue canadienne de hockey (LCH) avec une récolte de 69 (33 buts et 36 passes), semble dorénavant inévitable. 

Il ne serait donc pas étonnant que le directeur général des Foreurs Alexandre Rouleau tente le tout pour le tout et se lance dans le derby Charles Hudon, comme le mentionnait récemment le collègue Stéphane Leroux. Le gardien Domenic Graham, lui aussi des Saguenéens de Chicoutimi, risque également de susciter l'intérêt du DG.

« J’ai déjà indiqué à l'équipe que je ne m’opposais pas à un éventuel échange ou encore à demeurer à Val-d’Or. Mais avec les succès de l’équipe, ce serait peut-être bête de ne pas tenter notre chance cette année », estime Mantha, qui pourrait néanmoins être le joueur le plus en demande lors de la période des transactions, du 22 décembre au 7 janvier.

En attendant d’être fixés, Durocher et ses joueurs s’efforceront de forcer la main du patron.

« Mes gars en sont conscients depuis le début de la saison. S’ils performent (sic), je ne pense pas que l’organisation patientera une autre année avant d’y aller. Notre objectif a toujours été de se positionner dans une situation où Alexandre n’aura pas le choix d’améliorer l’équipe », espère Durocher.

À moins, bien sûr, qu’une autre formation ouvre ses coffres aux Foreurs.

« S’il (Alexandre Rouleau) reçoit une offre de quatre joueurs capables de nous aider cette année et dans un avenir rapproché en retour d’Anthony, il devra y songer sérieusement », signale Durocher.

Mantha le prochain Foreur avec ÉCJ?

Cap sur Toronto

Qui sait si Mantha sera troqué ou non, mais d’ici là, les Foreurs auront bien vite un bref aperçu de ce à quoi ressemblerait leur quotidien sans leur as marqueur. Jeudi, l’attaquant quittera pour Toronto, où il prendra part au camp de sélection d’Équipe Canada Junior en vue du Championnat mondial junior.

« C’est une autre belle étape dans son cheminement vers la LNH, note Durocher. Il aura la chance de se mesurer à la crème de son groupe d’âge. Lors de la Super Série Subway, il a déjà démontré qu’il était capable de les déborder et de marquer de l’enclave. »

Jumelé à Jonathan Drouin et Hudon sur la première unité de l’équipe représentant la LHJMQ dans les deux premiers matchs de ce rendez-vous annuel face à l’équipe nationale russe, Mantha a inscrit deux buts et glané une mention d’aide.

« Contribuer offensivement et compléter mes mises en échec, voilà comment je pourrais participer aux succès du Canada », entrevoit Mantha.

Son entraîneur-chef a beau ne pas être dans la tête de Brent Sutter, qui sera à la tête d’Équipe Canada Junior, il n’y a aucun doute dans son esprit, Mantha mérite un poste.

« Ce qu’on m’a dit, c’est qu’il manque peut-être de marqueurs cette année », souligne Durocher, qui a déjà remporté une médaille d’argent à titre d’entraîneur-chef d’Équipe Canada Junior en 2004. L’année précédente, il avait fait de même alors qu’il occupait un poste d’adjoint.

« Avec toute la pression que ça implique de représenter le Canada, le mandat d’Anthony sera sans doute de marquer des buts, tout en étant responsable défensivement. Je ne suis pas inquiet pour lui. Ce n’est peut-être pas un job évident, mais il est capable de le faire », insiste Durocher.

Anthony ManthaLe déclic

Avec la saison extraordinaire que connaît Mantha, Durocher pourrait difficilement angoisser pour son protégé.

À mesure que la campagne progresse, le choix de premier tour des Red Wings de Detroit au dernier repêchage de la LNH confond les sceptiques, qui voyaient en lui un joueur mettant la pédale douce à un contre un ou le long des bandes.

« C’est mon objectif cette année de me défaire de cette réputation. Pour ce faire, j’ai adopté la philosophie des Red Wings, qui est d’être présent chaque jour, que ce soit à l’entraînement dans le gym ou sur la patinoire et lors des matchs. Je crois être sur la bonne voie. » 

Durocher ne peut que corroborer.

« Il faut lui donner tout le crédit. Après avoir marqué 50 buts l’an passé, personne ne doutait de son talent offensif, même dans la LNH. Je crois cependant qu’en prenant part aux camps d’entraînement d’Équipe Canada Junior et des Red Wings cet été, il a pris conscience de ce que ça prend pour joueur en haut. Anthony est un gars intelligent, il a réalisé qu’il devait se servir de ses six pieds quatre pouces. » 

Le déclic a été immédiat. Si bien qu’en début d’année, Mantha se dirigeait allègrement vers une saison de 80 buts.

« Anthony marque beaucoup de buts de l’enclave, alors que dans le passé, il le faisait davantage en périphérie, observe Durocher. Il a toujours sa vitesse et son excellent tir, qu’il continue d’améliorer, mais ce qui fait surtout une différence dans son jeu c’est qu’il se sert bien de son corps pour compléter ses mises en échec, soutirer la rondelle et la protéger. »

Les défenses adverses peuvent en témoigner. Mantha est impitoyable.

« Les Red Wings m’ont donné une autre année dans le junior pour améliorer mon jeu défensif et mes batailles à un contre un. »

Visiblement, cette saison, il la met à profit.