Alexis Lafrenière finalement arrivé
COLLABORATION SPÉCIALE
Alexis Lafrenière vient tout juste d'avoir 23 ans le 11 octobre dernier, mais on dirait qu'il est dans la LNH depuis toujours alors qu'il entame déjà sa cinquième saison dans la LNH. Le natif de Saint-Eustache a connu un parcours des plus uniques pour un espoir sélectionné au premier rang.
Il a eu besoin de quelques années avant d'y arriver, mais il répond finalement aux attentes qui viennent avec l'honneur d'être le premier choix au total. Après avoir établi des sommets personnels pour les buts (28), les aides (29), et les points (57) l'an dernier, il a reçu une prolongation de contrat de sept saisons à 7,45 millions $ US par année la semaine dernière. C'est un contrat similaire à bien des jeunes étoiles à travers la ligue comme Juraj Slafkovsky, Cole Caufield, Matt Boldy, et bien d'autres. Les Rangers sont l'une des formations les plus dominantes en ce début de saison et Lafrenière joue un rôle clé, se retrouvant deuxième pour les points derrière Artemi Panarin. Mais le parcours pour se rendre jusque là était loin d'être sans embûches pour le Québécois.
Des attentes (trop) élevées
Lafrenière était évidemment un excellent espoir et le premier choix unanime en 2020. Sa combinaison de talent, production dans la LHJMQ, et gabarit ont impressionné les dépisteurs lors de ses deux dernières saisons juniors, où il a amassé 105 et 112 points. Il était aussi seulement le deuxième joueur de l'histoire de la LHJMQ à remporter deux titres de joueur de l'année consécutifs et le premier depuis Sidney Crosby. Le fait qu'il jouait pour l'Océanic de Rimouski n'a fait qu'accentuer les comparaisons avec le centre des Penguins, ce qui était plutôt injuste pour Lafrenière. Il était mentionné comme possiblement le meilleur espoir à sortir du junior majeur québécois depuis Crosby.
Bien que justifiée comme comparaison, « le meilleur depuis Crosby » ne veut pas dire que Lafrenière était du même calibre que la légende des Penguins, qui avait marqué 168 points lors de sa dernière année à Rimouski. Après tout, on peut presque compter sur les doigts de la main les joueurs qui ont eu une meilleure carrière que Crosby, qui est le 10e meilleur marqueur de l'histoire de la LNH. Malgré tout, c'est de cette façon que bien des gens l'ont perçu. Avec la saison recrue légendaire de Crosby (102 points à 18 ans), ça a mis des attentes démesurées sur les épaules de Lafrenière.
Une situation sans précédent
Lafrenière a aussi été placée dans l'une des situations les plus uniques pour un espoir dans l'histoire de la LNH. Les Rangers étaient une excellente équipe en 2019-2020. Ils venaient d'ajouter Artemi Panarin, Adam Fox, Igor Shesterkin, Jacob Trouba et Kaapo Kakko à leur formation. Lorsque la saison a été suspendue par la Covid, ils avaient une fiche de 37-28-5, ce qui serait bon pour environ 93 points lors d'une saison normale. Ils se sont inclinés lors du tournoi de qualification, ce qui leur a donné la chance de participer à la loterie malgré leurs succès. Ils ont évidemment remporté le premier choix, faisant d'eux la première équipe depuis 1983 à repêcher au premier rang la même année qu'ils ont fait les séries. Il s'est aussi joint à la LNH lors de la saison 2020-2021, une saison disputée sans partisans et avec plusieurs restrictions hors glace en raison de la pandémie.
Lafrenière a donc rejoint un club qui était déjà sorti de sa reconstruction, plutôt qu'une formation de bas de classement comme la majorité des premiers choix de l'histoire. Ça a mis encore plus de pression sur lui pour des résultats immédiats. Il n'a pas eu le luxe de se développer à son rythme et d'apprendre de ses erreurs, car les Rangers ne pouvaient pas se permettre ces erreurs dans leur course aux séries. Et il a dû faire tout ça dans l'environnement déstabilisant qu'était la saison Covid. Loin d'une situation idéale pour faire le saut dans la LNH à 18 ans.
L'importance de la stabilité
Un autre problème pour Lafrenière a été le manque de constance chez ses compagnons de trio. Au cours de sa saison recrue, il a joué au moins 50 minutes avec neuf joueurs différents, menés par Filip Chytil, à 251:41. Même chose lors de sa deuxième saison, avec 10 joueurs qui l'ont côtoyé pendant au moins 50 minutes. Ça a commencé à se stabiliser en 2022-2023, où il a formé un bon troisième trio pour les Rangers aux côtés de Kaapo Kakko et Chytil et a connu sa meilleure saison avec 39 points. Mais c'est la saison dernière où les choses ont vraiment débloqué pour Lafrenière.
Des 1309 minutes qu'il a joué à forces égales en 2023-2024, 1092 sont venues avec Panarin à ses côtés, soit plus de 83 % de son temps de jeu total à égalité numérique. Panarin est un fabricant de jeu hors pair, comme le démontrent ses 321 aides depuis qu'il s'est joint aux Rangers, une marque qui n'est devancée que par Connor McDavid (410) et Nathan MacKinnon (330) et est égale à Leon Draisaitl. Lafrenière a profité de sa chance et a connu de loin sa meilleure année dans la LNH. Il s'est avéré un excellent complément pour la vedette des Rangers.
Tableau Alexis Lafrenière
Panarin est particulièrement dangereux lorsqu'il utilise sa vitesse en entrée de zone et Lafrenière a suivi le rythme de l'ailier russe. Il était fort en transition et efficace en entrée de zone. Il n'hésitait également pas à attaquer le bas de l'enclave et à se présenter comme cible pour Panarin, qui a obtenu une aide sur 14 des 28 buts de Lafrenière, dont sept mentions d'aides principales. Et il a fait tout ça avec très peu de production en avantage numérique, qui était responsable de seulement six de ses 57 points. Le duo continue cette saison, avec Lafrenière qui a cinq buts et dix points en dix rencontres, dont ce but qui est un exemple parfait de sa complicité avec Panarin.
Ça a pris un peu plus de temps que prévu, mais Lafrenière est finalement arrivé et il est là pour rester.